Legré-Mante : vend T4, vue mer, sur terrain pollué
Legré-Mante : vend T4, vue mer, sur terrain pollué
“Un parc de 7 hectares au coeur des pinèdes, un esprit authentique de “village” de pêcheur, à 5 minutes du Prado et du Vieux-Port”, vante le promoteur Océanis sur le site qui présente le projet Cap Marin. 285 logements “hauts de gamme avec vue mer ou calanques”. Mais pour les convaincus, aucune date de livraison n’est mentionnée. Et pour cause, puisqu’à l’heure actuelle les anciennes usines de Legré-Mante trônent encore à la Madrague de Montredon, sur le site où doit pousser Océanis.
L’ancien exploitant et propriétaire, la famille Margnat, a cédé le terrain au promoteur pour une somme estimée à 42 millions d’euros par l’élue communiste Marie-Françoise Palloix. A l’époque de la liquidation en 2009, les syndicats de salariés accusaient les propriétaires d’avoir organisé la faillite de l’usine pour mieux vendre ce terrain, idéal pour de la “beach promotion”. Problème : changer de destination nécessite une très grosse opération de dépollution des sols.
Deux siècles de pollution métallique
Exploité depuis 1794, le site, anciennement dénommé Hilarion-Roux, a les semelles plus que sales. Il a d’abord accueilli une unité de traitement de plomb argentifère et de zinc puis une fabrique de soude, et enfin d’acide tartrique, sulfurique et citrique.
Des études menées ces dix dernières années ont révélé “une pollution généralisée du sol par des métaux, essentiellement le plomb, l’arsenic, le cadmium, l’antimoine” ainsi “qu’une présence localisée d’hydrocarbures”. Dès 2001, une évaluation détaillée des risques est portée par le bureau d’études Antea. Elle est reprise ensuite par une étude de santé de l’Institut de veille sanitaire sur la présence de plomb et d’arsenic sur le littoral sud qui pointe des taux de métaux problématiques.
Pour le scénario résidentiel, les seuils inacceptables sont dépassés pour : l’arsenic, le plomb et l’antimoine pour les effets non cancérogènes ; l’arsenic pour les effets cancérogènes.
Pour ce type de pollution, les deux principaux risques retenus découlent de l’ingestion de terre par les enfants et la consommation de légumes du potager. Les futurs habitants d’Océanis vont préférer daller leur petit jardin que planter des potirons.
Mais cette perspective de travaux inquiètent surtout les riverains qui ont toujours défendu les anciennes usines. Parmi les deux recours déposés par le Comité d’intérêt de quartier et la Confédération syndicale des familles (CSF), le second porte exclusivement sur la dépollution. L’association a attaqué l’arrêté préfectoral réglementant la dépollution. On s’y inquiète d’un relatif laxisme de la part de la préfecture sur ce dossier :
Dans le Nord de la France, sur des sites similaires, les arrêtés préfectoraux font 25 pages, celui de Legré-Mante 7 pages, ce n’est pas normal.
“Au nom de quoi, en raison d’intérêts privés, on peut mettre en jeu la santé des riverains ?”, s’interroge Rolland Dadena, un adhérent de l’association. Les riverains, poursuivant sur le terrain environnemental la lutte contre le projet immobilier, craignent pour leur santé lors des opérations de dépollution, d’autant plus que celle-ci est effectuée dans un jeu à trois entre la famille Margnat, ancien propriétaire du terrain, le promoteur immobilier Océanis et l’Etat qui a le désavantage de brouiller les cartes des responsabilités.
Promoteur-payeur
Légalement, c’est au dernier exploitant d’assurer la dépollution du site. Pour Legré-Mante, ce n’est pas tant la dernière période d’exploitation que les deux siècles précédents qui ont laissé au quartier un cadeau empoisonné. Quand la famille Margnat le rachète en 1979, elle y installe une usine d’acide tartrique, activité historique de la société. Lors de la liquidation en 2009, la société SAS Legré Mante – rattachée au groupe Margnat Tassy – est jugée inapte à payer. Dans un jugement d’octobre 2010, le tribunal de commerce mentionnait : “la Société française des produits tartriques Mante (SFPTM) s’engage à reprendre toutes les formalités et opérations de dépollution qui auraient normalement dues incomber à l’ancien exploitant du site”. Le propriétaire se substitue donc – sur le plan légal – à l’ancien exploitant. Dans un rapport de synthèse de la préfecture datant d’octobre 2011, il est précisé que :
La SFPTM a signé un compromis de vente avec un groupe porteur d’un projet basé sur un usage futur résidentiel intégrant la dépollution du site.
