Les angles morts du bus à haut niveau de service aixois
Le bus à haut niveau de service d'Aix circulera à partir du 2 septembre. Pour la métropole, cet « Aixpress » est la promesse d'un renouvellement adapté aux enjeux d'écologie et de mobilité. Du côté des représentants de salariés et de l'opposition aixoise, on craint un manque de préparation pour articuler le nouveau service avec le reste du réseau. Le spectre du chaos de 2012 est encore dans les esprits.
Le bus Aixpress.
La métropole ne tarit pas d’éloge à propos du nouvel équipement de transports qui entrera en service le 2 septembre à Aix. Le bus à haut niveau de service (BHNS), baptisé Aixpress, reliera Saint-Mitre au parking relais du Krypton, en passant par la Rotonde et les facultés sur un parcours de 7,2 km avec ses véhicules électriques.
Cadencés toutes les 7 min, ils permettront un service à 80% du tracé en site propre, c’est-à-dire dans des voies réservées et donc à l’écart des embouteillages. Les stations ont été pensées pour l’accès aux personnes à mobilité réduite et des aménagements urbains, dont des espaces cyclables, ont été réalisés au cours des deux ans de travaux. Le tout a coûté près de 100 millions d’euros dont 85 millions pour les aménagements et le reste pour le matériel roulant.
Plan du BHNS « Aix’press »
“C’est une façon de gérer les transports publics dans une ville qui se veut moderne. Avec ce service et des bus 100% électriques on répond aux enjeux de transports et de transition écologique”, s’enthousiasme Henri Pons, le président de la RDT 13 et vice-président de la métropole à la stratégie et à l’aménagement du territoire. Sur le papier, syndicats, associations d’usagers et élus d’oppositions partagent l’intérêt mais ont néanmoins quelques doutes quant à la réussite concrète – au delà de l’effet de communication – des objectifs affichés.
Un précédent chaotique en 2012
Nabil Abbas, délégué FO des salariés d’Aix-en-bus est encore hanté par la réorganisation ratée du réseau aixois en 2012, lorsque la délégation de service public a été confiée à Keolis, filiale de la SNCF. “Ça a été un traumatisme”, pose-t-il gravement. À l’époque, le manque d’anticipation sur la refonte des lignes a créé une pagaille dont ont pâti usagers et salariés. Devant la bronca suscitée, la mairie avait organisé en urgence des réunions de concertation et était revenue peu ou prou à l’organisation du réseau préexistante. La démarche a impliqué des surcoûts qui n’ont pas échappé à la justice administrative (relire notre article). Des années et bien des grèves plus tard, “les retouches ont fini par stabiliser le réseau”, juge Nabil Abbas.
Les changements de 2019 amènent la cohabitation de deux opérateurs. Keolis garde la main sur les bus classiques d’Aix-en-bus, tandis que le BHNS sera géré par la RDT 13, l’établissement public à caractère commercial et industriel (EPIC) passé de la tutelle du département à celle de la métropole avec le transfert de compétences. “Comment cela va s’articuler ? Pour l’heure nous n’avons pas de réunion commune prévue et avec le précédent de 2012, on aurait trouvé positif qu’ils renseignent les salariés”, dit Nabil Abbas. Remplacées par le service du BHNS, un certain nombre de lignes seront supprimées en totalité ou en partie.
La mauvaise expérience électrique d’Amiens
Le réseau sera amené a évoluer à nouveau au cours de l’automne après le retour sur expérience du BHNS et à l’aune du renouvellement du contrat de délégation de service public avec Keolis, début novembre. Pour Lucien-Alexandre Castronovo, conseiller municipal apparenté PS d’opposition et conseiller communautaire, cela ressemble à du tâtonnement, “sans vision globale comme en 2012. Le cahier des charges ne précise pas comment cela va s’opérer et les problèmes susceptibles d’apparaître ne sont pas ou presque pas posés”.
Nabil Abbas s’inquiète aussi des déboires de la nouvelle technologie électrique du constructeur espagnol Irizar, mise en service pour la première fois à Amiens (Somme) le 11 mai 2019. Les bus doivent subir une recharge courte entre chaque rotation grâce à un pantographe qui se fixe sur un mat installé au dessus de leur quai. Dans la capitale picarde les difficultés de recharge ont été nombreuses, en plus de soucis de signalisations entravant le caractère prioritaire promis aux nouveaux bus. Les problèmes sont si nombreux, que la métropole amiénoise promet que son BHNS deviendra “vraiment opérationnel à la rentrée”. “Que se passera-t-il si les bus électriques tombent en panne à cause de problème de recharge ? Comment le service pourra dans ce cas être assuré par d’autres bus ?”. Autant de questions sur lesquelles Nabil Abbas dit ne pas avoir obtenu de réponse.
“La RDT 13 connait bien le réseau réseau Aix-en-Bus pour être sous-traitante de certaines lignes depuis 30 ans. On va utiliser le retour d’expérience de 2012 pour que ça se passe bien. Certaines lignes qui sont pour l’instant maintenues pourront offrir une alternative en cas de problèmes sur le BHNS”, veut rassurer Paul Sillou le directeur général de la RDT 13.
“Aix peut devenir un modèle à suivre sur la métropole”
L’Aixpress entre en phase de test pour l’été. “Nous avons reçu le premier bus en mai. Nous en avons actuellement 10 sur 16. À partir de mi-juillet et au mois d’août nous allons effectuer des roulages à blanc”, détaille Paul Sillou. “Nous avons des difficultés pour le raccordement sur un des deux quais du terminus Krypton qui pour le moment ne fonctionne pas. Et à l’autre terminus le mat de rechargement n’est pas encore installé”, nous signale Christelle Begleiter, déléguée CGT à la RDT 13, tout juste sortie de formation sur les nouveaux bus le 26 juin. “On a eu l’obligation de refaire une dalle au terminus de Saint-Mitre, l’équipement pour le rechargement sera livré le 15 juillet”, nous précise Paul Sillou.
