Les commerçants de Belsunce sceptiques face au nouveau pôle textile de Grand littoral
Dans moins de deux mois, un immense complexe dédié au commerce de gros dans le textile ouvrira ses portes dans le 15e arrondissement. Pour les initiateurs du projet, ce lieu doit permettre aux commerçants, pour la plupart d'origine chinoise, de la rue du Tapis-Vert de se développer. Sauf qu'à Belsunce, on doute fort que le "Mif68" soit conçu en ce sens.
Les commerçants de Belsunce sceptiques face au nouveau pôle textile de Grand littoral
“On attend de voir”. Cette phrase semble être le mot d’ordre des grossistes de prêt-à-porter qui tiennent des échoppes rue du Tapis-Vert. “On attend de voir ce que ça va donner, après l’ouverture seulement on pourra dire si ça vaut le coup. Pour l’instant, on reste ici”, explique Huang Jianke, grossiste de vêtements pour enfants depuis trois ans dans cette rue. Dans quelques mois, le Mif68 ouvrira ses portes. “Le nouveau centre de la mode de l’Europe du Sud”, comme le vante la brochure du promoteur. En terme de chiffres, le Mif68 représente cinq hectares devant le centre commercial du Grand Littoral, dans le 15e arrondissement, 95 “showrooms” installés dans des containers, 250 places de parking et une ouverture prévue pour le 19 février prochain.
“Un fashion center en liaison directe avec l’Europe, l’Afrique du Nord et l’Asie” réservé aux grossistes dans le textile. Dans son édition du 28 décembre, le quotidien La Provence fait même état d’un “véritable temple du Made in China” déjà rempli à 85 %. Car l’ambition mise en avant par les concepteurs du projet est bien de faire venir les commerçants, pour la plupart d’origine chinoise, de la rue du Tapis-Vert. Sauf que sur place, le projet ne semble pas faire mouche…
“Du haut de gamme”
Au hasard des portes poussées, une bonne dizaine de commerçants de la rue du Tapis-Vert explique à Marsactu ne pas prévoir de déménager pour le moment, quand ces derniers avaient déjà entendu parler du projet. “Vous n’avez pas rencontré les bons”, défend d’entrée Xavier Giocanti, président de Résiliance, promoteur et investisseur du Mif68. La communication autour de ce nouveau lieu dédié au textile consiste en effet à évoquer un vaste déplacement des grossistes chinois de Belsunce “de la rue du Tapis-Vert vers le Mif68” peut-on lire sur les prospectus. “Comme en région parisienne où la sortie des grossistes de Paris intra-muros a été un formidable levier de développement pour ce secteur, le Mif68 s’impose aujourd’hui comme une réponse aux besoins des grossistes actuellement présents à Marseille et aux problèmes de manque d’espace, embouteillages, stationnement et logistique liés au centre-ville”, y indique-t-on. Même Martine Vassal, la présidente LR du département s’est aligné sur ce discours. Dans une interview accordée à La Provence, celle-ci s’inquiétait du devenir du centre-ville en citant comme exemple notamment “le départ des Chinois de Belsunce”.
Retour rue du Tapis-Vert. Dans l’une des boutiques on emballe dans de grands cabas une trentaine de ponchos à capuche en fourrure. Sharon et Sabine, forains sur le marché du Prado, viennent se réapprovisionner ici depuis longtemps. Tellement longtemps qu’ils n’en ont même plus le souvenir. “Je suis né ici à Belsunce et j’ai toujours fais ce métier. Ici, on naît dans le textile !”, s’amuse à dire aujourd’hui Sharon. Le Mif68 ? Il y était ce matin même, “pour voir comment c’est”. Quand les magasins y ouvriront, il ira jeter un coup d’œil “par curiosité” : “c’est facile d’accès, on prend l’autoroute et on y est. En plus, il y a des parkings, on peut se garer”, détaille-t-il. Vont-ils pour autant déserter Belsunce ? Le couple répond du tac au tac par la négative. “Là-bas, on trouvera des vendeurs espagnols de Barcelone, des Italiens de Florence et Prato et des importateurs chinois d’Aubervilliers. Je pense que ce sera plus haut de gamme”, envisage Sharon.
