“Marseille est en retard dans la prise en compte des piétons”
Brigitte Bertoncello, géographe et urbaniste, décrypte la place laissée aux piétons dans Marseille, encore réduite dans la ville.
“Marseille est en retard dans la prise en compte des piétons”
Les voitures garées à cheval sur le trottoir dans le 1er arrondissement, c’est bientôt fini ! Les Marseillais se sont habitués à cette pratique normalement illégale. Le 1er février, le conseil d’arrondissements a voté la fin progressive du stationnement à cheval sur les trottoirs. Une première étape dans une ville, même si les zones piétonnes se sont étendues, où il faut souvent savoir enjamber des trottinettes abandonnées, changer de côté plusieurs fois dans une même rue et parfois même inventer son propre chemin. Les habitants jugent Marseille “très défavorable” aux piétons, selon le baromètre 2021 des villes marchables. Alors que la ville change, très lentement, Marsactu mobilise ses lecteurs à travers une carte participative à retrouver ci-dessous.
Brigitte Bertoncello, professeure émérite d’Aix-Marseille Université et chercheuse au Laboratoire population environnement développement (LPED) approche le thème du piéton à travers la question des espaces publics. L’urbaniste et géographe a notamment étudié le cas de la ville de Marseille au cours de ses recherches. Avec Frédérique Hernandez de l’Université Gustave-Eiffel, elle a consulté des documents d’urbanisme, exploité des enquêtes sur les déplacements, observé les usagers, pratiqué elles-mêmes en tant que piétonne. À ses yeux, la difficulté pour prendre en compte ce mode de déplacement réside dans le fait qu’il y a autant de façons de marcher que de piétons.
Marseille est-elle en retard par rapport aux autres villes sur la prise en compte des piétons dans l’aménagement urbain ?
En comparaison d’autres métropoles, comme Lyon ou Bordeaux, Marseille a pris du retard. Les collectivités ont véritablement commencé à s’intéresser à la marche au moment de créer les premières zones piétonnes en ville. Au niveau national, ça a commencé dans les années 70. Mais à Marseille c’est seulement à partir des années 2000 que la ville a accordé une attention plus particulière aux piétons. Le plan de déplacement urbain (PDU) et le schéma directeur des espaces publics (SDEP) du centre-ville montrent une prise en compte des piétons en 2000, avec une volonté de faciliter leurs déplacements dans des espaces adaptés. Le SDEP n’a cependant pas pu être appliqué du fait du passage de la compétence voirie de la ville à la communauté urbaine.
Comment expliquez-vous ce retard ?
Avant c’était la période du “tout voiture”, mais le contexte a évolué. La question environnementale occupe une place plus importante et les crises pétrolières n’ont pas été sans conséquence. Les collectivités sont maintenant plutôt dans l’idée de concevoir des “villes durables” où les différents modes de déplacements dont la marche doivent cohabiter. À Marseille, la voiture occupe une place plus importante que dans les autres villes. Il y a en effet eu des lenteurs dans plusieurs domaines, comme le déploiement des transports en commun, l’aménagement de l’espace public, leur gestion et la concertation avec les habitants. Ce retard peut quant à lui s’expliquer par un problème d’articulation des compétences entre chaque acteur. “Qui prend quoi en charge ?”, “Qui s’occupe des réparations et du nettoyage ?”…
Concrètement, quelles formes prennent les obstacles à la marche que vous avez recensés ?
C’est toujours difficile de circuler dans cette ville, même s’il y a eu des aménagements. Les piétons rencontrent plusieurs types d’obstacles : des empiétements, de la part des terrasses ou des commerces, des encombrements, par les poubelles ou les trottinettes abandonnées. Dans certaines zones, l’absence de trottoir, leur étroitesse, la présence de véhicules dessus ou encore leur manque d’entretien jouent également. En fonction du niveau de conservation des équipements, un piéton peut orienter son choix de parcours ou prendre un autre moyen de transport. Des coupures urbaines existent dans certains quartiers. Les piétons traversent des zones non sécurisées et créent leur propre chemin. Mais la pollution, l’absence d’ombre et l’appropriation de l’espace public par certains groupes peuvent aussi être des obstacles. Ils sont nombreux et la liste peut encore être complétée. Résultat, on ne marche pas bien dans Marseille.
