La Busserine toujours dans la poussière des travaux de la L2 et de la rénovation urbaine
La dernière phase des aménagements de la L2, rocade destinée à relier l'autoroute est à l'autoroute nord, devrait aboutir à un projet de parc urbain à la Busserine. Mais après cinq ans de travaux mêlant rénovation urbaine et chantier pharaonique pour cette autoroute, les habitants sont épuisés de vivre dans un chantier permanent.
Derrière le centre social l’Agora (bâtiment de droite), le creusement d’un bassin de rétention.
L'enjeu
Alors que la dernière phase des aménagements de la L2 commence dans leur quartier, poussières et tremblements continuent d'être le lot quotidien des habitants de la Busserine.
Le contexte
Entre les chantiers liés au projet de renouvellement urbain et celui de la rocade L2, la Busserine est en travaux depuis 2014.
La surface du café tremble dans la tasse de Guillaume Sèze. Les murs autour de lui aussi. Le directeur du centre social l’Agora de la Busserine le remarque à peine. “C’est comme si les travaux avaient duré trop longtemps, commente-t-il, pensif. Tout le monde est fatigué et voudrait qu’ils s’en aillent. Mais il faut terminer, on en a encore pour deux bonnes années douloureuses.”
À l’extérieur, cela se vérifie au premier coup d’œil. Le centre social est encerclé par les chantiers. Derrière lui, la métropole creuse un énorme bassin de rétention – ce qui fait trembler les murs. Le bassin sera ensuite recouvert par une place, prévue dans le projet financé par l’agence nationale de renouvellement urbain (ANRU) du quartier. Cette place reliera le centre social à la gare Picon-Busserine. Sur le côté, une muraille grise, la couverture de la L2 nord, bloque l’horizon jusqu’à 16 mètres de hauteur.
La rénovation du quartier, démarrée en 2014, s’est faite concomitamment au percement de cette rocade prévue depuis les années 1930, et ouverte en octobre 2018. Le mur doit être masqué par un parc, une “plaine des loisirs” s’étalant en pente douce vers les premiers bâtiments de la cité. En attendant, des monticules de terre dessinent des collines où s’égayent des tractopelles. Et au bout de la route semée de nids de poule qui mène à l’Agora, se trouvent de nouvelles tranchées : la métropole construit une place qui remplacera un ancien lieu emblématique du quartier, les commerces du “carré de la Busserine”.
Ping-pong entre services
“On assiste à des sketchs ! s’exclame Guillaume Sèze. Une semaine avant le début du centre aéré, ils avaient creusé un trou pour un gazier au pied d’une de nos sorties de secours. Et ils ne voulaient pas reboucher. Il a fallu passer des coups de fil…” Un suivi des chantiers est assuré par le Marseille rénovation urbaine, qui s’assure que les orientations du projet ANRU sont respectées et que les calendriers des différents chantiers cohérents. Mais les interlocuteurs sont nombreux. Ce qui rend difficile la gestion des nombreux aléas, entre problèmes de poussière, de circulation de camions, de sécurisation des chantiers ou d’encombrants : “On en arrive à du ping-pong entre services pour un demi-camion de déchets”, soupire Guillaume Sèze.
Il s’interrompt pour crier, à la fenêtre, à un collègue de fermer la grille du centre social, pour éviter qu’un ballon ne se retrouve dans le chantier. Les adolescents du centre social adorent y aller, aidés par des cheminements piétons interrompus et des barrières déplacées. “Ils sautent du mur, courent sur les pentes, se lancent des gravats… Pas des vieux, 12 à 14 ans. Mais ce n’est pas stable, il peut y avoir des ferrailles…” Près de la gare, dans des zones délaissées du chantier faciles d’accès, on trouve également des à-pics non sécurisés et des seringues usagées. Le centre social a envoyé un courrier aux parents pour leur conseiller de ne pas laisser traîner leurs enfants après les cours de soutien scolaire le soir.
“On est au cœur du chantier”
En septembre, après des interpellations du groupe de veille de la Busserine, rassemblement informel d’habitants et associatifs, une réunion a eu lieu en préfecture avec la police nationale, la Ville de Marseille et la métropole. Elle a mené au retrait d’encombrants et d’épaves de véhicules. Des membres du groupe ont rencontré des dirigeants de la SRL2 (société de la rocade L2) début octobre par l’intermédiaire de la sénatrice Samia Ghali, et, depuis septembre, espèrent voir le nouveau directeur général de la société.
Pas sûr, cependant, que la SRL2 soit le meilleur interlocuteur à court terme. Les aménagements de surface qu’elle doit encore livrer sont en train d’être réceptionnés, section par section, par l’État et la métropole qui en assurera la gestion (lire notre article sur les difficultés de livraison). Sur le secteur entre le centre commercial du Merlan et le rond-point de Sainte-Marthe, dont fait partie la Busserine, elle n’intervient actuellement plus – tout en restant responsable de la maintenance et de l’entretien de la L2 jusqu’en 2043. Actuellement, c’est la métropole qui intervient sur le chantier, pour finaliser la déviation d’un tuyau d’adduction d’eau (lire notre article sur le gros tuyau qui ralentit tout un chantier).
