Le nouveau copinage de Renaud Muselier
Le président du conseil régional a contourné un long processus de recrutement pour imposer son candidat à la tête de la Société du canal de Provence. Un satellite de la région qui réalise chaque année plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires et emploie près de 550 salariés.
Renaud Muselier en novembre 2019. (Image LC)
L'enjeu
Renaud Muselier a choisi d'imposer un de ses proches au poste de directeur général de la société du canal de Provence, faisant fi du processus de recrutement mis en place en interne.
Le contexte
Il y a quelques jours, la chambre régionale des comptes soulignait dans un rapport le grand nombre de collaborateurs de cabinet fort bien payés des présidents Estrosi et Muselier à la région.
Lesté du rapport de la chambre régionale des comptes, Renaud Muselier l’avait joué sobre en début de séance du conseil régional le 9 octobre. Le président a encaissé les critiques sur les postes de ses collaborateurs surnuméraires et indiqué les avoir supprimés. Il a laissé son prédécesseur Christian Estrosi expliquer les rémunérations élevées de leurs conseillers par leur volonté d’engager et de conserver “les meilleurs”. Mais, quelques heures plus tard, il n’a pas hésité une fois de plus à gâter un de ses proches.
L’heureux élu se nomme Jean-Luc Ivaldi. Ce directeur général adjoint des services à la région, arrivé là grâce à Renaud Muselier, a été choisi comme candidat de la collectivité à la direction générale de la Société du canal de Provence (SCP). À quelques mois de la fin du mandat régional, le voilà positionné pour prendre la tête de cette société qui réalise chaque année plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie près de 550 salariés. Ce qui en fait “un outil de dimension internationale“, selon les dires mêmes de Renaud Muselier. La SCP joue par ailleurs un rôle important dans la gestion locale de l’eau entre irrigation des terres agricoles et fourniture d’eau potable à Marseille
Une belle promotion à l’abri des affres électorales pour un fidèle parmi les fidèles de l’élu Les Républicains dont il a été durant ces 30 dernières années assistant parlementaire ou encore directeur de cabinet. Jean-Luc Ivaldi a aussi dirigé Habitat Marseille Provence, alors bailleur social de la mairie de Marseille lorsque Renaud Muselier était premier adjoint.
La région, pilote du canal de ProvenceDepuis 2008, l’État a transféré à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur le patrimoine et la gestion de la Société du canal de Provence dans le cadre des missions d’aménagement du territoire de la collectivité. Depuis lors, il revient à la région de proposer au vote du conseil d’administration de cette société une candidature au poste de directeur général.
Un processus de recrutement complexe court-circuité
Cette arrivée inattendue ressemble fort à un fait du prince. Elle a en effet court-circuité un processus de recrutement mis en place depuis plusieurs mois. Dans un courrier que Marsactu s’est procuré, six représentants du personnel ou élus syndicaux de la société s’en sont vivement émus. Contactés, ils n’ont pas souhaité commenter davantage.
Ils décrivent dans cette lettre un processus enclenché “en mai” qui semblait une garantie de la “grande transparence” prônée en interne par le président de la SCP et vice-président LR de la région Philippe Vitel :
“Une pré-sélection opérée par un cabinet spécialisé a établi une liste de quinze candidat(e)s sur la base de critères spécifiques. […] Parmi ces quinze candidats, quatre furent retenus et auditionnés par un jury composé du président et des vice-présidents représentant les quatre principales collectivités actionnaires. Ainsi, à l’issue de ces auditions, Philippe Vitel avait annoncé au conseil d’administration en juillet dernier que le processus convergeait et qu’il ne s’agissait plus que de faire le bon choix entre deux candidat(e)s.
Mais, écrivent-ils, une consigne venue de l’hôtel de région a perturbé la sélection de la perle rare : “Nous avons appris récemment que le processus de sélection transparent qui avait été mis en place serait en passe d’être contourné, la région mettant à profit son pouvoir d’agrément pour imposer un candidat qui n’est pas issu du processus officiel pour succéder au directeur général de la société.”
La faible information des élus
La candidature Ivaldi a donc sauté toutes ces cases pour arriver en dernière minute. Usant de son “droit d’agrément”, procédure qui lui permet de choisir le candidat au poste de directeur général soumis au conseil d’administration de la SCP, la région s’est assise sur les mois de travail du jury pour imposer son choix. La délibération à ce sujet n’a pas été votée en séance publique mais en commission permanente, organe où sont validées les décisions mineures, sans public ni débat.
Mais, preuve d’une certaine gêne, les conseillers régionaux n’ont pas eu connaissance des détails de ce tour de passe-passe. La délibération écrite pèche par omission. Elle se contente d’expliquer “suite à une première sélection de candidats et à l’organisation d’un jury, composé du président et des vice-présidents de la Société du canal de Provence et d’aménagement de la région provençale représentant les quatre principales collectivités actionnaires, il a été retenu la candidature de monsieur Jean-Luc Ivaldi”. Les élus ne sauront rien de la manière dont il a pu intégrer le processus dans la dernière ligne droite. Sur ce point, la région n’a pas répondu aux sollicitations de Marsactu.