Concernant le montant de ce plan, les chiffres diffèrent selon les interlocuteurs. La préfecture mentionnait en 2011 des travaux d’au moins 9 millions d’euros. Du côté d’Océanis, on évoque une somme bien plus importante, sans pour autant donner une enveloppe précise. “La dépollution totale devrait atteindre 16 ou 17 millions d’euros”, affirme Rémi Hillaire pour Océanis. “Nous ce qu’on demande ce n’est pas un montant mais un objectif”, résume le chef d’unité territoriale de la Dreal Patrick Couturier. Un contrôle a posteriori sera effectué par Antea, un bureau d’étude indépendant, sous forme de relevés.
90 000 mètres cubes à extraire
L’Etat n’intervient donc pas dans l’arrangement financier entre l’ancien propriétaire et le nouveau. “L’exploitant nous a transmis plusieurs études sur l’état du site ainsi qu’un plan de gestion, explique Patrick Couturier. Début 2012, un arrêté préfectoral a validé ce plan de gestion”. Le promoteur choisit ensuite une société pour effectuer les travaux. D’après nos informations, le promoteur a déjà sollicité de nombreux devis auprès des prestataires de la région susceptibles d’effectuer cette opération complexe puisqu’il s’agit d’excaver 90 000 mètres cubes de terres polluées puis de les transporter vers un centre de stockage. Les opérations devraient durer entre 11 et 17 mois selon une entreprise spécialisée. Sur le chantier, de nombreux contrôles sont prévus aux dires de la Dreal.
Ce qu’on confirme chez Valgo, expert en dépollution à Aix ayant planché sur le cas Legré-Mante : “Les contraintes sont à la mesure de l’enjeu. L’arrêté préfectoral impose des précautions à prendre lors des travaux comme l’arrêt des travaux au delà de 70 km/h de vent ou encore pendant la saison estivale”. Aucun calendrier n’a été donné pour l’heure concernant le chantier Legré Mante mais à la Dreal, on estime que celle-ci “pourrait commencer à la rentrée”.
“Au top des normes de dépollution”
A la mairie de secteur, où l’on soutient le projet immobilier depuis le début – au point de signer dans l’urgence un permis de construire modificatif la veille d’une audience – on se félicite d’un tel plan de dépollution. Le maire de secteur Dominique Tian se dit “extrêmement favorable à ce projet immobilier”. Pour l’élu UMP, qui a toujours soutenu la construction de ces immeubles, “compte-tenu de la destination du site, on sera au top des normes de dépollution”. Même son de cloche à la préfecture où est soulignée l’opportunité pour le quartier d’un tel plan de dépollution qui n’aurait pas eu lieu sans le projet immobilier.
Car si Legré-Mante est loin d’être la seule usine polluée sur le littoral sud, il s’agit du seul site où le responsable n’est pas considéré comme défaillant par l’Etat. Pour les autres sites, comme celui de l’Escalette, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) devra effectuer pour l’Etat une dépollution a minima cofinancée avec les collectivités.
Cerise à l’arsenic sur le gâteau de la dépollution, un autre terrain lié à l’usine n’entre ni dans le premier plan de dépollution de Legré-Mante ni dans celui de l’Etat. Il s’agit de l’ancien crassier de l’usine, qui comme son nom l’indique était destiné à recevoir les déchets. Sur ce terrain plus petit situé en bord de mer, le promoteur a déposé un permis de construire pour six villas les pieds dans l’eau. Cette “parcelle B” avait été sortie du plan de gestion pour des raisons techniques de dépollution. A la Dreal, on explique que pour cette partie, “la dépollution est bien plus compliquée compte tenu de la nature des déchets et des glissements de terrain”. Garder le pire pour la fin, histoire de ne pas remettre en cause tout le projet si, entre temps, l’opération se révèle impossible, ou bien moins rentable. Au pire, on pourra toujours y faire un parking en silo avec vue sur mer.
