Les propriétaires de friches polluées de l’Estaque verseront jusqu’à 63 millions à la SNCF

Info Marsactu
le 2 Juin 2021
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Les sociétés industrielles Retia et Recylex, héritières des friches des Riaux, à l'Estaque, viennent d'être condamnées à verser jusqu'à 63 millions d'euros à SNCF Réseau. Une importante somme qui doit permettre de remettre en état les infrastructures ferroviaires endommagées par la pollution sur ces sites.

Le site désaffecté de Metaleurop à l
Le site désaffecté de Metaleurop à l'Estaque. (Photo VA)

Le site désaffecté de Metaleurop à l'Estaque. (Photo VA)

Cinq millions d’euros tout de suite, qui pourront monter jusqu’à 63 au fur et à mesure des travaux. La décision de justice rendue le 26 mai dernier par le tribunal administratif de Marseille va coûter très cher à Recylex et Retia. Ces deux sociétés industrielles, propriétaires de friches à l’Estaque, viennent d’être condamnées à verser cette somme à la SNCF Réseau pour une “contravention de grande voirie”. Le montant correspond à la facture de travaux visant à sécuriser deux tunnels et un viaduc qui traversent leurs terrains. Des infrastructures ferroviaires ayant ou étant susceptibles de subir de graves dégâts engendrés par la pollution chimique présente dans le secteur.

Respectivement spécialisées dans le recyclage de métaux et dans la dépollution de sites industriels, ces deux sociétés sont les héritières d’importantes friches du quartier des Riaux, au Nord de la ville. Attaquées en justice par la SNCF en 2018, elles vont donc devoir, écrit le tribunal, “remettre en état le domaine public ferroviaire” dégradé par des années d’infiltrations de polluants, selon le principe du pollueur-payeur.

Capture d’écran Google Maps de la friche industrielle des Riaux traversée par la ligne SNCF Marseille-Miramas, qui comprend notamment deux tunnels.

119 ans d’activités polluantes

Dans son jugement, le tribunal administratif de Marseille mentionne plus précisément “une attaque chimique et micro-biologique des maçonneries et des mœllons par des composants sulfatés chargés en métaux lourds”, mais encore “un effritement des blocs rocheux, une corrosion des éléments métalliques et la présence d’une pollution à l’arsenic, aux sulfates et au plomb”. Il faut dire que le lieu a vu se succéder depuis la fin du 19e siècle des activités hautement polluantes.

De 1883 à 2002, plusieurs sociétés dont en dernier lieu Metaleurop ont exercé sur ces parcelles des activités de transformation de minerai et de sulfure, avec entre autres un pôle plomb et un pôle arsenic. Metaleurop est depuis devenu Recylex. Parallèlement, en 1959, la société Kuhlmann a acquis une partie de ces installations, avant de les céder à une autre société devenue Atofina, puis Arkema. Ce groupe chimique français, dont la société Retia est issue, a exploité le site jusqu’en 1992. Ces terrains appartiennent toujours à ces deux industriels.

“Éclatement des matériaux”

Les activités de chimie industrielle exercées sur le site ont été à l’origine de l’infiltration de divers éléments et composés dans les sols calcaires que traversent les tunnels.

Extrait du rapport d’un expert mandaté par la justice

“Les activités de chimie industrielle exercées sur le site de l’Estaque depuis 1883 jusqu’en 1992 pour Atofina et 2002 pour Metaleurop ont été à l’origine de l’infiltration de divers éléments et composés dans les sols calcaires que traversent les tunnels Rio Tinto et des Riaux, ou sur le viaduc de Vauclair”, écrit dans la décision de justice un expert désigné par le tribunal. Ces infiltrations, note-t-il en substance, “ont pénétré le massif calcaire” et “peuvent avoir pour conséquences l’éclatement des matériaux”. “Deux zones du tunnel Rio Tinto ont été sujettes à une altération rapide des maçonneries, détaille-t-il encore. Ces deux parties ont dû être reconstruites et réparées à plusieurs reprises.”