Secteur en crise
A demi-mots, la chargée de communication de Résilience et du Mif68 admet qu’“à un moment, il y avait une majorité de commerçants d’Aubervilliers” qui avait réservé un local au pied du Grand Littoral. Aujourd’hui, elle ne peut pas communiquer les chiffres : “cela évolue rapidement et puis, ils sont sûrement confidentiels”. “Mais je sais qu’il y a un commerçant de Tapis-Vert, qui va garder son magasin à Belsunce et compléter avec le Mif68”, assure-t-elle. Voilà de quoi rassurer la présidente du département. Les raisons de ce désintérêt de la part des commerçants de la rue du Tapis-Vert sont multiples. Dans chaque boutiques visitée, chacun manifeste son argument.
“Là-bas, les loyers sont plus chers”, entame Huang Jianke. Un peu plus loin, on estime qu’un déménagement serait trop cher. Pour Alice, qui tient le magasin de ses parents partis en vacances en Chine, “ce serait un risque financier trop important. C’est vrai que le stationnement est un avantage mais on veut d’abord voir comment ça va se passer”, résume-t-elle avant de conclure que, de toute façon, elle ne reprendra pas ce commerce. Dans plusieurs boutiques, les grossistes font en effet état d’une crise du secteur. Ils expliquent qu’ici, les acheteurs ne sont pas de grandes fortunes. “Nos clients ne sont pas ceux qui iront là-bas. Ce sont des petits clients, les autres sont déjà partis de toute façon, poursuit Huang Jianke. Depuis 3 ans, c’est compliqué, il y a une crise et le chiffre d’affaire….”, finit-il en mimant avec sa main une courbe qui dégringole.
“Les clients vont se faire braquer”
Dans sa boutique surchauffée, Shyne porte les mêmes vêtements que ceux pendus sur ses cintres. Pull floqué d’étoiles à paillettes, jean délavé, franges et froufrous à gogo. Elle travaille ici depuis 45 ans, “même si je ne les fais pas”. Entre temps, cette commerçante a ouvert une boutique à Grand Littoral. “Même si on me l’offrait, le box au Mif68, je ne retournerais pas là-bas, juge-t-elle. Dans cette zone, tous les magasins ferment, c’est mal fréquenté. Les clients vont se faire braquer. Ceux qui partent, et il n’y en a pas beaucoup, gardent quand même un pied-à-terre ici. A mon avis, ils vont vite revenir”, lance-t-elle en se déplaçant entre ses portiques colorés. L’argument a tendance à agacer Xavier Giocanti, qui liste instantanément les nombreux systèmes de sécurité mis en place. “Tous ces problèmes ont déjà été évacués, s’agace-t-il. Une société de sécurité sera sur place H24, le site est clôturé et vous savez quoi, même pendant les travaux, il n’y a pas eu une truelle volée !”
La porte du magasin Georges 38, dans la partie haute de la rue du Tapis-Vert, affiche un écriteau “bail à céder”, à côté de celui “pas de vente au détail”. Mais “monsieur Benhamou”, ne compte pas vendre pour s’installer au Mif68. Il aimerait prendre sa retraite. Problème : il essaye de vendre son échoppe sans succès. Alors il patiente dans sa boutique depuis deux ans.
Au Mif68, en revanche, les ambitions sont grandes. Les penseurs du projet espèrent devenir une nouvelle étape de la route de la soie et ainsi, gagner la labellisation chinoise BRI (pour Belt and Road Initiative) et les aides financières qui l’accompagnent. Ce plan de conquête économique consiste à relier la Chine aux réseaux de commerce mondial. Un plan à 1000 milliards qui viseront à améliorer les infrastructures de transports et communications, comme les ports par exemple. De la rue du Tapis-Vert au Mif68, il semble y avoir un monde. Un monde qu’un homme a pourtant franchi. Jadis commerçant dans la rue de Belsunce, Dingguo Chen est aujourd’hui président de l’association des commerçants chinois à Marseille au Mif68. Il n’a malheureusement pas répondu à Marsactu dans les délais impartis pour la publication de cet article. Mais ce n’est que partie remise.
Commentaires
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Ah ça, ça manquait !!
privilégier une “nouvelle étape” pour vendre chinois en France !!!
c’est bien…parfait même !
Peut-on rappeler que xavier giocanti, pdg de resilience “inventeur” du mif68 (pourquoi pas 12, 22 ou 69 ?) est à la ville Monsieur Christine lagarde……ou le contraire !
On parlait pas à une époque du savoir faire français….
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Les chinois ont beaucoup investi le territoire africain, Marseille en est très proche…
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Pour quitter Belzunce, il faudrait qu’ils puissent revendre leur local ou leur bail à un prix correct. Quel projet “centre ville” pour ces petites rue désertées ?
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