Les détenus des Baumettes s’attendent à passer un nouvel été dans la chaleur suffocante

Reportage
le 15 Juin 2023
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À cause de la chaleur, l'été s'annonce rude pour le personnel et les détenus de la prison marseillaise. Tout particulièrement pour les occupants de cellules équipées de fenêtres antibruit, qui ne peuvent pas être ouvertes. Marsactu s'est rendu sur place à l'occasion d'une visite inopinée du député Hendrik Davi.

Dans plusieurs ailes du centre de détention, les fenêtres ne peuvent pas être ouvertes du tout dans les cellules. (Photo : Léa Delaplace)
Dans plusieurs ailes du centre de détention, les fenêtres ne peuvent pas être ouvertes du tout dans les cellules. (Photo : Léa Delaplace)

Dans plusieurs ailes du centre de détention, les fenêtres ne peuvent pas être ouvertes du tout dans les cellules. (Photo : Léa Delaplace)

“Il faisait 27 degrés dans ma cellule à 5 heures ce matin, et ça monte à 30 après la douche. C’est encore plus humide parce qu’on ne peut prendre que des douches chaudes, dénonce une détenue à la frange poivre et sel. Incarcérée depuis quatre ans, elle participe à un atelier de dessin assisté par ordinateur. Quand elle a entendu le député LFI Hendrik Davi prononcer le mot “fenêtre”, elle a aussitôt réagi.

Le parlementaire est en visite inopinée à la prison des Baumettes ce mercredi matin. Dans l’exercice de son droit parlementaire, il vient constater les problèmes récurrent de chaleur dans l’établissement, aggravés par le dispositif de fenêtres antibruit. L’élu déambule pendant plus de deux heures dans le centre pénitentiaire, dans le quartier pour femmes, la nurserie, les quartiers disciplinaires et d’isolement pour hommes, des nouveaux arrivants, et pour finir, dans l’aile des ateliers de travail. En somme, une bonne partie de la prison qui baigne constamment dans un air étouffant.

Climatisation seulement dans les ateliers

Dans la salle d’atelier, six femmes travaillent cinq jours par semaine derrière des ordinateurs, pour 400 euros brut par mois. “C’est surtout pour la clim, même si on ne met pas trop fort pour éviter le choc avec notre cellule”, raconte avec un brin d’humour une détenue plus jeune aux lunettes carrées. Travailler est devenu pour elle une échappatoire. Sa voisine est tout autant préoccupée par la chaleur quotidienne, qu’elle dit subir depuis quelques semaines. “En cellule, notre linge ne sèche même pas tellement c’est humide”, décrit-elle depuis son poste de travail, agrémenté d’une photo de deux jeunes enfants. D’une voix unanime, elles dénoncent toutes la fournaise que devient la prison des Baumettes 2 lorsque les températures sont élevées.

Il faisait 27 degrés dans ma cellule à 5 heures ce matin, et ça monte à 30 après la douche.

Une détenue

Même son de cloche à l’atelier réparation, où une dizaine d’hommes s’affairent. À leurs yeux, la liste des remontrances est longue, même si la chaleur reste le souci majeur. “Il faut trois semaines pour avoir un pack d’eau ou de coca, deux ou trois mois pour un ventilo”, soulignent-ils.

Les quartiers d’hébergement ne sont pas équipés de climatisation, contrairement à l’aile des ateliers. Une situation difficilement tenable pour les détenus, mais aussi pour les 500 membres du personnel. “On a des clims mobiles pour nos bureaux, mais ça ne fonctionne pas bien, et ce n’est pas pour les détenus”, explique un responsable, en poste à Marseille depuis 15 ans.

Deux ou trois détenus pour 8,4 m2

La chaleur est déjà étouffante, à l’aube de l’été et la sueur ruisselle sur le visage de plusieurs surveillants. Alors qu’à l’extérieur, les températures atteignent “seulement” 25 degrés, ils n’en peuvent déjà plus. Leurs conditions de travail se détériorent avec ces fortes températures, encore aggravées par le surnombre des détenus et la faiblesse des effectifs. Au jour de notre visite, on compte 100 détenus pour 67 places dans le quartier des nouveaux arrivants. “La surpopulation carcérale rend encore plus nerveux avec la chaleur”, souligne un agent, alors que certains détenus vivent à deux ou trois dans certaines cellules de 8,4 m2 au sol.

Dans les cellules équipées de fenêtres “antibruit”, la situation est pire encore. Après des plaintes du voisinage, fatigués des parloirs sauvages et des interpellations des prisonniers, 117 cellules ont vu leurs fenêtres changer ces dernières années, principalement dans le quartier des femmes. Désormais, il est impossible de les ouvrir lorsqu’elles donnent sur la rue. L’aération doit se faire uniquement par une partie de l’huisserie munie d’une plaque métallique percée. Dans les cellules, qui comportent des toilettes sans cloison, l’odeur nauséabonde atteste d’un renouvellement de l’air quasi inexistant.

