Les habitants de Saint-Henri réclament une concertation sur le village d’insertion des Roms
Depuis l'annonce de sa création en juillet dernier, le projet de village d'insertion, destiné à accueillir des familles roms issues de bidonvilles, avance dans la discrétion. Très remontés, les riverains réclament depuis des mois la tenue d'une réunion publique que la préfecture rechigne à organiser.
L'ancienne aire d'autoroute de l'Estaque a un temps accueilli le musée du Point de vue. (Photo : B.G.)
Pour l’instant, il n’y a rien. Si ce n’est les camions qui vrombissent sur l’autoroute voisine, les tas de déchets inertes en attente de tri et la vue magnifique sur la rade de Marseille et les maisons de Saint-Henri en contrebas. On est sur ces collines en pente douce où la ville descend vers le port dont les grues se dessinent au loin.
Dans quelques mois, l’ancienne aire d’autoroute de l’Estaque doit accueillir un “village d’insertion”, destiné à 12 familles, issues de la communauté rom, qui vivent aujourd’hui dans un des nombreux bidonvilles du Nord de Marseille. En juillet dernier, Marsactu révélait les détails d’un projet pour lequel le conseil municipal venait d’acter la cession de terrains limitrophes.
Le préfet délégué pour l’égalité des chances d’alors, Laurent Carrié, annonçait une première réunion publique de concertation pour la rentrée, sans préciser de date. Depuis, les mois ont passé, le préfet est parti sous d’autres plafonds dorés. Un successeur, Michael Sibilleau, a pris sa place et pas de réunion publique à l’horizon de La Pelouque.
Pour certains, un “projet imposé” par l’État
Le conseiller départemental (PS) du cru, Sébastien Jibrayel a alerté le préfet de la nécessité “de concerter avec la population, au plus tôt“. Le 2 décembre dernier, celui qui est aussi adjoint au maire délégué au sport, assistait à une réunion du CIQ de Saint-Henri où le sujet était sur toutes les lèvres. “J’ai participé à plusieurs réunions dans la vallée de Séon et les gens sont inquiets, surtout parce qu’ils n’ont pas d’information, explique l’élu. Moi-même, je n’en ai pas“. Main sur le cœur, Sébastien Jibrayel affirme être “un humaniste, favorable à l’insertion de toutes les populations” avant d’ajouter : “Mais, là, on vient et on impose un projet, c’est normal que les gens ne soient pas contents“. Il a donc écrit au préfet pour s’enquérir de la tenue prochaine d’une réunion de concertation avec les riverains.
De son côté, le 1ᵉʳ décembre, l’ancienne maire de secteur et maire adjointe, Samia Ghali, s’est aussi fendue d’un courriel au préfet pour l’égalité des chances, que Marsactu a pu consulter, dans lequel, elle se questionne sur “les mesures de précaution” prises par l’État dans ce dossier. Elle énumère l’absence de “desserte en transports en commun” et de mesures de “qualité de l’air et du bruit“, “l’impact sanitaire lié à la proximité de l’autoroute” et “les critères de choix des familles“. “Vous ne pouvez pas vous engager sur une création de village dont les critères d’implantation ne considéreraient pas toutes ces mesures de précaution“, prévient-elle. “Je n’ai pas eu de réponse“, dit-elle à Marsactu.
En contrebas du futur terrain, les riverains de la rue Anne-Gacon prolongent ces inquiétudes sur un mode moins amène. Dans la belle maison de maître qui marque l’entrée de la voie, deux frères ne décolèrent pas. Ils voient le projet comme une intrusion dans leur “campagne”, déjà amochée par le village d’entreprises et les nouveaux lotissements qui ont fleuri ces dernières années sur les flancs de l’autoroute.