Quels besoins spécifiques avez-vous identifiés pour améliorer le parcours des piétons ?
Tout d’abord, il y a plusieurs profils de piétons qui n’ont pas tous les mêmes attentes, en termes d’efficacité ou d’esthétisme. Ils peuvent être définis par l’intention de la marche : si ce sont des actifs, des sportifs, des touristes ou encore des enfants. Les catégories socioprofessionnelles jouent aussi. À Marseille, pour une partie de la population, la marche est une contrainte. Donc pour eux c’est la sécurité qui compte. Les femmes et les hommes n’ont en plus pas le même rapport aux déplacements à pied. Les personnes à mobilité réduite (PMR) font quant à elles davantage attention à la signalétique. Les enfants ont une hauteur de vue qui n’est pas la même. La difficulté aujourd’hui lors de l’aménagement d’un espace public est de réfléchir à comment partager les lieux et faire cohabiter tous les modes de déplacement. Cela fait déjà une bonne vingtaine d’années que les espaces partagés sont en réflexion.
Comment intégrer les usagers aux prises de décisions sur l’aménagement urbain ?
La participation des citoyens implique plusieurs degrés d’engagement des individus, allant de l’information à l’implication. Pour un certain nombre d’opérations, les collectivités se retrouvent légalement contraintes à faire participer la population. Mais une institution peut aussi, dans le cadre de son positionnement politique, choisir d’intégrer le point de vue des usagers dans ses prises de décision. C’est ce qu’apparemment la nouvelle municipalité souhaite mettre en place. Je trouve cela louable, mais délicat. Après avoir mobilisé les citoyens, il faut réussir à satisfaire le maximum de monde. Avant de lancer un dispositif de participation, les collectivités peuvent alors passer par des associations préoccupées par ces questions. Cela peut constituer une première étape.
Selon vous, quels sont les enjeux qui poussent aujourd’hui à mettre le piéton au cœur des réflexions en matière d’urbanisme ?
La gestion des piétons dans une ville en chantier comme Marseille est fondamentale. Mais c’est une temporalité particulière qui ne peut être négligée. La prise en compte des piétons en phase de chantier a fait l’objet d’études et de préconisations. Je pense aux travaux du Centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA). Derrière, il y a encore des enjeux environnementaux, comme la lutte contre la pollution et la préservation de la nature en ville, économiques, mais aussi de santé publique, en raison des effets préventifs de la marche sur un certain nombre de maladies. Prendre en compte le piéton c’est donc répondre à la fois à des problématiques d’accessibilité, de mobilité et de convivialité. Car la marche est aussi une manière d’appréhender le territoire.
Commentaires
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“Marseille est en retard dans la prise en compte des piétons”
Et des cyclistes, et des transports en commun, et des parcs et jardins, …
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Que veut dire ce concept de Marseille?.
Parlons nous de marseillais, des marseillais, de la ville de Marseille ?
S’il sagit de marseillais la police municipale devra agir ( l’espoir fait vivre) ou bien faire comme en Suisse , la politique de la dénonciation “citoyenne” , s’il s’agit des marseillais, cause perdue vu le je m’en foutisme général et quelque soit la classe sociale , s’il s’agit de la ville de Marseille , il va falloir convaincre FO avec des jours de congés supplémentaires et des prîmes.
Ce titre de Marseille en retard me fait penser de façon indubitable au fameux “Monsieur ON”.