L’opposition Rassemblement national a tout de même pu interroger Renaud Muselier sur son choix en assemblée plénière au détour du vote du “plan d’aménagement 2018-2038” du canal de Provence. Visiblement agacé, celui-ci a justifié rapidement son choix : “Le poste de directeur général étant vacant, lui-même étant directeur général adjoint et ayant piloté la maison mère du vaisseau région, je souhaite qu’il y ait sur ce satellite du canal de Provence un élément au service de la région. Nous investissons entre 6 et 800 millions d’euros sur l’hydraulique dans cette région”, a-t-il expliqué.
“Il faut quelqu’un qui connaît les dossiers”
Pour Renaud Muselier et Jean-Luc Ivaldi, il ne reste plus qu’une étape à passer, celle de la validation par le conseil d’administration le 21 octobre. Il faudra alors convaincre les membres – qui ne représentent pas que la seule région – du bien-fondé d’une décision qui a surpris jusqu’à Philippe Vitel. Un élu d’une autre collectivité au fait du dossier ne cache pas son embarras : “Il faut quelqu’un qui tient la route et connaît les dossiers. Les discussions vont être chaudes dans les années qui viennent et je ne suis pas sûr que Jean-Luc Ivaldi, qui est très politique et pas forcément technicien, soit taillé pour le poste.” Le profil du poste dressé en interne confirmait, selon le courrier du personnel, l’importance d’“une connaissance des problématiques de l’eau et de l’aménagement du territoire, des enjeux du développement à l’international et des nombreux défis à relever dans un contexte de changement climatique”. Des compétences que le parcours de Jean-Luc Ivaldi ne suggère pas.
Mais il n’est pas dit que les autres collectivités osent s’opposer à la région lors du vote au conseil d’administration. Jean-Luc Ivaldi coifferait alors la casquette de directeur général, sans être tenu par le destin électoral de son ami, qui devrait être candidat à sa succession en mars prochain. “Son mandat n’est pas dépendant des élections à la région, explique un juriste spécialisé contacté par nos soins. En pratique, si un conseil d’administration veut l’écarter, il l’écartera. Mais cela donnera lieu à des indemnités.”
Commentaires
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Comme à son habitude, là et précédemment ailleurs, les entourloupes c’est sans doute ce qu’il sait faire de mieux. Il y a la fidélité qui lie des êtres, mais il y a ici surtout des “combinaisons” et à ce titre il vaut mieux conserver toujours d’excellentes relations avec ces amis rapprochés. Un savoir faire certain dans l’ exploitation de nombreuses “structures”, qui se traduit par un abus de positionnement et bien sûr toujours en quatimini.
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C’est à regretter amèrement la décentralisation. Dans les régions moins pourries que PACA par des habitudes de pègre, la décentralisation a pu avoir un bénéfice, mais on ne comprend pas pourquoi le recrutement doit être décentralisé. Sur un poste de direction générale d’une compagnie des eaux, sur une matière première, l’eau, qui vaut plus que de l’or dans le changement climatique, pour laquelle il y a et il y aura des guerres et du vol sur terre, des décisions éminemment techniques qu’il faudra comprendre et prendre, des contacts techniques qu’il faudra avoir et entretenir à travers la planète, c’est le president de la region qui nomme son adjoint en s’asseyant sur une procédure qui vient de sortir!
Pourquoi n’y a t-il pas un verrouillage dans la procédure pour empêcher ce genre de nomination arbitraire? Pourquoi le candidat imposé ne passe pas devant un conseil de recrutement comme les autres candidats, et pourquoi on recrute sur CV pour un poste pareil? Pourquoi l’Etat ne peut avoir un droit de veto sur une chose pareille?
J’espère que votre article peut etre commenté à un niveau national et les responsables interrogés devant les caméras. En tout cas, certes le conseil d’administration peut licencier cette personne, au risque de s’attirer des tas de problème de la région, mais les indemnités de licenciement seront bien versées par la poche du contribuable, non? Le fisc n’a rien à dire sur l’utilisation de l’argent public dans les cas de cooptation non réglementaire qu’il faut indemniser?
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Joli commentaire. Mais la réponse à toutes vos questions est dans le titre de l’article : CO-PI-NAGE.
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« regretter amèrement la décentralisation »
Ce sont bien les lois pondues par Defferre dans les années 80 qui sont à l’origine de la multiplication des phénomènes de corruption (les exemples ne manquent pas). A croire que les élus étaient jaloux que quelques fonctionnaires imposent leurs choix. Ils en font autant. Le problème c’est qu’ils sont beaucoup plus nombreux à vouloir outrepasser les règles en affirmant leur égo : « c’est moi qui décide ». Et quand la justice veut rappeler le droit, la maffia en place fait tout pour lui mettre les bâtons dans les roues.