L’inquiétude des riverains
“Ce qu’ils veulent, c’est diviser les gens, les opposer“, croit savoir le premier frère, en citant les “politiques” qu’il perçoit à la manœuvre. “Mettre des gens là, c’est inhumain“, ajoute le second. Mais très vite, il est question de sortir “le fusil” si le projet est mené à bien. La question de la dépréciation des biens immobiliers n’est jamais loin dans la conversation.
Un peu plus loin, dans sa petite maison située contre le lotissement balconné, tout neuf, Carmelo Quintano est tout autant remonté. Membre du comité d’intérêt de quartier, il promet de déposer un recours sitôt le permis accordé : “Et on fera une cagnotte pour se payer un avocat parisien”. Pour lui, le projet ne tient pas : “S’il s’agit de douze familles, pourquoi on ne leur trouve pas un logement à la Castellane où il y a tant d’appartements vides ?” S’ensuit une longue série de lieux communs sur les mœurs des populations roms… Chacun sait que, sur ce sujet, l’extrême-droite, est à l’agachon. Le sénateur zemmouriste Stéphane Ravier est déjà intervenu sur un mode xénophobe, en conseil municipal sur le sujet.
Favoriser l’atterrissage
Président du CIQ de Saint-Henri et voisin, Michel Teule veut épouser une position médiane, attentive aux inquiétudes des habitants et soucieuse des valeurs d’hospitalité dont le quartier s’enorgueillit. “De manière un peu donquichottesque, on se dit que ce projet peut être une chance pour notre quartier, en permettant le rattrapage des politiques de droit commun dont il a été exclu que cela soit en matière de transports publics ou d’aménagements urbains“, détaille-t-il. Avec le co-président de la fédération des CIQ du 16ᵉ, il a écrit plusieurs fois en ce sens au préfet pour réclamer une véritable concertation. Dans ce courrier, il argue :
“Ce projet ne peut être proposé « hors sol » ; les besoins qu’il doit mobiliser révèlent ceux non traités dans son environnement vécu. Ceci aussi bien dans l’accompagnement médical et social des personnes en difficulté que dans la qualité des infrastructures de déplacements et des services urbains. Ceci malgré une mobilisation et des demandes de traitement déjà anciennes”.
Plusieurs rencontres et visites ont eu lieu, tant avec les élus locaux qu’avec les représentants de la préfecture, cet automne, pour détailler la manière dont le projet va s’insérer dans le quartier. Une rampe, financée par la métropole, doit permettre de réaliser un accès au site, aujourd’hui, uniquement accessible par l’autoroute. Des dessins d’architecte ont été montrés, pour rassurer les riverains sur l’insertion du futur village dans le paysage, et la protection phonique et visuelle, vis-à-vis de l’autoroute. Mais la préfecture ne semble pas avoir mis à son agenda, la tenue prochaine d’une réunion publique que réclament les représentants de CIQ et les élus.
Contactée par Marsactu, la préfecture mentionne les nombreuses rencontres qui ont déjà eu lieu avec ces derniers et la possibilité de nouvelles réunions avec les mêmes acteurs pour faire le point sur le projet. Mais les services préfectoraux n’évoquent pas la possibilité d’une réunion publique sur un sujet d’ores et déjà acté, puisque le permis de construire est en cours d’instruction.
Mur anti-bruit et décaissement
En revanche, les services de Michael Sibilleau se veulent rassurants sur les différents types de pollution. La pollution atmosphérique n’y serait pas supérieure “aux valeurs limites actuelles“. Quant au bruit, il devrait être limité du fait d’un décaissement du terrain et de la réalisation d’un talus de deux mètres. La végétation du site sera préservée pour atténuer encore “la diffusion des ondes sonores et la visibilité du site depuis l’autoroute“. Enfin, l’enrobé autoroutier doit être refait sur la portion d’autoroute attenante pour réduire “significativement le bruit de roulement” avant les JO 2024.