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Concernant la difficulté des piétons à circuler je voudrais signaler trois choses qui me paraissent importantes à signaler mais qui ne sont pas signalées dans l’interview :
1. Dans les ronds point, les piétons qui voudraient traverser sont mis en danger par bien des automobilistes car une infime minorité d’entre eux mettent leur clignotant pour indiquer leur direction (à croire que leurs véhicules n’en sont pas équipés !). Or l’usage du clignotant est important car il permet de savoir si le piéton peut traverser en sécurité sur le passage piétin, indépendamment de la priorité qui est la sienne. L’usage du clignotant est obligatoire dès que l’automobiliste s’apprête à changer de direction. Si le clignotant n’est pas actionné l’automobiliste s’expose à une amende de 35 euros, à la perte de 3 points sur son permis de conduire, et à une peine complémentaire de suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus, sanctions qui ne sont jamais appliqué.
J’aimerais savoir quand le gouvernement et les médias feront une campagne générale d’information sur ce point et quand la police nationale ou municipale se postera aux ronds-points en particulier pour verbaliser afin d’assurer réellement la sécurité de la population.
2. Le territoire de Marseille est complétement saturé d’embouteillages automobiles à certaines heures (par exemples des ronds point de Luminy au Cabot ou à l’avenue De Lattre de Tassigny jusqu’au boulevard Michelet, etc. et les bus sont pris dans les embouteillages …). Circuler en tant que piéton est donc une activité hautement toxique puisque le piéton circule dans les vapeurs d’essence ou de diesel. Encore plus toxique à hauteur d’enfant ou de poussette !
3. Enfin je signale que bien des automobilistes freinent non pas avant les passages piétons mais sur les passages piétons ce qui fait que la plupart d’entre eux sont progressivement effacés et ne sont pas fréquemment repeint pas la collectivité responsable (ville ou agglo ?).
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Cette vision de l’espace public est celle de théoriciens de la gestion de l’espace public . La présentation de la situation est à mille lieux de la réalité, en outre avant d’affirmer quelque chose il est bon de vérifier sa pertinence .
rapporter des déclarations de politiciens sans esprit critique = propagande .
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C’est vrai que l’analyse n’est pas très profonde.
Par exemple :
“Ce retard peut quant à lui s’expliquer par un problème d’articulation des compétences entre chaque acteur. “Qui prend quoi en charge ?”, “Qui s’occupe des réparations et du nettoyage ?”…
Ça ce n’est vrai que depuis la création de la métropole mais depuis 1970, il y a eu d’autres facteurs qui ne sont pas du tout analysés.
Bref beaucoup d’enfoncement de portes ouvertes dans ce décryptage : “Prendre en compte le piéton c’est donc répondre à la fois à des problématiques d’accessibilité, de mobilité et de convivialité” … Certes, mais encore ? Et concrètement pour Marseille ?
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Ici, la circulation des piétons – la “marchabilité” de la ville – est à ce point considérée comme quantité négligeable que les trottoirs, quand ils existent, sont considérés comme des lieux de décharge de toutes sortes de choses qui constituent autant d’obstacles : mobilier urbain semé au hasard, 2-roues motorisés, trottinettes, voitures évidemment…
Il existe dans certaines villes (comme ici : https://fussverkehr.ch/wordpress/wp-content/uploads/2016/09/plan-pieton.pdf) des “plans piétons” dont l’ambition est de faciliter la marche à pied. Un exemple à suivre à Marseille, qui n’a pas besoin de collectionner les dernières places pour la qualité de la vie : ville la moins cyclable, ville la moins marchable, ville la moins respirable, etc.
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Cher 8e, merci de cet article une fois de plus très instructif. Mais ces éléments concernent une ville de gens qui sont civilisés et non pas la cité qui suscite nos commentaires à longueur d’année et qui a pour caractéristique d’être la “première à jamais” au palmarès des incivilités de ses habitants.
Cette réflexion sur la pietonisation est encore une réflexion sur une cause perdue d’avance vu les mentalités locales.
Point positif cela occupe les urbanistes, architectes et sociologues locaux.
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Sur le site de la sécurité routière : « Un piéton est un usager à pied, sur un trottoir ou sur la chaussée. Les usagers qui poussent un vélo ou un cyclo avec leurs mains sont donc considérés comme des piétons. Les usagers handicapés en chaise roulante, les skateboards et les trottinettes sont également considérés comme des piétons.«
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