Commentaires
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On a le même problème à l’Estaque…
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un film sur Legré-Mante est sorti l’an dernier je crois !
il s’appelait : DISPARAISSEZ LES OUVRIERS
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Le fait de construire des villas et immeubles (haut standing) sur d’anciens terrains industriels et pollués est criminel (je parle de la parcelle B où 6 villas doivent être construites). Ils auront la MORT des acquéreurs sur la conscience.
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Article très intéressant.
Je pense qu’il faut se réjouir du fait qu’une dépollution du site soit faite sur les deniers privés du promoteur, et qu’il s’agit d’une chance pour le quartier.
Toutefois, cet article ne répond pas à l’autre question que je me pose concernant ce projet de 285 logements + 6 villas, et qui est d’ordre urbanistique : est-ce que le quartier est capable de soutenir l’arrivée de cette population en terme d’infrastructures routières alors qu’il est déjà fréquemment saturé ?
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Le risque est déjà existant pour les résidents actuels.
Un très intéréssant reportage a été fait sur le scandale du parc des Calanques.
De l’émissaire des égouts, en passant par toutes les anciennes activités, le site est archi pollué à l’arsenic.
Simplement cueillir un brin de romarin est déconseillé.
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Je citerai les paroles de la chanson du serpent dans le livre de la jungle hypnotisant Moogly avec des cercles dans les yeux : Ait confiance ,crois en moi, si tu veux que je m’occupe de toi…
Un arrêté Prefectoral fantaisiste.. il y a tous les jours un vent à 70 km/h à la Madrague qui viendra le contrôler pendant 17 mois de travaux..
Un élu qui veut bien être couvert de goudron et de plume (dans Lucky luke c’est le tricheur que l’on sort de la ville suspendu à une poutre) et s’en lave les mains ayant changé de quartier pour les futures élections municipales ( voir encart de la Provence du 6 mai)
Un promoteur qui fait le chant des sirènes pour mieux vendre son projet et empoisonner toute la population par la dépollution mais aussi en gonflant le flux journalier de véhicules (1200 véhicules de plus)et qui s’arrange pour produire un permis modifié le jour du procés au TA par ses combines politiciennes.
Aller, reprenez avec moi en chœur: Ait confiance, croit en moi, si tu veux que je m’occupe de toi..
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Je citerai les paroles de la chanson du serpent dans le livre de la jungle hypnotisant Moogly avec des cercles dans les yeux : Ait confiance ,crois en moi, si tu veux que je m’occupe de toi…
Un arrêté Prefectoral fantaisiste.. il y a tous les jours un vent à 70 km/h à la Madrague qui viendra le contrôler pendant 17 mois de travaux..
Un élu qui veut bien être couvert de goudron et de plume (dans Lucky luke c’est le tricheur que l’on sort de la ville suspendu à une poutre) et s’en lave les mains ayant changé de quartier pour les futures élections municipales ( voir encart de la Provence du 6 mai)
Un promoteur qui fait le chant des sirènes pour mieux vendre son projet et empoisonner toute la population par la dépollution mais aussi en gonflant le flux journalier de véhicules (1200 véhicules de plus)et qui s’arrange pour produire un permis modifié le jour du procés au TA par ses combines politiciennes.
Aller, reprenez avec moi en chœur: Ait confiance, croit en moi, si tu veux que je m’occupe de toi..
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Gaudin et Tian continuent, à coup de permis de construire, d’asphyxier un quartier où depuis trente ans on bâtit, on bâtit, on bâtit, alors que la voirie existante était déjà insuffisante.
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Après 45 ans de vie dans ce quartier des promoteurs qui bétonnent la côte ont décidé que je n’avais plus ma place ici, Allez Signer ma Pétition http://goo.gl/0SxwD Thx merci a tous.
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