Les travaux proprement dits devraient s’étaler sur toute l’année 2024 et les familles volontaires pour intégrer le “village d’insertion” seront sélectionnées dans ce laps de temps. Une fois installés, ces ménages souvent issus de squats ou de bidonvilles du secteur seront accueillis pour “une durée d’environ deux ans au maximum“, le temps de définir avec elle et les associations qui les accompagnent – Ampil et Addap 13 – un “projet d’insertion par le logement et l’emploi“. Quant au projet global, il est construit sur un modèle prévisionnel de cinq ans, ce qui exclut une forme de pérennisation de ce “sas” social. Car après les Roms, certains riverains agitent le spectre de “migrants” qui seraient placés là par la préfecture.
Commentaires
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Quand l’individualisme de quelques uns qui ont tout veut freiner des projets d’insertion qui profiteront à toutes et à tous. À croire que c’est mieux de fabriquer du rejet, de l’exclusion, de la clandestinité : qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?
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Bonjour,
Article très intéressant, un peu trop centré vers les mécontentements a priori. Un énorme regret : l’éducation et l’instruction des enfants des 12 familles qui seront concernées sont oubliées en cet article. Où et comment seront scolarisés ces élèves ? Les écoles proches et leurs personnels peuvent-ils les accueillir ou seront-ils scolarisés en d’autres lieux ? Voilà un pan non disponible en cette enquête.
J’aurais préféré de même le terme “inclusion” plutôt que celui attribué “insertion”.
Bien à vous,
JPL
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Bonjour, j’ai bien entendu posé la question de l’inclusion scolaire des enfants qui devraient intégrer le dispositif. La préfecture ne souhaite pas aborder cette question de manière prématurée, la sélection des familles devant se faire dans le courant de l’année 2024. Des associations sont chargées de travailler sur le volet insertion/inclusion avec une dimension économique, éducative mais aussi culturelle.
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Les raisons derrière le rejet des populations de Roms par certains riverains peuvent être complexes et multi factorielles. Cela peut être attribué à des stéréotypes, des préjugés, des peurs, des perceptions erronées, et parfois à des conditions socio-économiques difficiles. Les élus locaux qui sont confrontés à des pressions politiques et sociales rendent la prise de décision si délicate qu’ils se défaussent courageusement sur l’Etat…
Laisser à l’État la responsabilité peut découler de plusieurs facteurs, notamment la nature transversale de la question, les contraintes budgétaires locales, ou la nécessité d’une approche plus globale au niveau national. La gestion des populations marginalisées comme les Roms nécessite une collaboration entre divers niveaux de gouvernement et des initiatives basées sur une compréhension approfondie des enjeux sociaux et économiques.
Le nez des deux élus en responsabilité, cités dans l’article, doit s’allonger comme le bras de l’ancienne grue Sansonne de L’Estaque , celle qui a servi à dresser la grande digue du port.
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je vois mal l’intérêt d’une réunion organisée pour la population le ciq….où le rejet des roms et la xénophobie empêcherait tout débat constructif.
par contre, effectivement, des problèmes peut être non encore résolus se posent, les transports en commun, a priori le site est passablement enclavé, et les enfants, l’école…
ce qui est un peu surprenant dans les réflexions de rejet, c’est que d’ores et déjà ces familles rom sont installées dans des squats, ou bidonvilles du quartier, ou des environs proches !!!
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On peut jeter la pierre aux futurs riverains mais l’argument comme quoi « leur foncier » va se dévaloriser n’est pas faux et c’est vrai qu’on installe ces camps, ces ghettos (ces villages d’insertion) chez les pauvres et pas dans le 7e. Cette politique de ghettoïsation a de quoi faire peur, et donc elle fait peur. Ceux qui sont bien à l’abri ne sont peut-être pas les plus légitimes pour les critiquer.
Un petit tour au sud de Saint André, Chem. Saint-Louis de Rove (les moins courageux peuvent y aller avec « gougueule strite ») et dans tout le secteur du ruisseau Mirabeau pour voir comment ce genre de site peut devenir une zone de non droit. Car pour ne pas avoir de problème et au non de particularismes parfois prés supposés, les collectivités et l’état tolèrent aussi le non-respect du droit commun dont, le plus grave à mes yeux, la non scolarisation des enfants. Mais tant que ça reste là-bas , on est tranquille ailleurs, hein ?