Comment un tel droit d’agrément a-t-il pu être mis en place sans que personne parmi les élus ne réagisse devant les tribunaux ? Les élus de go-gauche étaient-ils trop heureux de récupérer une prérogative inespérée en cas de victoire ?
Votez, braves gens. Votez !
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Cette institution qu’est la région est devenue une agence de placement , faisant fi des procédures , des règles et usages.
En faisant nommer Ivaldi , Muselier se réserve un nombre de places auprès de la Société du Canal de Provence afin de caser ou recaser certains de ses copains , notamment ceux de son cabinet privé.
Et nous , nous payons à Marseille l’eau quasiment la plus chère de France , il ne faut pas de se demander pourquoi.
Entre Vassal qui tripatouille avec la SEM et Muselier avec la SCP nous avons là des comportements au delà du douteux.
Cette région est vraiment pourrie.
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Pour résumer la position de Muselier dans la vidéo: La gestion de l’eau en Provence est trop sérieuse pour être confié à des techniciens qui connaissent le sujet. Ce phénomène du fait du “prince” qui s’assoit sur les délibérations légales se généralise dans tous les niveaux des institutions publiques.
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Si vous appréciez ce genre d'”anecdote”, vous allez adorer celles d’Un Zèbre Dans Un Jeu De Quilles II – http://uzii.evolut10n.fr
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Merveilles de la décentralisation qui n’a fait que multiplier les petits barons locaux se nourrissant sur l’argent public.
Et il n’y a pas d’opposition à la Région…
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pas de souci le Conseil d’Administration va voter comme un seul homme moyennant quelques petites concessions aux uns et aux autres
le système fonctionne sur le principe des services rendus
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Une pensée pour les candidats qui ont les compétences nécessaires, on bûché, passé des auditions, fait des plans de changement de vie pour résidence, enfants, conjoint, de quoi maudire à vie tous les cocaïnomanes de la planète
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la Vième République avait été surnommée la République des copains et des coquains le nouveau monde n’y a rien changé
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Vous avez raison Barbapapa. Car en fin de compte, c’est bien à cause de ceux d’entre nous, trop dépressifs et désillusionnés, trop mentalement atteints pour se ressourcer via le sport ou le soleil local, qui se ruent à coups d’euros (venant de qui?) sur la cocaïne et le cannabis, à cause de cette demande si forte, que toute l’industrie de la contrebande s’est installée tout près des points de livraison et production, et qu’elle a besoin de raquette et pots de vin pour continuer à subsister. Peut être qu’ils ont de la chance les candidats malheureux au recrutement de ne pas atterrir dans ce panier de crabes.
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’Larticle mentionne :
L’importance d’« une connaissance des problématiques de l’eau et de l’aménagement du territoire, des enjeux du développement à l’international et des nombreux défis à relever dans un contexte de changement climatique ». Des compétences que le parcours de Jean-Luc Ivaldi ne suggère pas.”
Voila pourquoi tout dysfonctionne dans notre region… sur un poste aussi important, dans une institution de service public, dans un domaine où les enjeux sont majeurs… on “place” un copain… et non quelqu’un.e de compétent.e…
Pratiques inacceptables. Merci de les avoir dénoncées.
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Je viens de lire la biographie de Jean Luc IVALDI , Impressionnante .
Attaché au cabinet du maire , donc magouille et compagnie. Ensuite attaché parlementaire de celui qui ne faisait rien puisque Dominique De Villepin faisait tout. C’est du lourd .
La seule question que je me pose c’est de savoir si le Canal de Provence ouvre une division eaux usées ou eaux troubles , car là visiblement notre ami IVALDI doit avoir certaines compétences.
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C’est consternant, mais pas franchement étonnant ! si ? non !!
Le recyclage récent de certains ministres est la preuve que cette démarche fonctionne bien. et a toujours bien fonctionné.
Dans le milieu associatif on connait bien ce problème : lors d’interventions diverses, ou demandes de subventions, d’évènements….on se trouve face à des gens des “institutions” sollicitées qui sont définitivement hors sol, incompétents majeurs… et ma foi, c’est souvent difficile.
Ca fait partie du “jeu”. oui la décentralisation a accéléré le processus, mais ça reste une vraie tradition.
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Directeur général adjoint au Conseil régional recruté par Muselier, Ivaldi est responsable d’une grande partie des faits dénoncés par la Chambre régionale des comptes dans la gestion du personnel contractuel au Cabinet et dans les services régionaux.
Autres faits d’armes :
https://www.liberation.fr/societe/2012/04/16/dans-la-famille-muselier-la-justice-convoque-madame_812184
et
https://www.liberation.fr/france/2012/03/06/la-femme-de-renaud-muselier-au-coeur-d-un-nouveau-micmac-marseillais_800861
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Muso fait mumuse avec les institutions, et aussi avec la démocratie, en définitive. “Les c…, ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnaît.”
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une honte !
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