Côté sécurité, la métropole indique assurer avec du personnel le maintien du cloisonnement des chantiers et le guidage des piétons. “Il y a des gens qui passent, mais cela reste trop épisodique, répond Guillaume Sèze. Ça devrait être une préoccupation constante, on est au cœur de leur zone de chantier et eux sont au cœur de notre voie de passage.”
Bâtiment J en première ligne
Au sein de la cité, le café tremble aussi dans les tasses. Cette fois en raison des travaux d’aménagement des bailleurs dans le cadre du projet ANRU. Les membres des associations de locataires prennent des accents d’anciens combattants en se rappelant l’époque, en 2016, où ces chantiers se couplaient au creusement de la L2. La situation est aujourd’hui plus vivable dans une grande partie de la cité. Des ralentisseurs ont été posés, les accès des camions ont été revus, et surtout, le rythme des chantiers a ralenti. Faisant face à la L2, le bâtiment J reste cependant en première ligne.
Plusieurs habitants décrivent des nuages de poussière comme “de la brume” ou “du smog” dès qu’il y a du mistral. Tounsia Tachouare, locataire dans le bâtiment J, s’interroge sur leur impact :“J’ai des problèmes de respiration, des symptômes comme un fumeur, alors que je ne fume pas. Au début, je n’y faisais pas attention… J’ai des crises d’asthme, l’impression d’avoir de la poussière dans la bouche constamment.” Loin d’être la seule à évoquer le problème, elle consulte un pneumologue à ce sujet. Au rez-de-chaussée du J2, la jeune Cheima signale des problèmes de “souris” et d’électricité coupée. Le bailleur Logirem confirme que depuis plusieurs années, les locataires du J ont dû faire face à des rats fuyant les sous-sols remués par les travaux, et à des coupures d’électricité et d’Internet fréquentes.
Après des années de nuisances, enfin un parc ?
Il faudra là encore prendre son mal en patience. Quatre bâtiments, du J5 au J8, doivent être déconstruits à partir de 2020. Les relogements des locataires sont en cours. Car c’est là que débouchera “la plaine des loisirs”, le parc qui doit permettre de désenclaver ces quartiers coupés par la L2 et de justifier pour les habitants les années de travaux engagés. Le chantier se concrétise enfin, après quelques aléas, comme ceux liés à la construction du talus sur lequel doit être installé le parc. “L’aménagement, dans le cahier des charges, donnait lieu a interprétation, décrit Monique Cordier, élue aux espaces verts à la Ville de Marseille. À la SRL2, ils étaient partis sur un talus pentu. On avait un souci pour les issues de secours.”
La Ville, future gestionnaire du parc et maître d’ouvrage du chantier, a finalement négocié un arrangement : “On a convenu avec eux qu’ils nous mettent la terre, et nous on l’aménage. Ils vont nous laisser le chantier propre, toutes les canalisations, tout ça, sera bien fait, la quantité de terre sera là, ça me permet moi de partir rapidement pour faire les travaux.” L’État, d’accord sur le principe, doit encore faire valider.
Pas de pénalités en vue pour la SRL2, l’accord est à l’amiable. Et permet surtout d’éviter de voir un contentieux geler indéfiniment le projet de parc. Autre point plutôt rassurant, la Ville indique assurer la maîtrise d’ouvrage unique sur l’emprise du chantier pour simplifier la gestion, même si certains travaux relèvent de la compétence de la métropole, qui les remboursera. Elle garantit également, selon son élue, le financement de 7,6 millions d’euros alloué à la réalisation du parc, pour lequel des participations de l’ANRU et des subventions sont attendues. Une délibération dans ce sens doit être votée au prochain conseil municipal, le 25 novembre.
On ne peut pas se louper. La L2 c’est une source de pollution. Tout ce qu’on peut faire pour compenser, il faut le faire. C’est pas juste pour faire joli, c’est vital. Ça compensera toutes ces années de souffrance.
Monique Cordier
Le chantier en lui-même devrait démarrer en 2020 pour terminer un an plus tard. “On ne peut pas se louper, conclut Monique Cordier. La L2 c’est une source de pollution. Tout ce qu’on peut faire pour compenser, il faut le faire. C’est pas juste pour faire joli, c’est vital. Ça compensera toutes ces années de souffrance.”
Parmi les habitants, les avis sont contrastés. Certains croient au projet, d’autres sont sceptiques ou craignent de voir le parc dégradé ou investi par des dealers. “Peut-être qu’à la fin, ça aura de la gueule, mais on doute toujours, résume Jean-Michel Peyroutet, habitant du quartier et membre du groupe de veille. Il y a le projet, et puis il y a ce qu’on a…”
“Est-ce qu’ils se rendent compte qu’il y a des gens à l’intérieur ?”