L’absence de règles conduit rapidement à un abandon du quartier. L’école de Saint Louis a été fermée il y a une quinzaine d’années car totalement désertée par les habitants du quartier. Les carcasses de voiture et d’appareils ménagers qui jonchent les trottoirs et qui ne sont pas retirées, la disparition des commerces de proximité, … etc, … évidemment que ça fait baisser le cours de l’immobilier.
C’est d’ailleurs un grand mystère français : on habite un quartier ultra préservé comme le 7e (et certaines communes de la périphérie) et on paie des impôts fonciers ridicules et, à contrario, on habite dans une zone que l’état transforme en zone défavorisée et on a pas d’indemnisation.
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La plupart sont roumains ou bulgares. Pourquoi ne pas leur demander poliment de rentrer chez eux?
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Construire des villages destinés à une partie précise de la population me semble aller dans un sens différent de ce qui fait nation.
Dans l’idée des fondateurs de la république française il y a celle qui consiste à faire nation, indépendamment d’autres critères dont la religion, la pseudo race, etc… et pour cela ils ont créé des outils qui vont dans ce sens. Pour n’en citer que deux : le service national et l’école de la république (Souvenons-nous de la fin de la guerre des boutons, les deux chefs de bande adverses se jettent dans les bras l’un de l’autre quand ils se retrouvent à l’internant du lycée de la grande ville).
Il y a des périodes de l’histoire où l’on va vers plus de vivre ensemble, souvent après les grandes crises comme après 1945. Il y a eu aussi parfois des excès dans la non reconnaissance de la diversité. Mais selon moi, depuis la crise pétrolière de 1973, on va plutôt vers un détricotage de ce qui fait nation.
Le service national a disparu (une partie de plus en plus nombreuse des élites l’évitait déjà depuis les années 1970 : nombre d’étudiants parvenant à se faire exempter et c’était aussi un peu une armée de l’ancien régime plus que l’armée de la nation). La permission d’ouvrir des écoles de toute confession, voire de toutes obédiences et même l’autorisation de ne pas scolariser son enfant au prétexte d’une instruction à domicile est aussi une manière de conforter l’entre soi. La politique de la ville qui tend à créer des quartiers socialement, voire « ethniquement » homogènes, entraine par exemple à Marseille qu’un collège public comme Marie Laurencin accueille 100 % d’élèves mahorais.
Les politiques coloniales allaient souvent en ce sens : séparer les gens en fonction de leur ethnie supposée. Le paroxysme fut atteint en Afrique du Sud avec le « développement séparé » théorisé par des blancs qui n’étaient pas du tout « universalistes » et la création des bantoustans.
L’universaliste des Lumières est aujourd’hui bien battu en brèche : les réseaux sociaux, qui filtrent les gens qui pensent comme vous, poussent aussi à l’entre-soi.
Les solutions sont connues : des quartiers hétérogènes, de grands établissements scolaires, des lieux de rencontre comme de grandes médiathèques ou MJC et des transports en commun permettant de sortir facilement de son quartier pour permettre une vie sociale multiple. Mais si les solutions sont connues, elles ne sont pas forcément souhaitées par ceux qui vivent dans leurs quartiers fermés et ceux qui pensent que certaines catégories de personnes ne sont pas solubles dans « leur » nation.
Alors, certes, il faut aussi gérer les urgences mais tant qu’un vrai travail de fond ne sera pas entrepris, on risque d’aller vers plus de communautarisme et d’exclusion.
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Et pourquoi ne pas trouver un petit coin de verdure au Roucas ou du côté de Marseilleveyre, pas d’autoroute, pas de bruit pour ces familles rom … ( d’apres vous est-ce que je plaisante ?)
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