Les outrances de Muselier, une “stratégie assumée” qui divise la droite
En s'imposant comme le leader d'un arc politique qui court de la majorité présidentielle aux Républicains, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a su fédérer l'opposition au maire de Marseille. Mais sa mainmise politique génère aussi des inquiétudes.
Renaud Muselier et Martine Vassal au conseil département en octobre 2023. (Photo : Emilio Guzman)
L’heure est à la trêve des confiseurs. Remballez les saillies et les dagues bien aiguisées, faites place aux treize desserts. Pourtant, avant de s’offrir cette pause bienvenue dans le calendrier, c’est peu dire que le monde politique marseillais a été secoué par des épisodes agités, la semaine passée. Une interview de Renaud Muselier chez BFM, avec des sorties de route revendiquées du président (Renaissance) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (voir ici et là), un conseil municipal aux interventions parfois théâtralisées, le tout sur fond de sondage d’opinion… Il n’en fallait pas plus pour que les esprits s’échauffent. “La séquence a été bruyante alors que d’aucuns auraient aimé qu’elle soit discrète“, savoure un proche du président de région.
À ce petit jeu, l’opposition de droite et du centre s’est particulièrement illustrée, ces jours derniers. Et derrière les outrances d’une partie de celle-ci, c’est le leadership de l’opposition à Benoît Payan qui se joue. Avec deux options diverses : à Renaud Muselier les rodomontades, voire les dérapages, et à Martine Vassal une rivalité moins frontale avec le maire de Marseille. “Chez nous, il y a plusieurs couloirs de nage”, sourit Laure-Agnès Caradec, nouvelle présidente de la fédération Les Républicains des Bouches-du-Rhône. “C’est une stratégie assumée. Ces deux options sont complémentaires”, explique un membre du clan Vassal. Même analyse chez Yves Moraine, vice-président du département, toujours encarté chez Les Républicains : “Renaud Muselier a décidé d’incarner une opposition plus forte, plus brutale à Payan. Que, trois ans après, il remette le switch Rubirola-Payan en débat, je ne trouve pas cela scandaleux.”
“Muselier passe son temps à fracasser Wauquiez et Ciotti, mais il fait pire qu’eux. Franchement, cette sortie, c’est quasiment du Stéphane Ravier.”
Un élu de la majorité présidentielle
Reste la forme choisie. Lorsque le président de la région ose comparer le remplacement de Michèle Rubirola la maire élue par son premier adjoint en décembre 2020, à “un féminicide politique”, son entourage assume : ” Ce n’est pas une outrance. Mais une façon de qualifier les choses politiquement. Et personne n’est venu nous voir en disant que c’était un dérapage…” Si une partie de la droite en effet ne bronche pas, d’autres s’étouffent. “Je suis effaré par cette déclaration. Le pire, c’est que c’est choisi, préparé. Non seulement, ça ne nous grandit pas, mais ça nous plombe, ça nous dessert, analyse un élu, membre comme Renaud Muselier, de la galaxie présidentielle. Muselier passe son temps à fracasser Wauquiez et Ciotti, mais il fait pire qu’eux. Franchement, cette sortie, c’est quasiment du Stéphane Ravier“.
“Orangina rouge”
Même désarroi de la part d’un cadre de la macronie qui lève les yeux au ciel et soupire : “Muselier ? Il est en roue libre.” Un autre rappelle que le président de la région est connu pour ses coups de sang. “Il a toujours été comme ça : il y a des années, déjà, on l’appelait Orangina rouge. Parce qu’à peine on le secouait, il explosait !, se marre-t-il avant d’ajouter : Mais même chez les gens de Renaissance [parti qu’il a rejoint, ndlr], certains commencent à trouver qu’il est un peu embarrassant.”