Visite inopinée d’Hendrik Davi aux Baumettes 2, 14 juin 2023. (Photo : LD)

C’est justement sur la question de ces fenêtres que le député LFI a centré sa visite, après avoir échangé avec des avocats de détenues. Étouffant dans une cellule à l’étroit, plusieurs incarcérées ont dégradé ces fenêtres pour espérer un peu d’air et fini, pour cette raison, en quartier disciplinaire. Elles sont plusieurs à avoir saisi le tribunal administratif pour dénoncer le dispositif antibruit aux conséquences considérables.

Procédures devant le tribunal

Une première requête en référé-liberté, rejetée, avait été déposée en juin 2019, avant une seconde en septembre 2022. Les plaignantes demandaient la nomination d’un expert en hygiène et salubrité afin de détailler les conséquences de ces installations sur leur vie quotidienne et leur santé.

Entre les deux, en 2020, l’ancienne contrôleuse générale des lieux de privation de liberté s’était rendue aux Baumettes 2 pour une visite. Dans son rapport, Adeline Hazan, recommandait qu’“un aménagement complémentaire [s]oit impérativement et rapidement mis en place pour compenser l’effet d’enfermement et de manque d’air provoqué par les dispositifs antibruit dans l’attente de l’installation d’un autre système permettant l’ouverture des fenêtres.” Elle ajoutait : “les ventilateurs remis gratuitement à chaque personne détenue ne compensent pas l’effet d’enfermement provoqué par ces installations”.

Un des bâtiments des Baumettes 2 en juin 2023. (Photo : LD)

Plus de deux ans après cet avis, rien n’a changé pour les détenus. La direction de l’établissement pénitentiaire annonce qu’“un bureau d’études” se penche sur la problématique en ce moment, tout en prenant en compte l’enjeu de proximité avec les habitants alentours.

Les représentants de la direction confirment aussi au député que les bâtiments résidentiels des Baumettes 3, prévus pour être livrés en juillet 2025, seront exposés perpendiculairement au chemin de Morgiou. De la sorte, les cellules ne devraient pas donner sur les logements du quartier et ainsi réduire le nombre d’altercations indésirables. Les fenêtres antibruit n’y seront donc plus nécessaires, affirme la direction. D’ici-là, Hendrik Davi invite à discuter avec le voisinage et à envisager un retour aux fenêtres initiales. Pour lui, de mauvaises “conditions de vie touchent à la dignité mais impactent aussi négativement la réinsertion des détenus”. Les problèmes de la prison restent rarement cantonnés derrière les barreaux.

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Commentaires

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  1. Peuchere Peuchere

    La prison est la privation de la liberté, pas la privation des droits fondamentals de chaque individu.
    Cette situation est un vrai scandale.
    La France, pays des droits de l’homme comme nos gouvernant successifs nous le répètent chaque fois que ca les arrange, donne une image lamentable du traitement humain dans le milieu carcéral.

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  2. Patafanari Patafanari

    Et dehors ils se font refroidir.

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  3. Nath Nath

    Ce projet Baumettes 2 , date de 2017!!!
    C’est un scandale de dépense d’argent publique de la part de l’APIJ …agence pour l’immobilier de la justice et le bureau d’architecture qui a travaillé pour son ministère. Le député LFI vient constater les dégâts…et alors ? Il compte faire quoi?
    En France on refuse l’air conditionné dans les prisons…ce serait peut être une solution, vu qu’on s’achemine vers des canicules qui vont se répéter ?

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    • Charlie Pierre Charlie Pierre

      Bah oui, des gens dorment dans la rue parfois par manque de moyen de l’état, et on va mettre la clim dans les prisons.
      Installons leur aussi un spa ou un hamam tant que vous y êtes…

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  4. Dark Vador Dark Vador

    @Patafanari 🤣🤣🤣🤣🤣 je sais le sujet n’est pas amusant mais je n’ai pas pu résister…

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    • LN LN

      C’est vrai que les pastilles qu’il nous distille sont souvent osées et remplies d’un humour jubilatoire, j’adore !

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  5. N SV N SV

    Qu’il vienne habiter la on verra s’il demandera toujours la suppression des fenêtres Antibruit. Et ne pas oublier que c’est en se comportant comme des animaux que les détenus ont rendu nécessaire ce système.

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  6. GENIA GENIA

    Il doivent avoir de sacrés pédigrées ceux qui dorment là-bas, quand on voit le nombre de multi récidivistes toujours en liberté…..
    Ben oui, ça fait pleurer dans les chaumière les pauvres c’est dur, dur de passer par là. C’est fait aussi pour que l’on n’ait plus envie d’y retourner.
    Mais avec le réchauffement climatique, la vie va être de plus en plus difficile pour les pauvres gens et surtout pour ceux qui n’ont pourtant jamais fait de mal à personne !

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