Le courant passera bientôt sous la Méditerranée

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le 6 Juil 2010
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Le courant passera bientôt sous la Méditerranée
Le courant passera bientôt sous la Méditerranée

Le courant passera bientôt sous la Méditerranée

Maroc – Espagne, Algérie – Italie, Grèce – Egypte : ce ne sont pas les prochains matches de la Coupe du monde de foot, mais quelques unes des connexions électriques qui devraient voir le jour. Officialisé hier, ce projet baptisé Transgreen est porté par des géants comme EDF, Siemens, Areva ou encore les gestionnaires de réseau électrique français et espagnol. L’idée : pouvoir transporter de l’électricité entre les deux rives de la Méditerranée. Et notamment un quart des 20 gigawatts (GW) d’origine renouvelable (solaire, éolien…) prévus sur la rive Sud d’ici 2020 par le Plan solaire méditerranéen (PSM). Si l’Union pour la Méditerranée (UpM) – grand « machin » comme dirait de Gaulle – a aujourd’hui une application concrète, c’est bien celle-là : 40 milliards d’euros pour le PSM plus 8 milliards pour Transgreen.

La première « rencontre » aura lieu entre le Maroc et l’Espagne, via le détroit de Gibraltar, où la seule liaison actuellement existante entre les deux continents sera renforcée. Le plan solaire de ce pays, qui s’inscrit lui aussi dans le cadre du PSM, est en effet déjà prêt. Il prévoit l’installation entre 2015 et 2019 de 2 GW de centrales solaires réparties sur cinq sites.

Du Sud au Nord

Pourquoi ne pas consommer là où l’on produit et vice-versa plutôt que de plonger des milliers de kilomètres de câbles sous la Grande Bleue ? Car cela « permettra de rentabiliser la construction des centrales qui demanderont des investissements majeurs », dixit le ministre du Développement durable Jean-Louis Borloo. Avec ses objectifs contraignants et ses tarifs de rachats, le Vieux Continent est en effet bien plus « solvable » pour l’électricité verte, souvent plus chère.

Ce qui est aussi une manière pour les pays européens de toucher leur part du gâteau du PSM. Bien qu’il ouvre déjà de juteux contrats en perspective pour leurs entreprises, comme au Maroc, où les français Schneider Electric et SolaireDirect ont déjà commencé à prospecter. Idem pour les agences de développement des entreprises à l’international française et espagnole. D’ailleurs, le consortium Transgreen est majoritairement composé d’entreprises européennes. Et tout particulièrement de champions français, ce qui explique l’activisme de Paris sur ce dossier.

Eco-colonialisme

Bref, la bonne cause d’une énergie verte est aussi l’occasion de faire tourner la machine économique. On ne s’en plaindra pas. Mais cela interroge sur la place réservée aux pays du Sud qui accueilleront les projets. « Nos entreprises ne veulent pas se contenter de nettoyer les vitres », avertissait en mai Amin Bennanou, secrétaire général de l’Association marocaine des industries solaireset éoliennes (Amisole).

Idem pour le projet jumeau Desertec, porté par un autre consortium d’entreprises européennes et qui a les faveurs de l’Allemagne. Il prévoit rien de moins que 400 milliards d’euros d’investissements pour installer 100 GW de capacités de production, et les lignes électriques qui vont avec. Avec un problème supplémentaire par rapport au PSM, qui passe plutôt par des plans nationaux : l’accusation d’éco-colonialisme.

Un néologisme inventé presque rien que pour lui. Sur son blog, la journaliste de Libération Laure Noualhat se montre très sceptique : « ce projet, si beau sur le papier, pose différentes séries de questions. La première: que savons-nous de ce que pensent les populations nomades habitant le désert depuis des siècles et des siècles ? Leur demandera-t-on leur avis ? A combien négociera-t-on leur changement radical d’environnement ? (…) Encore une fois, on cherche comment produire plus alors qu’il serait temps d’éduquer à la sobriété énergétique. »

Dans une dépêche AFP, le député social-démocrate allemand Hermann Scheer romp le soutien unanime de Greenpeace et des Verts allemands. Il « estime que l’on n’a pas besoin d’aller en Afrique pour fournir de l’énergie propre à l’Europe. « Nous pourrions investir les 400 milliards d’euros ici », explique-t-il, défendant l’idée d’un réseau décentralisé d’opérateurs dans les énergies vertes, plutôt que de le laisser aux mains d’un monopole de grandes entreprises », rapporte l’agence de presse.

Un lien Un rapport du ministère de l’Economie français sur le PSM

Un lien La vision alternative de WWF

Un lien Schneider et Solaire Direct à l’affut du Plan Solaire Marocain

Un lien Les PME méditerranéennes veulent leur part du renouvelable, sur Terra eco

Un lien Le site de la Desertec Foundation

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Commentaires

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  1. pmo pmo

    Outre le problème sociétal fondamental ,entre les intérêts plus que divergents des pays du Nord et du Sud de la mer Méditerranée,quid de celui plus terre à terre, du vol des fils de cuivre éventuels ? Quelles sont les alternatives techniques ?Existent-elles simplement ?

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  2. sfrederic13 sfrederic13

    et puis, un jour, un Nasser, ou un Chavez arrivera au pouvoir dans l’un de ces pays et comme au bon vieux temps du canal de suez, nationalisera les installations et nous serons à nouveau dépendant comme aujourd’hui avec le pétrole moyen oriental ou le gaz russe, des pays du maghreb. Comme si il n’y avait pas assez de place dans tous le sud de l’europe pour installer le solaire et l’éolien, pour quoi aller investir autant d’argent là bas, pour finalement rapatrier l’electricité -que ne pourront certainement pas se pays les “locaux”- en europe

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