La stratégie de “la grosse Berta” de Renaud Muselier, comme la décrit un acteur de la droite locale, tout comme la séquence très théâtralisée de Catherine Pila offrant en plein conseil municipal, un faux cartouche de marbre à Michèle Rubirola pour rappeler son passage – fugace – à la tête de la mairie de Marseille, ne font pas que des heureux.“Est-ce que c’est intelligent ? Ce n’est pas forcément ma façon de faire de la politique”, évacue un conseiller municipal. “Qu’il y ait une opposition qui s’oppose ce n’est quand même pas idiot. Car jusqu’au printemps dernier, c’est simple, on n’était pas là. Mais à un moment, il va falloir débattre des idées sur le fond“, recadre Yves Moraine.
L’union, cet impératif
Depuis le printemps dernier, le président de la région et la présidente du département et de la métropole affichent leur volonté de fédérer leurs anciens et nouveaux camarades pour 2026 – qu’ils soient restés dans le parti présidé par Éric Ciotti comme Yves Moraine et Laure-Agnès Caradec, qu’ils aient rallié Renaissance comme Renaud Muselier ou Lionel Royer-Perreaut, Horizons comme Bruno Gilles ou aient choisi l’option mi-chèvre mi-chou comme Martine Vassal (divers droite et soutien d’Emmanuel Macron). “Martine Vassal et Renaud Muselier ont réussi à imposer l’impératif de l’union comme condition sine qua non pour concourir en 2026″, se satisfait Yves Moraine. Même volonté de cohésion chez Bruno Gilles, candidat dissident en 2020 : “Il s’agit de montrer qu’on a compris les leçons de 2020. On n’a pas du tout la tête au choix du leader pour 2026, ce n’est pas le moment, là.”
Pourtant, derrière la façade d’une union de bon aloi, entre les frères et sœurs ennemis d’hier, les fractures, même cachées, demeurent. Cette séquence le démontre et rappelle qu’en politique, comme ailleurs, un fauteuil suffit rarement pour deux chefs. Le maire de Marseille, en conseil municipal, a cherché à jeter de l’huile sur le feu couvant de ces dissensions, faisant de Renaud Muselier le futur “candidat”, de la droite et du centre aux municipales. “Son nom est plus sorti de la bouche de Payan que de la nôtre. Preuve que tout cela rend le maire de Marseille bien fébrile”, souligne Laure-Agnès Caradec.
Vigilance chez Vassal
À fleurets mouchetés, les clans marquent leurs différences. Pas question pour les vassalistes de laisser penser que Renaud Muselier a la main sur tout. “Il faut quand même remettre l’église au centre du village, pique-t-on du côté du groupe Une volonté pour Marseille. En conseil municipal, le groupe d’opposition, qui le chapeaute ? Martine Vassal. Ce sont ces élus qui portent l’épée, mettent les mains dans le cambouis des dossiers.” Renaud Muselier, grand manitou de la droite et du centre, face à une Martine Vassal qu’il aurait “tuée” ? “Bien sûr qu’on entend aussi cette petite musique, dit-on dans l’entourage de la présidente de la métropole. Alors on est vigilants à l’idée de ne pas se faire dicter les choses. “
Pour la présidence de LR dans le département, Laure-Agnès Caradec a été proposée à Renaud Muselier et il a dit oui.
L’entourage de Renaud Muselier
Il n’empêche. Un fin connaisseur des arcanes de la droite locale, analyse en creux les résultats des élections internes de la fin novembre chez les Républicains :”Vassal les a mal vécues, car Muselier a tiré pas mal de ficelles et plusieurs circos LR lui sont favorables. Dans le 6/8 que Vassal pensait acquis, c’est Ludovic Perney, l’âme damnée de Muselier, qui l’a emporté…” Laure-Agnès Caradec ne réfute pas l’épisode, mais pondère : “Renaud Muselier est issu des Républicains. Ce n’est pas une surprise que certains membres de sa majorité à la région, qui en font encore partie, aient envie de continuer à y exister. Il n’y a pas là une volonté de mépriser ou d’écraser.”
