La communauté musulmane de Malpassé inaugure sa mosquée et célèbre sa “sortie des caves”

Reportage
le 12 Avr 2019
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Après moins de quatre ans de travaux, la mosquée des Cèdres, qui peut accueillir 1000 fidèles, était inaugurée jeudi. Financée entièrement par les dons et présentée comme un lieu d'ouverture et de modération, elle fait déjà figure de modèle pour d'autres projets à Marseille.

La communauté musulmane de Malpassé inaugure sa mosquée et célèbre sa “sortie des caves”
La communauté musulmane de Malpassé inaugure sa mosquée et célèbre sa “sortie des caves”

La communauté musulmane de Malpassé inaugure sa mosquée et célèbre sa “sortie des caves”

“C’est un moment historique, plein de joie.” Omar Messikh rayonne, en ce jeudi après-midi nuageux. Les derniers plateaux de gâteaux viennent se placer sur les nombreuses tables, les fidèles s’activent : on inaugure ce jour la mosquée des Cèdres (13e). Le président de l’association qui a porté l’initiative à bout de bras dit et re-dit la fierté qu’il éprouve en ce jour. Et les dizaines d’habitants du quartier qui ont déjà pris leurs marques dans les différents espaces du lieu ne diront pas le contraire. “On est très très fiers. On a toujours fait la prière dans les caves, les appartements. On va pouvoir faire la prière dans des lieux sains, adaptés, en sécurité”, se félicite Nasser Goualla, secrétaire de l’association, avant de souligner qu’il s’agit là de la première mosquée “qui sort de terre dans les quartiers nord”.

Le projet aboutit après moins de quatre ans de travaux, chiffrés à environ deux millions d’euros, financés entièrement par les dons (Lire notre article de 2016). Sur quatre niveaux, le bâtiment blanc aux formes rectangulaires pourra accueillir jusqu’à 1000 fidèles. On y trouve une salle de prière pour les hommes, une autre pour les femmes, un espace de conférence et un autre dédié aux cours. L’association ambitionne d’en faire un lieu de rencontres à part entière dans le quartier, avec une stratégie façon start-up et, comme mantra répété par tous les représentants de l’association, de coller “aux principes de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité”.

Un projet appuyé par les politiques

Avec une averse arrivent les officiels : Jean-Claude Gaudin est suivi de près par Martine Vassal. Il y a aussi Patrick Padovani, adjoint et président du bailleur HMP, qui gère les logements du quartier, Laure-Agnès Caradec, adjointe à l’urbanisme, Richard Miron adjoint aux sports et candidat malheureux à la mairie de secteur en 2014… “Que Jean-Claude Gaudin soit présent, c’est un honneur. On a le maire d’aujourd’hui, et on a la maire de demain, Martine Vassal”, sourit Omar Messikh.

Omar Messikh, président de l’association qui a porté le projet de mosquée, dévoile la plaque d’inauguration en compagnie du maire Jean-Claude Gaudin. (Image LC)

Construite dans le sillon de la rénovation du quartier, la mosquée est le fruit d’un accord avec la Ville, qui a vendu le terrain à l’association. La présence d’élus en nombre témoigne du travail politique mené par l’association pour parvenir à ficeler son projet en un temps record. On aperçoit aussi bien des élus de la majorité départementale LR que leurs homologues de l’opposition Denis Rossi et Haouaria Hadj-Chikh, la sénatrice PS Samia Ghali ou le conseiller municipal Stéphane Mari, LREM ex PS. Omar Messikh qui a toujours revendiqué “parler à tout le monde” ne manque pas non plus de remercier à la tribune l’aide de l’ancienne députée du secteur Sylvie Andrieux. Sans surprise, la maire de secteur RN Sandrine d’Angio n’a pas fait le déplacement.

À l’heure des discours, Jean-Claude Gaudin, peu coutumier des visites dans les quartiers nord, récolte des applaudissements enthousiastes quand il salue “la foi” du président d’association pour mener à bien le chantier, “dans le respect des lois de la République” ou qu’il décrit la mosquée des Cèdres comme “un véritable symbole de la présence musulmane à Marseille”. La présidente du département lui emboîte le pas, rappelant à l’auditoire satisfait que la laïcité “implique que chacun peut pratiquer sa religion librement,  dans une ligne commune, le bien-vivre ensemble”, avant de lâcher, quelques phrases plus tard : “Nous les extrêmes, on les aime pas”. Rendant les amabilités, Omar Messikh promet que sa mosquée “ne sera jamais un danger pour la République”. Soulignant qu’il n’a “pas mis un sou” dans le projet, Jean-Claude Gaudin lui remet la médaille d’honneur de la Ville, et Martine Vassal celle du conseil départemental.

Troisième à intervenir à la tribune, le consul d’Algérie promet de son côté qu’un imam de la grande mosquée de Paris, financée en partie par l’État algérien, viendra prêcher à la mosquée des Cèdres. Omar Messikh, habitué à mettre en avant l’indépendance de sa démarche et le fait que la mosquée n’appartiendra pas à une communauté plus qu’à une autre, commente simplement : “C’est une promesse, on verra bien”.

“Des lieux de pratiques effectifs, des lieux actifs et éducatifs”

Auto-financée, sans intervention de l’étranger, intégrée à la rénovation urbaine, avec une taille moyenne, la mosquée des Cèdres serait-elle le modèle idéal pour d’autres mosquées marseillaises à venir ? Après le fiasco de la grande mosquée jamais sortie de terre, beaucoup sont tentés de l’affirmer. “C’est à partir de ces petites mosquées que l’on pourra faire la grande mosquée, pas l’inverse”, estime le président de l’association. “On a dépassé l’aspect symbolique d’une grande mosquée, on a bien plus intérêt à avoir des lieux de pratiques effectifs, des lieux actifs et éducatifs”, appuie l’élue départementale Haouaria Hadj-Chikh. Pour le bailleur HMP, Patrick Padovani ne dit pas autre chose en parlant des mosquées de quartier comme “d’outils quasiment indispensables”. Il glisse au passage qu’il espère répondre favorablement à la demande de l’association pour obtenir un nouveau terrain afin d’y développer des activités culturelles.

Une fidèle de la mosquée dans l’espace de prière réservé aux femmes. (Image LC)

“La volonté de Jean-Claude Gaudin, c’est de passer à une nouvelle étape pour les Marseillais de confession musulmane, avec des lieux de cultes, dignes, ordinaires, dans les normes”, explique Salah Bariki, qui chapeaute ces questions au sein du cabinet du maire. S’il n’y a pour lui pas de modèle de mosquée idéal, il explique la démarche de la Ville : “La base c’est la loi de 1905, financement intégralement privé, se conformer aux textes en matière de sécurité et d’urbanisme. À partir de là il n’y a pas de difficultés majeures, on fait un peu d’accompagnement, on met de l’huile dans les rouages, on explique dans les services quand c’est nécessaire”.

Des conditions pas toujours réunies (voir notre série d’été “Ma mosquée va craquer”, de Saint-Mauront au marché aux puces). Mais la Ville veut croire qu’une dynamique est lancée. Première mosquée inaugurée dans les quartiers nord, troisième mosquée inaugurée par Jean-Claude Gaudin, celle des Cèdres pourrait ouvrir la voie à de nombreux autres projets en cours, notamment à la Busserine, à la Solidarité et au Plan d’Aou. “Outil indispensable”“lieu de culture”“symbole”, “modèle”, la mosquée des Cèdres a d’ores et déjà une feuille de route sociale et politique aussi chargée que les assiettes de couscous qui viennent conclure la cérémonie.

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