L’avocat général charge le “système Guérini” et demande des peines aggravées pour les frères
Au terme de deux semaines de procès en appel, l'avocat général a requis contre Alexandre Guérini huit ans de prison ferme et pour Jean-Noël Guérini quatre ans dont la moitié ferme.
Jean-Noël Guérini en mars 2021 lors de son procès en première instance. (Photo : Emilio Guzman)
Pour appuyer son propos, l’avocat général Pierre-Jean Gaury a réalisé des schémas et les a regroupés dans un Powerpoint. Après deux semaines de procès en appel, il lui revient de requérir contre le sénateur Jean-Noël Guérini et son frère entrepreneur Alexandre, propriétaire des différentes sociétés SMA.
Le premier souhaite sortir de la cour d’appel d’Aix relaxé. Quand Alexandre Guérini, qui a fait le trajet tous les matins depuis la maison d’arrêt de Luynes pour venir à l’audience, espère pouvoir sortir de prison. Sans surprise, ce n’est pas l’avis du représentant du parquet général. Dans cette affaire, les faits datent d’une vingtaine d’années pour certains et l’enquête s’étire sur 12 ans. Mais l’avocat général ne veut pas voir de circonstances atténuantes dans cet examen judiciaire tardif : “On a évoqué des faits anciens, un dossier d’une dimension hors norme, on sait que ce dossier a nécessité des investigations tous azimuts. Il y a eu énormément de contentieux qui en ont résulté [mais] l’ancienneté des faits ne doit pas en diminuer la gravité”.
“Chacun avait la possibilité de se servir de l’autre”
Les faits sont concentrés, rappelle-t-il, autour des deux frères et du “système Guérini” au sein duquel “chacun avait la possibilité de se servir de l’autre”. Comprendre Alexandre Guérini servait les intérêts de Jean-Noël quand ce dernier aurait aidé les affaires de son frère. C’est le cadet, spécialiste des déchets, qui est décrit avec la plus grande sévérité. “Il est partout, il se veut au courant de tout, il téléphone à la terre entière, dira un témoin. On a parlé du système Guérini, il en est un élément central, une araignée qui a tissé sa toile”, cingle-t-il avant de réclamer huit ans de prison ferme, contre six décidés en première instance.
Pour Alexandre Guérini le simple fait d’avoir fait mention de son influence peut être sanctionnable.
Auparavant, son argumentation s’était voulue précise sur le dossier le plus épineux, celui de la décharge de La Fare-les-Oliviers. Alexandre Guérini est soupçonné d’avoir fait valoir son entregent pour obtenir un meilleur prix de rachat de sa société, exploitante du site d’enfouissement, par une filiale de Veolia. Pour l’avocat général, Alexandre Guérini pouvait se prévaloir d’un solide réseau d’élus PS, le parti dont il est adhérent. Sa proximité était notoire avec de nombreux élus affidés à son frère, alors patron du département. Pour démontrer un délit de trafic d’influence, rappelle le magistrat, “la loi n’exige pas l’existence véritable d’une intervention”. Aussi, le seul fait de convaincre Veolia de sa capacité à influer sur les décisions des pouvoirs publics est passible de sanction.
Mais c’est le blanchiment du fruit de la vente de sa société via des comptes à l’étranger qui fait courir à Alexandre Guérini le plus gros risque. Selon le jugement de première instance, ce délit a été commis “à titre habituel”, ce qui lui fait risquer jusqu’à dix ans de prison au lieu de cinq. “Il a effectué des opérations de placement en cascade destinées à rendre les circuits opaques”, assure l’avocat général.
Jean-Noël Guérini, “un spécialiste de la chose publique”
Dans ce dossier, seule l’ombre de Jean-Noël Guérini est présente. Au contraire, dans le dossier du Mentaure, la justice voit une prise illégale d’intérêts manifeste. La vente d’un terrain du département permettant l’extension de cette décharge de La Ciotat gérée par Alexandre est au cœur de l’attention. “Il s’agit d’un rapport signé de sa main et sous sa présidence”, rappelle l’avocat général. “Il a utilisé ses fonctions à des fins personnelles”, assure-t-il. Avant d’insister sur le devoir d’exemplarité du parlementaire : Jean-Noël Guérini est un “professionnel aguerri de la politique, spécialiste de la chose publique, connaisseur de la gestion de deniers publics, concerné par ses fonctions par toutes les réformes de la probité, qui a pu participer comme sénateur à la réforme d’un texte qui le concerne au premier chef”.
“Sa sanction doit avoir une valeur particulière”, assène-t-il. Le magistrat réclame quatre ans de prison dont la moitié avec sursis contre trois ans dont 18 mois décidés en première instance. Pierre-Jean Gaury demande encore “cinq ans de privation de droits civiques”. Une peine complémentaire “malgré l’avis du Conseil constitutionnel”, dont il voudrait l’exécution provisoire. Histoire de mettre fin à sa carrière politique, commencée au conseil municipal de Marseille en 1977. Ce mardi 14 décembre, après que Jean-Noël Guérini a gardé le silence durant l’audience, ses avocats plaideront pour ne pas entacher ce parcours d’une condamnation. Ceux de son frère, explique l’un d’entre eux, interviendront pour sauver “la vie” de leur client.
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