Mère de quatre enfants, Fadella Ouidef fait partie de ceux qui attendent beaucoup de cette “plaine des loisirs”. De son balcon, dans une tour de la Benausse, on voit la Bonne-Mère sur la gauche, la mer en face derrière les tours et, en vue plongeante, le tronçon de la L2 sur lequel s’étendra la plaine. Les deux tours proches du centre commercial du Merlan étaient aussi aux premières loges des nuisances des chantiers. Pendant les mois de percement de la L2, “quand ça vibrait encore ici”, Fadella a proposé à un responsable, lors d’une réunion de quartier, de venir essayer de dormir chez elle pendant les travaux nocturnes. Il n’est pas venu. Aujourd’hui, “ça va, ça fait du bruit, ils commencent tôt. Mais rien de pire que d’habitude. Le dimanche quand il n’y a pas de travaux, j’ai l’impression d’être à la campagne.”
Si elle a suivi la concertation des aménagements de la plaine des loisirs, elle ne va en revanche plus aux réunions de suivi des chantiers. “Franchement, je n’y crois plus, explique-t-elle, sans colère. On n’est pas écoutés, respectés. Si on parle trop fort, on est des sauvages. Si on parle doucement et qu’on suit le protocole, on est baladés. Vous avez vu la route de l’Agora ? Ça fait deux ans qu’on envoie des mails !” Elle désigne le bâtiment J, celui qui doit être déconstruit. “Ils vont détruire, mais il y a des gens, à droite et à gauche. C’est ça qui me surprend, avec ces travaux. Est-ce qu’ils se rendent compte qu’il y a des gens à l’intérieur ? Si ça avait été un autre quartier, est-ce qu’ils auraient fait comme ça ?”
Un parc en pente douce
Le cabinet Naom architecte, en charge du projet de la “plaine des loisirs”, a présenté en septembre et octobre derniers lors de réunions de concertations des plans (dont celui ci-dessus) sur lesquels les participants, issus d’associations, étaient invités à réagir. En pente pour compenser 16 mètres de dénivelé, le parc doit ménager des accès pompiers vers deux sorties de secours de la L2. Les cheminements doivent en outre suivre une pente douce pour respecter les normes d’accessibilité, d’où une forme d’ellipse pour le chemin qui reliera le parvis du boulevard Mattéi au haut de la L2.
Au centre de l’ellipse, est imaginée une zone de jeux pour enfants avec des gradins (zone 2, en bleu), que complètent une zone d’activité physique (zone 1) et une zone de parc (zone 3). La végétation, dans cette dernière, servira aussi à masquer deux à trois mètres de mur non couverts par le talus. Des débats ont également eu lieu sur les questions de nuisances et sur la question de l’emploi sur ce chantier, selon le compte-rendu établi par le schéma de concertation. Les conclusions doivent être présentées lors d’une réunion publique en décembre.
D’un coût total de 7,6 millions d’euros selon Monique Cordier, ce chantier sera sous maîtrise d’ouvrage unique de la ville, pour une livraison en 2021.
Commentaires
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…”Si ça avait été un autre quartier, est-ce qu’ils auraient fait comme ça ? »
Chère Fadella,
Juste vous dire ma compassion et ma solidarité : nous avons subi durant près de 4 ans la construction du bassin de rétention de Ganay dans le 9ème (je ne reviendrai pas sur le combat), au cœur des habitations de 6h à 22h voire bcp plus tard. Et le dimanche, en heures sup certains travaillaient au fond du bassin (un trou qu’ils ont creusé sur plus de 30m sur la surface d’un terrain de foot) envers et contre tout (malgré des solutions proposées) Même mépris, même foutage de gueule, même cynisme, même symptômes…. Tout pareil quoi ! Mairie, Metropole, Vinci, Seramm et autres potes, n’en n’ont eu rien à f… des habitants durant toutes ces années. Les enjeux sont ailleurs et ce n’est pas une bande de récalcitrants qui va venir enrayer un système (mafieux) qui fonctionne bien au nom du sacro-saint “bien public”
Marseille est un chantier permanent et plus ca avance moins ca fonctionne…
Pour ceux qui vivent sur le tracé du B.U.S entre Florian et Ste Marguerite, c’est gratiné aussi.
Mais ca ne change rien pour vous que d’écrire ca !
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Utilisant la L2 régulièrement , il est vrai que l’on peut se demander quand ce chantier va finir dans cette partie de la ville. Comme évoqué plus haut ,effectivement nous sommes dans les quartiers Nord donc aux yeux de la mairie, de la métropole, de Vinci et consorts, c’est la pampa pour être gentil.
La notion de qualité de vie dans ce secteur est répertoriée comme étant inutile aux yeux du gland de la mairie et de sa fille morale à la métropole.Et puis,de toute façon ici cela ne vote pas ou mal , alors…
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