Il se murmure toutefois que le boss de la région a un temps caressé l’idée d’aligner un candidat à lui face à Laure-Agnès Caradec pour la présidence de la fédération des Bouches-du-Rhône. Ce que dément l’entourage de Renaud Muselier : “Pour la présidence de LR dans le département, Laure-Agnès Caradec a été proposée à Renaud Muselier et il a dit oui.” Pour rappel, le patron de la région a quitté le parti en novembre 2021…
“Il a les mains partout”
“Muselier a aussi imposé Isabelle Campagnola-Savon comme binôme à Patrick de Carolis – qu’il n’apprécie pas du tout – pour être référente départementale chez Horizons”, détaille un autre interlocuteur. Manière de dire que le président de la région “a les mains partout.” Dans l’entourage de Renaud Muselier, on revendique ce désir de façonner sur Marseille un “arc” écolo-droito-centriste comparable à sa majorité régionale : “C’est une façon de s’assurer qu’il n’y a pas, ici, de contagion de la droite extrême comme cela peut être le cas ailleurs, une façon de rassembler des hommes et des femmes de bonnes volontés pour les échéances de 2026 et 2028”.
S’il y en a un qui décide de rester à la région et que l’autre n’a pas envie d’y retourner ou préfère le Sénat, on est mal.
Un cadre de la droite locale
Chacun sait pourtant que le chemin est encore long, très long, d’ici aux municipales. Personne ne va prendre le risque de s’aligner dès à présent sur la ligne de départ. “Deux ans et demi, c’est une éternité”, commente Bruno Gilles. “On n’a pas de candidat idéal. On ne sait même pas qui partira.” Ce que semble appréhender une partie de la droite et du centre, c’est que finalement les candidats ne se bousculent pas au portillon pour aller croiser le fer avec le Printemps marseillais. “Des candidats potentiels, on en a que deux. Donc s’il y en a un qui décide de rester à la région et que l’autre n’a pas envie d’y retourner ou préfère le Sénat, on est mal”, souffle un élu.
Martine ? “Je ne sais pas si elle souhaite ardemment y aller”, avance prudemment un vassaliste. La défaite cuisante de 2020 reste une plaie encore vive. Renaud ? “Ma peur, c’est qu’il ait juste l’envie d’être candidat. Un peu pour dire à Gaudin qu’il abhorre tant : « Regarde, j’en suis capable moi aussi ». Mais au fond, je crains que rien ne lui plaise dans le métier de maire”, observe un autre. Après avoir pesé les différents scénarios, un autre cadre local prévient : “Nous devons nous employer à trouver un équilibre sinon nous prendrons tous le bouillon.” Raison de plus, à ses yeux, pour veiller à ce que les sorties plus ou moins contrôlées de l’un ne démonétisent pas le discours de l’autre.
Commentaires
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Si cet article reflète la vie politique locale, la question est: a quoi servent ces personnages sauf à essayer de se maintenir, mais pour faire quoi? Comme au niveau national, ils sont prêts à tout pour exister un peu plus longtemps. C’est désespérant.
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En faire quoi ?C’est pour les sous,le pognon le flouze,le blé ,l’avoine, les talbins.Placer les copains et tous les avantages qui vont avec .
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Ils sont entrain de refaire leurs petits arrangements sans parler du programme politique et d’une proposition pour aider les habitants à mieux vivre
Bref de la politique politicienne qui favorise l abstention
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oh il a toujours fonctionné comme ça, muselier. rarement avec bonheur d’ailleurs.
et pour ceux qui se tiennent un peu au courant de la vie politique marseillaise, les lr, se sont toujours bouffé le nez entre eux.
que ce soit avec sarko, chirac, voire avec giscard, leurs querelles internes ont toujours été féroces. et gaudin a toujours joué les uns contre les autres, au gré de ses besoins.
maintenant la stratégie de muselier, qui semble avoir décidé de taper fort, et bien, lui seul connait le but envisagé. un seul est certain, le goût du pouvoir.
c’est un élu, il n’y a qu’aux dernières élections régionales qu’il a pu rassembler large autour de son nom, mais c’est un élu qui a accumulé en 20 ans beaucoup de frustrations. et là, il est heureux d’avoir une sorte d’ascendant.il est très capable de retourner sa veste 20 fois, il l’a déjà fait, pour maintenir ce statut, enfin obtenu.
