L’Accueil de jour veut perdurer pour continuer à aider les sans-abris
L'association marseillaise Accueil de jour, spécialisée dans l'accueil des sans-abris est menacée de fermeture. Les collectivités promettent un maintien de leurs subventions, et de nouveaux locaux pourraient être trouvés. Mais la situation financière reste alarmante.
L'accueil de jour Marceau. (Image Thibaut Barles)
“Pas moyen de prendre une douche et tout le monde s’en fout !”, s’exclame un jeune homme en sortant des locaux vétustes de l’accueil de jour du 5 place Marceau (2e). Pendant un mois, les douches du centre, par lequel passent chaque jour 250 personnes, sont restées en panne. Les plombiers ne trouvaient pas la fuite. “Je ne préfère pas parler de la situation. Nous sommes tous un peu tendus et je risquerais de ne pas être objective“, explique une salariée de l’association. Derrière ces problèmes du quotidien à l’ADJ Marceau se cachent d’importantes difficultés de trésoreries. La structure pourrait bien fermer définitivement ses portes dans les semaines qui viennent.
L’association Accueil de jour (ADJ) permet aux sans-domicile de s’échapper de la rue pour quelques heures. Il fournit une domiciliation administrative à 1000 d’entre eux, certains y prennent leur douche quand d’autres viennent demander de l’aide dans leurs différentes démarches. Mais malgré les efforts des salariés, pleinement investis dans leur travail, la situation de l’association ne cesse de se dégrader.
Cette menace de fermeture est difficile à vivre pour les employés de l’ADJ mais aussi pour les usagers. “Ça rajoute à leur angoisse“, raconte Eva Mizzi, déléguée CGT du personnel. Des liens de confiance se sont tissés entre les employés et les personnes en difficulté. “L’équipe du centre nous aide beaucoup. Si cet endroit venait à fermer, il y aura beaucoup de problèmes dans les rues“, craint un sans-domicile nigérian d’une trentaine d’année.
La pression qui pèse sur l’ADJ n’est pas nouvelle. En 2015 le propriétaire des locaux de la place Marceau fait savoir qu’il ne renouvellera pas le bail de l’association. Après de longues négociations, il accepte finalement qu’elle continue à occuper les lieux. “Nous sommes passés d’un loyer de 20 000 à 48 000 euros annuels“, se souvient Eva Mizzi. Il faut ajouter à ça la suppression des emplois aidés, et une baisse des subventions pour atteindre la situation critique que connaît l’ADJ.
Après avoir constaté une dégradation de leurs conditions de travail l’année dernière, les salariés de l’association ne veulent plus rien céder. Depuis quelques semaines, ils multiplient les actions pour tenter de sauver l’association. Pour alerter sur leur situation, ils ont commencé par se rassembler avec des usagers sous les fenêtres du conseil régional, du conseil départemental et de la préfecture, principaux financeurs de l’association avec la ville, l’agence régionale de santé (ARS) et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
En quête de solutions
Marie-Emmanuelle Assidon, préfète pour l’égalité des chances a reçu les financeurs, les dirigeants de l’accueil de jour et les délégués du personnel le 8 mars pour faire un point sur la situation. “Nous soutenons l’Accueil de jour, explique Didier Mamis, directeur départemental de la cohésion sociale des Bouches-du-Rhône. C’est une association très utile. L’État sera attentif, mais pas le seul à suivre la situation. C’est l’engagement de l’ensemble des collectivités.”
Une des solutions étudiées est la mise à disposition par l’Etat de locaux à loyer peu onéreux. “Nous avons déjà visité des locaux dans la rue Sainte-Cécile (5e) qui pourraient être adaptés à l’association. On y réunirait les bureaux de la rue Consolat, ceux du boulevard de la Libération et l’accueil de la place Marceau.“ se réjouit Jean-Marc Flambeau, président de l’ADJ. Du côté de la ville, on travaille aussi sur le sujet des locaux. “Nous avons à l’idée d’autres lieux pour accueillir l’association. Ils seraient plus proches du centres d’hebergement Forbin (2e) et de la Madrague (15e)“, affirme Xavier Mery adjoint au maire pour l’intégration et la lutte contre l’exclusion qui recevra les responsables de l’association le 29 juin. Plusieurs propositions seront donc faites par les collectivités puis étudiées de manière collégiale pour trouver la plus adaptée.
Pour assurer la pérennité de l’ADJ, les financeurs assurent qu’ils maintiendront leurs subventions au même niveau. Néanmoins, pas question pour l’instant d’envisager une hausse de celles-ci. “Nous maintenons notre subvention, explique Didier Mamis, et nous sommes maintenant dans un engagement pluri-annuel. Nous sommes encore engagés jusqu’à la fin de l’année 2019.” L’État, principal financeur de l’association, signera donc cette année encore un chèque d’environ 1 millions d’euros. Le département s’est aussi engagé à verser les 460 000 euros annuels, suivi par les 62 000 euros de la région qui confirme ne pas réduire sa subvention. La ville, l’ARS et la CPAM maintiendront aussi leurs aides pour l’année 2018.
Mauvaise gestion ou contexte général ?
En 2017 des efforts ont été demandés aux salariés. 10% des effectifs n’ont pas été remplacés. La charge de travail est devenue plus importante. Les membres du site de la rue Consolat (1er), davantage tournés vers l’accompagnement, et l’équipe mobile viennent désormais ponctuellement donner un coup de main à Marceau. Cette baisse d’effectifs se heurte à une hausse importante de la fréquentation : 23% de personnes en plus ont visité ces locaux en 2017.
Lorsque le conseil d’administration tire la sonnette d’alarme au mois de janvier dernier, les salariés tombent de haut. “Nous savions la situation difficile, mais pas à ce point. Il y a un gros manque de réactivité de la part du conseil d’administration. Ils n’ont pas l’air de se sentir concernés“, pointe Eva Mizzi. Le commissaire au compte de l’association ne se montre guère plus rassurant et refuse d’en certifier les comptes, le déficit s’élève à 600 000 euros.
Pour le président de l’ADJ, qui veut relativiser la situation et les accusations de mauvaise gestion, ces difficultés rencontrées touchent l’ensemble du monde associatif. “Le déficit a été creusé par le loyer et la suppression des emplois aidés et une baisse générale des subventions”, plaide Jean-Marc Flambeau.
Faire appel à des fonds privés
Mais même avec le maintien des sommes versés par les collectivités l’avenir de l’ADJ n’est pas garanti. “Lorsque l’association a été créée en 1992 le souhait était de ne pas faire appel à des donateurs privés, se souvient Jean-Marc Flambeau, mais maintenant ça n’est plus exclu de se tourner vers une plus grosse structure comme la fondation Abbé Pierre par exemple“. Un acteur très présent sur ces questions à Marseille, et déjà membre du conseil d’administration de l’ADJ.
Malgré les difficultés les salariés veulent croire que l’association peut s’en sortir. “Nous avons encore de l’espoir et nous nous sentons écoutés, sourit Gilles Aspinas responsable du centre de la place Marceau. Nous croyons vraiment en notre utilité. Si l’ADJ fermait nous perdrions nos emplois, mais des miliers de personnes perdraient un refuge, un lieu où ils sont écoutés et où on travaille pour leur réinsertion.“
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