Le chercheur Didier Raoult mis sur la sellette par ses tutelles
Ce vendredi, l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) d'infectiologie, à la Timone, va recevoir la visite d'une importante délégation du CNRS, de l'IRD, d'Aix Marseille université et de l'Inserm, les quatre tutelles de l'établissement.Cette délégation va passer au crible les conditions de travail au sein de l'unité de recherche de Didier Raoult, directeur de l'IHU. Une lettre anonyme y décrit une situation de travail "dégradante".
Le chercheur Didier Raoult mis sur la sellette par ses tutelles
Dans le monde pas toujours feutré de la recherche, le fait est assez exceptionnel. Une délégation comprenant des représentants du CNRS, de l’Inserm, de l’IRD, et d’Aix-Marseille université débarquent ce vendredi à Institut hospitalo-universitaire d’infectiologie. Très récemment inauguré, ce fleuron de la recherche française est l’enfant chéri du professeur Didier Raoult, scientifique internationalement reconnu. Mais cette visite des tutelles ne relève pas de la simple courtoisie.
Les membres de cette délégation sont tous des représentants des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des quatre institutions. La visite concerne directement les conditions de travail au sein non pas de l’IHU flambant neuf mais d’une unité de recherche installée en son sein, l’Urmite (Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes), dirigée par le même Didier Raoult.
Nouveaux locaux
Officiellement, cette visite est la suite logique de l’installation de plusieurs unités de recherche dans ces nouveaux locaux. C’est ce que confirme, le délégué régional de l’Inserm, Dominique Nobile : “Lorsqu’une unité de recherche s’installe dans des nouveaux locaux, il est courant que dans les six mois qui suivent, les représentants du CHSCT viennent les visiter ces locaux dans une approche liée aux conditions de travail”. Quant à la présence des quatre tutelles de l’IHU, elle se justifie par la volonté d’éviter les visites à répétition. Voilà pour la version officielle. Que l’on retrouve bien entendu sous la plume du directeur de l’Urmite, Didier Raoult qui répond à notre demande ainsi :
La visite du CHSCT est en phénomène normal qui est opéré à la demande du personnel dans toute institution. Les déménagements occasionnent toujours des ajustements et il est utile que le CHSCT aie un regard extérieur aux occupants du bâtiment afin de nous aider à améliorer ce qui peut l’être. Je n’ai aucune inquiétude à ce sujet et je vous invite plutôt à découvrir ce merveilleux endroit.
Didier Raoult balaie cet élément du ton de l’évidence : “Je suis au courant qu’une lettre anonyme a été adressée, par définition je ne sais pas si ce sont des salariés qui l’ont envoyée”. Selon nos informations, dans un message interne envoyé aux salariés de l’Urmite pour préparer cette visite, il présente bien ladite missive anonyme comme son motif principal.
Un institut à la pointe de la recherche
Ouvert il y a quelques mois, l’institut hospitalo-universitaire d’infectiologie est un des trois instituts nés des investissements d’avenir en 2011. Pensé dès 2003 par le professeur Didier Raoult après les attentats à l’anthrax aux Etats-Unis, l’IHU marseillais se veut un pôle majeur et stratégique qui concentre à Marseille “les moyens de lutte contre les maladies infectieuses” en mêlant soins, recherche, formation et valorisation. Il est porté par une fondation de droit privé, financée via les investissements d’avenir “pour 72,3 millions d’euros” dont 48 millions pour le bâtiment flambant neuf. Les collectivités locales ont également été associées à ce financement.
La naissance de l’IHU s’est faite dans la douleur, notamment du fait des difficultés budgétaires de l’AP-HM qui accueille l’institut sur son site. En 2014, une mission d’inspection avait passé au crible le projet. Enfin, le projet comme l’institut sont indissociables de son directeur, Didier Raoult, scientifique unanimement reconnu et personnalité fantasque et controversée.
“Une situation insupportable et dégradante”
Lors d’une récente séance du comité technique d’Aix Marseille université, le 27 juin, les représentants du syndicat SNPTES évoquent très clairement “une situation de souffrance” due au “non-respect des règles élémentaires de conditions de travail”. Interpelée, la direction de l’université met en avant la programmation de ladite visite des quatre tutelles. Le courrier et ce qu’il décrit est donc bien pris au sérieux.
Ce courrier que nous avons pu consulter met d’abord en avant une situation “insupportable et dégradante” qui “provoque un mal-être au travail”. Il est certes question d’open space trop peuplé ou de fontaines à eau inaccessible à certains salariés mais ce ne sont que des points de détail du courrier.
“Confrontés à des formes de mépris”
L’essentiel de leur courrier concerne les relations de travail et en particulier le peu de considération que celui-ci rencontre, avec au centre, sans qu’il soit toujours nommé le directeur de leur unité de recherche qui cumule cette responsabilité avec celle de l’institut dans son ensemble. Cette question de l’encadrement et de l’absence de considération de la hiérarchie est d’ailleurs le point 1 de leur courrier :
Avancements bloqués
Cette ambiance délétère a un impact direct sur l’évolution de carrière de ces personnels dont l’avancement est limitée aux “avancements automatiques et aux initiatives personnelles, M. Raoult ayant catégoriquement refusé de participer aux réunions” des établissements de rattachement desdits employés.
La visite de ce vendredi n’est ni un contrôle, ni une enquête mais elle vise clairement l’ensemble des conditions de travail, y compris en ce qui concerne les conditions d’encadrement. L’importante délégation sera d’ailleurs divisée en deux sous-groupes pour permettre de visiter les lieux sans la direction de l’unité de recherche et surtout de réaliser des entretiens auprès des salariés. La délégation sera assistée d’un médecin du travail, d’un psychologue et de plusieurs spécialistes de la prévention.
Au-delà des conditions d’accueil des personnels, les syndicats évoquent très clairement comme champs d’investigations la question de l’encadrement, de la vie démocratique dans l’unité et des relations interpersonnelles. Ces derniers ont demandé à ce qu’un inspecteur général de l’éducation nationale et de la recherche soit associé à la visite. Joint par nos soins, le ministère ne nous a pas répondu sur ce point.
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Cela démontre au moins que les problèmes d’encadrement potentiels ne sont pas pris à la légère. C’est suffisamment rare dans le public comme dans le privé, où l’attitude la plus fréquemment rencontrée est de laisser courir (parfois jusqu’à des situations dramatiques)
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