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Dans ce maelström entre LR et la sphère macroniste une chatte en perdrait ses petits !
Donc Muselier qui n’est plus LR décide pour LR qui sera Pdte de la Fede13….
Les « Marcheurs » historiques (Agresti – M le ministre consort de Marseille, Pittolat, Racon-Bouzon, Mas-Frayssinet, Serrus, Berland, Ahamada, …) doivent être très fiers de leurs nouvelle recrue Muzo…
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Quid de Mr Castaner le missi dominici? Je pense que Mr Muselier garde un oeil sur lui plus que sur Mme Vassal et qu’il fait du barouf pour gagner des points en vue de l’adoubement par l’Elysée.
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@Richard Mouren et Alceste,
Malheureusement oui : cet article reflète la vie politique locale, pas seulement de maintenant et des personnes citées dans l’article mais de tous les bords, en étant témoin direct “in vivo”, depuis aussi longtemps que je me souvienne (en gros 50 ans) .
Alceste, les belins (je préfère conserver l’expression marseillaise) sont la motivation, exclusive ou partielle, de certains, mais pas de tous, plutôt une incapacité à sortir des jeux de cours d’école qu’ils confondent avec la politique.
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@ Felix Weygand
Oui, le gain d’argent peut être un moteur pour certains politiciens, bien que cela dépende de la motivation individuelle de chaque personne. Certains politiciens peuvent être motivés par des incitations financières, comme les salaires associés à leurs fonctions, les avantages financiers liés à des connexions avec des entreprises, ou encore la possibilité de tirer profit de leur position. Cependant, il est important de souligner que de nombreux politiciens sont également motivés par un engagement envers le bien public, des idéaux politiques ou le désir de servir leurs concitoyens. Les motivations des politiciens peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre…
Mais l’égocentrisme ou plutôt la « melonite »peut toucher un dirigeant politique régional pour se conforter dans un rôle dominant, autoritaire, manipulateur ou opportuniste. Ces dirigeants cherchent souvent à consolider leur pouvoir en utilisant divers moyens tels que la manipulation, l’étouffement de l’opposition, ou la consolidation d’alliances stratégiques. Leur focalisation sur le maintien du pouvoir les conduit à prendre des décisions qui favorisent leurs intérêts personnels au détriment du bien-être de la population ou même de la démocratie.
Les électeurs l’ont compris depuis longtemps.
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oui je suis d’accord avec regard neutre.
l’argent, certes, mais pas forcément. je pense que la “grosse tête” et le pouvoir est davantage motivant.
par ailleurs, je suis contre l’idée de “tous pourris” ce n’est pas la réalité. certains élus, à tous les niveaux font de la politique plutôt clairement, et tentent avec honneteté et conviction d’améliorer la vie de leurs concitoyens.
mais pour ce qui concerne les quelques élus cités dans l’article, ce n’est pas le cas, et depuis longtemps ils s’accrochent.
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Les remarques de Regard Neutre et de Julijo sont à mon avis pertinente et je suis largement d’accord.
L’appât du gain ne concerne en effet pas tout le monde, il faut aussi nuancer la question de l’appétit de pouvoir. Rares sont les élu-e-s qui exercent un pouvoir effectif, on n’en a vraiment que quand on est le président ou le maire, les “dirigeants” qu’évoque Regard Neutre.
Le “fun” de la compétition de tous contre tous, des alliances et des trahisons, de la comédie, les postures et le” courtisanat”… joue aussi beaucoup, c’est pour cela que je parlais de “jeux de cours d’école”, c’est un petit monde ennuyeux infantile et narcissique.
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Bien sûr que pas tous pourris ,et encore que.
Mais vous noterez comme dit le proverbe, le poisson pourrit toujours par la tête et dans la région, nous sommes servis.
Vous observerez aussi une pathologie locale , hors mis le nombre d’élus incroyable ,c’est le nombre de présidents d’associations. Une foultitude.
Mentalité locale .
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et à la fin c’est le ps (ou ce qu’il en reste) qui se retire pour faire barrage.
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Même pas le ps mais feu eelv
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