Mais “les mesures de réparation entreprises jusqu’alors semblent avoir atteint leurs limites”, conclut la justice qui rappelle l’existence des nombreux arrêtés préfectoraux ordonnant la remise en état du site. Du côté des industriels, on estimait pourtant que la procédure les visant était dépourvue de fondement juridique.

Une note très salée

“Aucun fait matériel d’atteinte au domaine ferroviaire n’est établi, ni la réalité ni l’imputabilité des dommages allégués ne sont justifiées et l’évaluation des coûts est entachée d’erreur manifeste d’appréciation”, a tenté l’avocat de la société Recylex.  Pas de quoi convaincre le juge du tribunal administratif de Marseille qui a donné raison à la SNCF. “L’origine industrielle des pollutions observées sur les installations ferroviaires est bien documentée”, balaie-t-il. Quant à la note qui correspond à l’évaluation des coûts, elle risque de piquer.

Chemisage étanche de l’intérieur des deux tunnels, démolition et reconstruction du viaduc de Vauclair, renouvellement complet de la voie et des ballasts… “Les deux sociétés s’acquitteront des paiements successifs qui leur seront réclamés par SNCF Réseau, au vu de justificatifs et dans la limite du montant (…) évalué à 63,3 millions d’euros”, conclut le jugement.

La somme initiale de 5,7 millions d’euros pourrait entraîner la cessation de paiement de Recylex.

Le service communication de l’entreprise

Contacté par Marsactu, Recylex entend contester une décision qu’il estime infondée et disproportionnée. “Le jugement intervient à un moment critique pour la santé financière du Groupe Recylex, acteur majeur français de l’économie circulaire employant 70 collaborateurs sur trois sites en France et gestionnaire de lourds passifs environnementaux hérités de l’histoire industrielle du groupe”, affirme son service communication. Il ajoute : “la somme initiale de 5,7 millions d’euros pourrait entraîner la cessation de paiement de l’entreprise Recylex”. En cas de défaillance de l’entreprise, le principe du pollueur-payeur ne pourrait plus s’appliquer. Il reviendrait alors à l’État de finir l’interminable dépollution de ce site et de payer la facture de ces dommages.

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Commentaires

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  1. Stéphane Coppey Stéphane Coppey

    Et qu’en est-il de la responsabilité de Protect Métaux Arenc quant à la grave pollution au Chrome hexavalent qui touche le tunnel SNCF du raccordement de Mourepiane, près de la cité Consolat à Marseille egalement ?
    Et des dommages de ces pollutions sur le milieu naturel, qui entraîne l’interdiction de consommation de l’eau des puits à 1 km à la ronde ?

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    • PierreLP PierreLP

      Et la mairie de Marseille, du temps de l’équipe précédente, qui avait mis 5 ans à prendre un arrêté pour interdire l’usage de ces eaux… Il avait fallu que pour finir le préfet adresse une mise en demeure au maire de l’époque…

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    • neplusetaire neplusetaire

      PMA
      TLM
      LE RUISSEAU DES AYGALADES…etc

      Le milieu du recyclage est assez fermé, j’ai eu entre les mains un certificat médical de la médecine du travail pour infection pulmonaire à surveiller d’un ouvrier. Les trieurs de métaux qui sont toute la journée courbés à ramasser et à supporter cette poussière. Malheureusement, je n’ai pas vu de délégué syndical venir et s’intéresser à ces personnes. Le passage d’une personne du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail- CHSCT a obligé l’employeur à mettre à disposition un réfectoire, vestiaire, toilettes pour les salariés dans le chantier . Nous n’avions pas le droit d’être en contact avec le personnel du chantier diviser pour mieux régner. Il est vrai que le recyclage a le vent en poupe. C’est tellement tendance qu’ on peut faire un circuit touristique pour visiter les quartiers Nord .

      https://madeinmarseille.net/84413-lemon-tri-recyclage-dechet-plastique-insertion/

      Jadis, les métaux étaient ramassés par des personnes qui tournaient en fourgonnettes, mais avec le temps cette activité s’est professionnalisée.
      On nous prend la tête avec le recyclage devenu tendance en fait parce qu’il faut bien être responsable et traiter ses propres déchets plutôt que de les envoyer vers d’autres pays.

