Malgré ses promesses, la CMA-CGM supprime 30 postes à la rédaction de La Provence
Rodolphe Saadé avait promis de ne pas toucher aux effectifs de la rédaction du journal qu'il a racheté il y a un an, il se dédit. Un poste de journaliste sur six est supprimé. L'annonce a déclenché une grève historique.
Le journal La Provence a été racheté par le groupe CMA CGM en 2022. (Photo : Tom Bertin)
Les journalistes du quotidien régional La Provence ont décidé d’entrer en grève immédiate et reconductible ce jeudi 16 novembre en milieu d’après-midi. Réunis en assemblée générale à la mi-journée au siège du journal, journalistes marseillais mais aussi des éditions locales et journalistes en contrats à durée déterminée se sont massivement exprimés pour l’arrêt de travail. Sur 193 votants, dont 190 suffrages exprimés, 170 se sont déclarés favorables à la grève et 20, opposés. Une participation et un résultat historiques au sein d’une entreprise peu encline aux mouvements sociaux. D’autres catégories de salariés pourraient rejoindre la mobilisation.
Cette mobilisation intervient au lendemain de l’annonce faite par l’intersyndicale formée par le Syndicat national des journalistes (SNJ), la CFDT et la CFE-CGC après une rencontre avec le directeur général, Gabriel d’Harcourt, de la suppression de 30 postes de journalistes au sein des divers services et éditions de la rédaction, portant le nombre de journalistes à 155 sur les trois départements que couvre le quotidien. La rédaction perd plus de 15 % de ses effectifs d’un coup.“La rédaction paie donc le prix fort d’un plan social qui ne dit pas son nom”, pointe l’intersyndicale.
Jointe par Marsactu, Sophie Manelli du SNJ voit dans cette grève “le signe que la rédaction sait que l’on ne peut pas faire un journal de qualité, le vendre et donc redresser les comptes, avec de tels effectifs”, elle pointe en outre une proposition “sans cohérence” qui va “casser le moteur” du titre.
31 postes également supprimés dans d’autres services
“La direction propose une nouvelle formule en mode dégradé : moins de pages locales, une édition unique le dimanche et la fermeture des agences d’Orange et Carpentras”, rapportent encore les représentants syndicaux. “Le plan du directeur de la rédaction pour lequel la rédaction s’était massivement prononcée et mobilisée en mai dernier est caduc, tout comme la promesse de l’actionnaire de remplacer tous les départs”, notent avec amertume le Syndicat national des journalistes (SNJ), la CFDT et la CFE-CGC.
L’actionnaire unique, la CMA-CGM, demande en effet au média de retrouver l’équilibre économique dès l’année prochaine et pour ce faire ne reconduira pas les nombreux professionnels qu’il avait embauchés en CDD pour pallier les nombreux départs d’historiques de la rédaction. En outre, 31 postes supplémentaires seront supprimés dans les autres services, hors rédaction, de l’entreprise.
“Trahison”
Dans les rangs du journal, les réactions sont vives. Une première source évoque une “impression d’un grand gâchis car tous les CDD fraîchement arrivés sont de grande qualité et s’en séparer c’est vraiment rendre l’avenir illisible”. Une seconde s’énerve des demandes impossibles de l’actionnaire : “Dans la presse, et particulièrement dans la PQR [presse quotidienne régionale, ndlr], un “retour à l’équilibre” en un an, cela n’existe pas ! Donc on s’attend tous à d’autres plans sociaux.” Plusieurs évoquent “une trahison”.
Cette décision intervient un peu plus d’un an après la prise du contrôle du quotidien par l’armateur Rodolphe Saadé au terme d’une longue bataille avec un autre milliardaire, le magnat des télécoms Xavier Niel, propriétaire notamment de Var-Matin et Nice-matin. Ses promesses sociales avaient convaincu les organisations syndicales de lui apporter leur soutien. Mais très vite, le patron marseillais avait commencé à renier ses engagements, estimant que les comptes du journal et la conjoncture se dégradaient. Les grévistes attendent désormais les retours de la direction du titre.
Contactés, ni Gabriel d’Harcourt, ni Aurélien Viers, le directeur de la rédaction n’étaient joignables dans l’immédiat. Le groupe La Provence fait toutefois répondre par son service de presse qu’un “dialogue a été ouvert [mercredi] par la direction du groupe La Provence avec les instances représentatives du personnel pour réorganiser la rédaction en tenant compte de la situation du journal” et que “la direction du groupe est attachée à la poursuite de ce dialogue, dans le cadre du plan de transformation initié qui vise à préserver la qualité des contenus, les conditions de travail des salariés et l’équilibre économique du journal.”
Mise à jour jeudi 16 novembre à 18h30 : les journalistes de la rédaction ont voté la grève lors d’une nouvelle assemblée générale jeudi 16 à 12h au siège du journal pour y discuter des suites à donner à l’annonce de l’actionnaire.
Mise à jour jeudi 16 novembre à 20h : ajout de citations du communiqué de la direction.
C’est bien triste, mais quand il y a plus de journalistes que de lecteurs…
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Vous pensez sérieusement ce que vous dites??
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Gestion à la sauce “tableau Excel” et “total en bas à droite” …
Un journal local, c’est pas un jouet pour un armateur qui vient d’engranger des bénéfices indécents pour cause d’augmentation des prix de transport.
Qu’il retourne jouer avec ses conteneurs. Et qu’il cède La Provence à ses salariés pour un Euro symbolique. Il aura perdu que 70 Millions d’Euros. Une paille, sur les 2 Milliards tombés du ciel dans les caisses de la CMA-CGM l’année 2022.
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Sont-ce les mêmes journalistes qui avaient voté à la quasi unanimité le rachat par le roi des conteneurs ? Quelle naïveté !
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le promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Et c’était un orfèvre en la matière qui l’avait proféré (J. Chirac) .Tout à fait d’accord avec Manipulite, ce sont de grands naïfs, ce qui est le comble pour des journalistes censés être sceptiques par devoir professionnel. X. Niel doit bien rigoler.
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En attendant, je lis Le Provençal en libre service dans les bars, en buvant mon café, en l’absence de La Provence … Pas mal non plus ma foi ! Maquette un peu plus sobre, mais une bonne tenue dans le contenu …Comme quoi, à toute chose malheur est bon. (Une précision : Je n’ai pas d’action au Provençal. J’aurais du mal d’ailleurs : le capital est sûrement bien verrouillé pour éviter les attaques pirates comme celle que vient de subir La Provence).
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