Lassée d’attendre Jean-Claude Gaudin, la droite marseillaise prépare 2020 sans lui

Lassée d’attendre Jean-Claude Gaudin, la droite marseillaise prépare 2020 sans lui

“Le fait du prince, les dernières élections ont montré que ça ne marchait pas”. Ainsi s’exprime la présidente du département Martine Vassal qui a lancé ce vendredi la période des vœux à la presse. La question porte sur les prochaines municipales et la manière de désigner la future tête de liste de la droite. En théorie, ce faiseur de rois, c’est Jean-Claude Gaudin mais ses amis n’en peuvent plus des tours de passe-passe du maire de Marseille qui laisse les rumeurs monter pour mieux les dégonfler en même temps que les ego de ses successeurs potentiels. Il est bien à la barre de la métropole, il ne cédera pas la Ville de Marseille avant d’y avoir vu le pape. Conséquence : après avoir cru elle aussi à une promesse d’abdication à la métropole, Martine Vassal a réaffirmé sans plus attendre qu’elle était candidate pour prendre la tête de l’intercommunalité en 2020.

“Le maire de Marseille dit à qui veut l’entendre qu’il laissera la place. Il le fait dire, il lance l’info mais jamais ne l’officialise. C’est le seul maire de France qui ne prépare pas sa succession”, s’agace-t-on dans l’entourage du président de région Renaud Muselier, lequel a souvent raconté que Gaudin lui avait promis de lui passer la main pour les municipales de… 2001. Martine Vassal a raison de s’inscrire dans son calendrier à elle. Attendre l’agenda du maire, c’est la mort pour les équipes municipales”. Même Yves Moraine, président du groupe de la majorité municipale et proche du maire, semble approuver le mouvement de Martine Vassal : “C’est à elle de dire comment elle sent les choses et aux autres de dire si ça leur convient.” Mais il pondère toutefois tout excès de critiques contre le pater familias : “On peut dire qu’il a fait émerger tous ses dauphins pour les tuer, dont moi, mais il ne faut pas oublier qu’il a su faire émerger toute la génération qui aujourd’hui aspire à lui succéder”.

Une année 2017 cauchemardesque

Yves Moraine est une des victimes d’une séquence électorale qui a viré à la déconfiture pour le parti Les Républicains. Dans la foulée de la candidature vérolée par les scandales de François Fillon et de la victoire d’un Emmanuel Macron qui rogne sur son électorat, la droite marseillaise a vécu une année 2017 cauchemardesque à plusieurs niveaux. Yves Moraine et surtout le sortant très ancré Dominique Tian, le premier adjoint, ont raté la marche pour le palais Bourbon. Ce même Dominique Tian a vécu une audience accablante devant le tribunal de grande instance de Paris et entendu le procureur réclamer cinq ans d’inéligibilité contre lui (le jugement sera rendu dans le 26 janvier). Enfin, à la fin de l’année, le sénateur Bruno Gilles – qui avait été encouragé à se poser en successeur par Jean-Claude Gaudin – a connu d’importants soucis de santé.

Bien sûr, aucun de ceux-là n’est totalement disqualifié pour prendre la suite. Les amis de Bruno Gilles indiquent qu’il compte bien revenir en pleine forme dans le jeu politique avant le printemps. Dominique Tian, qui n’a pas répondu à Marsactu dans le cadre de cet article, et Yves Moraine n’ont pas dit leur dernier mot. “Je ne considère pas ma défaite comme rédhibitoire mais j’y pense moins aujourd’hui qu’hier. Et, si tout le monde joue le jeu collectif, je serai le premier à ravaler mes ambitions”, promet ce dernier.

“2018, l’année qui structure les rapports de force”

L’année 2018 est essentielle pour préparer les scrutins de 2020. “Elle est importante car c’est celle qui structure beaucoup de choses et notamment les rapports de force politiques internes et externes qui détermineront l’organisation du combat de 2020. Et tout le monde est aux aguets”, expose Lionel Royer-Perreaut, le maire des 9e et 10e arrondissements. Ce proche du député Guy Teissier a créé son propre club de réflexion, Oxygène actifs, pour “contribuer au débat”.

Dans ce contexte, l’attitude à adopter envers Jean-Claude Gaudin et son bilan restent à affiner. “Il y a des bilans plus difficiles à assumer”, se rassure Yves Moraine. L’émergence d’une nouvelle génération politique contribue pourtant à ringardiser l’image du maire. “On a bien compris que ce n’est pas parce qu’on changeait les hommes qu’on proposait quelque chose de nouveau. Il faudra aussi changer les pratiques”, avance Lionel Royer-Perreaut. “Il faut comprendre que l’histoire du chef qui décide tout du haut de sa tribune, ça a fonctionné avec Jean-Claude Gaudin mais ce n’est plus possible. Il faut tenir compte de l’état d’esprit de l’électorat qui ne veut pas d’un homme ou d’une femme seule”, renchérit Didier Réault, adjoint au maire de Marseille, mais aussi vice-président du conseil départemental, un de ceux qui aspirent à des rôles de premier plan dans les futurs exécutifs. Côté programme en revanche, les bases ne sont pas encore posées même si, autour des moyens importants mis par le département et la région pour Marseille, les projets pullulent depuis la rentrée.

Appels du pied aux “marcheurs”

Il faudra aussi s’ouvrir et Martine Vassal elle-même s’est dite à même de rassembler autour d’un projet, au-delà de son parti. La droite se voit comme un complément local idéal à La République en marche (LREM). Le raisonnement ? Profiter de la dynamique du parti présidentiel tout en lui apportant ce qui lui manque : l’ancrage et le réseau local. Le député LREM François-Michel Lambert a tendu la main à Martine Vassal pour un programme métropolitain commun en 2020. Renaud Muselier multiplie les clins d’œil aux “marcheurs” et laisse prospérer l’idée d’une liste centrale qui agrégerait des socialistes jugés modérés comme Samia Ghali, LREM et tout ou partie de la droite. “Le risque, se retrouver face à deux fronts : la France insoumise ou le Front national. Au PS, personne ne veut que ce soit l’un des deux qui soit à la tête de la ville. Rien n’est officialisé mais bien évidemment, on se parle”, explique le directeur de cabinet du président de région Jean-Philippe Ansaldi.

Restera la question qui est toujours la plus compliquée : l’identité des têtes de pont. En sachant manier les susceptibilités des maires et rassembler au département, Martine Vassal a pris une option claire sur la métropole et certains proches l’imaginent déjà cumuler avec la mairie : “Ça va de pair”. Elle-même ne ferme pas la porte et renvoie la décision à “des sondages”.

Fort d’un réseau national plus développé que Martine Vassal au sein de son parti – son nom circule pour présider la commission nationale d’investiture – Renaud Muselier évalue ses chances : “Pour l’instant, la priorité, c’est sa réélection à la région en 2021. En 2020, si le contexte politique est très favorable, c’est sûr que ça peut jouer en sa faveur. S’il ne l’est pas, pensez bien qu’il n’ira pas au casse pipe pour se présenter aux régionales en ayant perdu la deuxième ville de France un an et demi avant”, explicite un proche.

Et il y a tous ceux qui gardent un œil : Dominique Tian et Yves Moraine, déjà cités, mais aussi Valérie Boyer, rare députée réélue et secrétaire générale adjointe du parti. Mais, entre la règle du non-cumul des mandats, les incertitudes sur les échelons administratifs – département et métropole auront-ils fusionné ? – et le flou sur les modes de scrutin, le brouillard est encore trop épais pour que chacun se dévoile complètement.