      Auparavant des conteneurs de déchets étaient envoyés vers d’autres pays, mais ça c’était avant.
      renvoi de 43 conteneurs de la Malaisie retour France

      https://www.dailymotion.com/video/x7qwvcn

      Désolée, je m’éloigne du sujet mais les années passées dans ce milieu m’a simplement traumatisée. Toutes mes démarches pour faire reconnaître ma souffrance au travail ont été vaines.

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  2. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Une pensée pour les milliers d’ouvriers qui travaillaient sur ces sites et dont la santé a été gravement compromise ainsi que pour les familles d’ouvriers qui habitaient les cités proches.

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  3. xxl22du13 xxl22du13

    “Le jugement intervient à un moment critique pour la santé financière du Groupe Recylex, acteur majeur français de l’économie circulaire employant 70 collaborateurs sur trois sites en France et gestionnaire de lourds passifs environnementaux hérités de l’histoire industrielle du groupe”

    Mais de qui se moque-t-on? Arkema, chevalier de l’économie circulaire. Lol
    Au final, c’est l’état qui paiera donc le contribuable, les riverains (double peine) et d’autres encore.

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    • Electeur du 5e Electeur du 5e

      Le groupe Recylex n’est pas lié à Arkema, c’est l’ex-Metaleurop, qui est effectivement désormais un acteur de l’économie circulaire car son activité consiste à recycler métaux et plastiques – ce qui ne les empêche pas d’être redevables de la dépollution de leurs sites historiques. Ils sont effectivement en difficulté financière.

      En revanche Retia est une (discrète) filiale à 100% du groupe Total, son cœur de métier est de réhabiliter les anciens sites pollués du groupe, dont faisait précédemment partie Arkema.

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  4. Dark Vador Dark Vador

    La photo aérienne es tellement parlante : quelle dévastation, horrible!
    Ça s’appelle le progrès? Ha bon…

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  5. Jacques89 Jacques89

    Il faudra bien un jour que l’Etat oblige les assureurs à prendre en compte le risque pollution. On met en place le dispositif pollueur/payeur, mais on ne crée pas les conditions nécessaires à la protection sociale des employés qui vont être pris en charge par les différentes caisses qui ne cessent de se vider. Si ces transferts successifs peuvent engendrer une certaine complaisance à l’égard des repreneurs, il demeure que ce n’est pas à la collectivité de faire les frais des erreurs industrielles du passé. Une fois de plus les chambres consulaires sont aux abonnés absents alors que chaque filière devrait s’organiser pour couvrir les risques d’elle engendre.
    Quant à cette pollution, qui, pour l’heure se limite au site d’exploitation, on serait bien inspiré de procéder à quelques carottages dans le chenal de l’Estaque (à quelques encablures du tunnel du Rôve et surtout avant sa réouverture éventuelle) où Kuhlmann a déversé ses eaux de procès pendant des années. Là encore, qui va payer ?

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    • Alceste. Alceste.

      Tout ce joli monde va déposer, ne payera pas un sou, se remontera à côté et nous réglerons l’addition.
      Elle est pas belle la vie !

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  6. Alceste. Alceste.

    Ou alors, encore plus astucieux, vous transférez les activités par des apports de branches, et le tour est joué.
    Elle est vraiment belle la vie !

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  7. neplusetaire neplusetaire

    Sincèrement désolée, j’écris sans me relire et je fait d’énormes fautes. Merci pour votre compréhension.

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