Lucien-Alexandre Castronovo ne croit pas qu’un service performant soit effectif en septembre. “Ce sera au mieux en janvier”, pense-t-il. Dans le fonctionnement quotidien du BHNS, “tout est fait pour fluidifier au maximum. Mais on aura des adaptations à faire”, reconnaît le directeur de la RDT 13. “Aix peut devenir un modèle à suivre sur la métropole”, affirme le vice-président Henri Pons. D’autres développements de BHNS sont prévus d’ici 2023, du nord à l’est de Marseille, à Aubagne et à Istres. L’efficacité du modèle sera-t-elle au rendez-vous ? Réponse cet automne.
Bons points et limites du bus express d’Aix
À condition qu’il soit efficient, le bus à haut niveau de service (BHNS) d’Aix devrait globalement apporter une amélioration de la mobilité et de l’aménagement urbain. Mais des observateurs, associatifs ou élus regrettent quelques limites quant à la qualité des bienfaits.
– Une desserte de nuit et un service qui pourrait désenclaver le Jas de Bouffan
Le BHNS circulera jusqu’à minuit en semaine et jusqu’à une heure du matin les vendredi et samedi. C’est un vrai plus dans une ville où jusque là les derniers départs de bus s’effectuent à 22 h. Le service pourrait contribuer à désenclaver le Jas de Bouffan. “Un quartier populaire qui compte tout de même plus de 25 000 habitants”, rappelle le conseiller municipal Lucien-Alexandre Castronovo, “et où les gens disent, “on va à Aix”, ce qui montre bien leur sentiment de mise à l’écart”, grince-t-il.
Un réaménagement urbain salué… mais des aménagements cyclables jugés non adaptés
“Le chantier du BHNS a permis la requalification d’énormément d’avenues. Ça change la physionomie globale de la ville. Cela permet une diminution de la place de la voiture. C’est une très bonne chose”, se réjouit Olivier Domenach de l’Association Droit Au Vélo à Aix (ADAVA). L’emblématique fontaine de la Rotonde est ainsi ceinte d’un espace piéton. En revanche le responsable associatif est critique à propos des aménagements cyclables réalisés. “Malheureusement aucune piste cyclable n’a été faite. Les trottoirs ont été élargis avec la création de bandes cyclables dessus. Ce qui va créer des conflits entre piétons et cyclistes”, regrette-t-il.
Un temps total de trajet annoncé qui s’allonge
De Saint-Mitre à Krypton, le trajet du BHNS d’Aix était d’abord annoncé sur un temps de parcours de 25 minutes. À la présentation des nouveaux véhicules fin mai, le temps annoncé était de 30 minutes. “Lors de la formation, la direction nous a annoncé un temps de 33 minutes”, ajoute Christelle Begleiter, déléguée CGT à la RDT 13. “33 minutes sont évalués pour le fonctionnement normal du BHNS. Tant que l’on n’a pas démarré le service commercial, on ne peut pas avoir de certitude”, confirme Paul Sillou, le directeur général de la RDT 13.
Deux kilomètres de moins que le projet initial
“Le projet initial prévoyait un terminus à la route de Nice par l’Arc de Meyran”, expose Lucien-Alexandre Castronovo. Soit deux kilomètres supplémentaires. “Mais il a été réduit face au tollé des commerçants qui avaient peur de perdre de la clientèle parce que l’aménagement aurait enlevé des places de stationnement. Je comprends les difficultés des commerçants, mais on aurait plu leur expliquer que le bus amènerait aussi de la clientèle”, poursuit l’élu. Si le BHNS avait été accessible avec une station au Val Saint-André et un parking-relais, “cela aurait permis un bon délestage pour cette entrée de ville”, regrette Lucien-Alexandre Castronovo.
Commentaires
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Précision : je ne suis pas membre du PS, je suis classé à gauche sans appartenance à un parti.
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Bonjour nous avons corrigé en ce sens. Merci de votre attention.
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La mise en service de ce BHNS va cumuler deux innovations : d’une part, la motorisation électrique et le type de recharge des véhicules, encore rares, et d’autre part la coexistence de deux exploitants différents sur un même réseau urbain, qui est une première en France, me semble-t-il (même si, en d’autres temps, certains l’avaient rêvé pour Marseille lorsqu’il a été question de confier le tramway à Veolia Transport…).
Croisons les doigts, car dans le transport public, où l’on n’a guère le droit à l’erreur, multiplier les innovations, c’est multiplier les risques…
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Je ne suis pas apparenté PS non plus. Je suis société civile. Mais bon, pas grave.
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Des bandes cyclables sur les trottoirs, mais très souvent aussi des bandes très peu larges sur la voie des automobiles.
Pourquoi ne pas autoriser les vélos sur la voie des bus (un bus toutes les 7mn : ces voies de bus seront désertes ! )
Dans certaines villes, cette cohabitation est autorisée, par le simple affichage du pictogramme “autorisé aux vélos” sous le panneau “réservé aux bus”.
https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/voirie/20080521_gl_voirie_cohabitation-bus-velos.pdf
Pour la sécurité de tous, ce serait formidable.
Dans l’état actuel de ces bandes, je ne m’y risquerai pas. Dommage, car j’avais rêvé qu’un jour je pourrais aller en ville en vélo avec mes petits enfants.
Qui est responsable de ce gâchis, en matière de conception ?
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