Shiva se régale

Frédéric Vigouroux ou les 36 casquettes de l’élu local

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le 9 Jan 2016
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Trois mandats et une quarantaine de fonctions. C'est la surprenante liste qu'a fait parvenir Frédéric Vigouroux à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Dans son bureau, le maire de Miramas présente son agenda et sa vision du rôle d'élu.

Le maire de Miramas Frédéric Vigouroux. Photo JV.
Le maire de Miramas Frédéric Vigouroux. Photo JV.

Le maire de Miramas Frédéric Vigouroux. Photo JV.

Devant l’hôtel de ville de Miramas, la municipalité a installé un chalet de l’Avent aux décors enneigés. Ses 24 cases ne suffiraient pas à contenir l’intégralité des fonctions du maire Frédéric Vigouroux (PS). Par le biais de ses divers mandats – il est aussi vice-président d’Ouest Provence et conseiller départemental – il occupe des responsabilités dans une quarantaine de structures : 1er vice-président du syndicat mixte d’exploitation Euro-Alpilles (chargé de la zone logistique Clésud), vice-président du syndicat mixte d’énergie des Bouches-du-Rhône, administrateur du centre hospitalier régional de Salon-de-Provence, de l’Agence nationale de rénovation urbaine et même du golf du mas de Combe…

C’est ce que l’on découvre, sur trois pages, en lisant la déclaration d’intérêts qu’il a fait parvenir à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Comme auparavant pour les parlementaires et présidents de région, elle a publié fin décembre les informations fournies par les maires des communes de plus de 20 000 habitants.

Dans les Bouches-du-Rhône, seul Frédéric Vigouroux a poussé la transparence à ce niveau, les autres se contentant de lister leurs mandats et non les responsabilités qui y sont associées. “Ah bon ?”, s’étonne-t-il. Son cas est pourtant loin d’être isolé même si cette liste est rare par son caractère officiel et exhaustif. Il y a quelques années, le “simple” vice-président du conseil général Jean-François Noyes (PS) avait présenté à Marsactu la longue énumération de ses responsabilités.

Contacté pour un entretien, la première réaction de Frédéric Vigouroux est de s’inquiéter d’“un truc sur le cumul”, propre à nourrir les préjugés et le ressentiment contre les élus. “Il faut que les citoyens et vos lecteurs, dont certains sont des commentateurs acides de la vie politique, sachent que nous sommes au turbin. J’ai arrêté de travailler à cause de la charge que cela représente [il était directeur de la communication à l’agglopole de Salon jusqu’en 2013, ndlr]. 7 jours sur 7, 365 jours par an, de 7 heures à 23 heures, c’est ça le boulot de maire !”

De représentation ou d’office

“Toutes ces fonctions sont bénévoles”, précise-t-il d’emblée. Ce sont en effet les mandats qui donnent lieu à une indemnité (tout de même 3 400 euros par mois en tant que maire, 1210 euros en tant que vice-président du SAN, 2930 euros au conseil départemental). Surtout, beaucoup d’entre elles “sont de l’ordre de la représentation ou bien d’office”. C’est le cas du comité communal d’action sociale (CCAS), dont le maire est le président de droit. “Mais c’est mon adjointe déléguée au CCAS qui s’en occupe réellement. C’est le code je n’y peux rien.” Le “code”, c’est celui des collectivités territoriales, dont un exemplaire ne quitte jamais son bureau.

Il se félicite d’ailleurs d’avoir pu garder un pied à l’hôpital de Salon-de-Provence malgré son passage de la majorité départementale de Jean-Noël Guérini à l’opposition à celle de Martine Vassal (Les Républicains). Patiemment, il raye devant nous toutes les fonctions perdues avec ce changement de statut sur la liste fournie à la HATVP. “Des institutions les plus importantes, la seule que j’ai eu la chance d’animer c’est le CAUE [Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement, ndlr]. L’architecture et l’urbanisme c’est une passion. Je suis heureux que la nouvelle présidente, Laure-Agnès Caradec, ait accepté que je reste au conseil d’administration.”

Au SAN Ouest Provence, comme chaque maire, il est également vice-président et reçoit une délégation. “Pour moi, c’est le développement économique, ce qui m’a amené à lancer et animer les Ateliers du territoire avec le sous-préfet d’Istres Simon Babre.” Quant à la représentation, il s’agit par exemple de celle du conseil départemental dans des établissements scolaires ou de santé. “En réalité, cela signifie une ou deux réunions par an. Ce n’est pas moi qui gère le personnel de l’hôpital, il y a un directeur pour cela. Je n’ai pas non plus voix au chapitre sur la partie pédagogique du lycée ou du collège. Mais quand il s’agit de voter des crédits ou de parler de reconstruction, notre présence est importante.”

Lequel de ses trois mandats est le plus prenant ? Sans hésitation, “celui de maire”.

Vous traitez de l’humain en permanence alors qu’au conseil départemental vous êtes davantage dans l’immatériel, les schémas. En tant que maire, vous êtes à la fois assistant social, développeur économique, vous devez être en relation avec la préfecture, le monde économique et social, penser à conserver des médecins sur votre commune, à la réhabilitation des logements… Mais c’est ce qui fait l’intérêt de la chose.

Il illustre son propos avec son agenda du jour : le matin, rencontre d’administrés sur des questions de sécurité et de logement, l’après-midi réunion sur la masse salariale de la mairie puis un dossier d’aménagement, le soir réunion avec les adjoints sur les orientations budgétaires. “On finira vers 10 h 30 du soir”, sourit-il. “On n’est pas tout seul, tient-il à préciser. J’ai des élus au conseil municipal, des adjoints qui travaillent les dossiers. Il y a aussi des fonctionnaires territoriaux souvent décriés mais sans qui je ne serais rien. Mon rôle c’est la mise en cohérence de tout cela au profit d’un projet politique.” Frédéric Vigouroux a accepté de nous fournir une semaine de son agenda de novembre, reproduit ci-dessous par nos soins après quelques anonymisations :

“Les remerciements sont rares”

Sur son bureau, outre le code Dalloz, s’étalent des épaisses planches du futur aménagement des abords de la gare, des exemplaires de La Provence. “Vous avez de la chance je n’ai pas deux tonnes de parapheurs”, glisse-t-il. Dans un coin les projets réalisés dans les écoles s’empilent, sur le radiateur trône la future salle d’athlétisme (18 millions d’euros) mais ce sont les prix et récompenses qui occupent le plus les murs : Agir pour l’énergie, Commune sans pesticide, le trophée en forme de libellule de la capitale régionale de la biodiversité… Ce qui signifie souvent des financements. “Miramas, c’est l’une des villes les plus pauvres de PACA, 43 % de logements sociaux. Je n’ai pas d’argent alors je suis obligé d’aller le chercher ailleurs”, justifie-t-il. Mais il admet que “ce n’est pas tous les jours qu’on a du plaisir, rares sont les gens qui vous remercient”. Alors il savoure sa Marianne d’or du développement durable, qui vient d’arriver et qu’il déballe sous nos yeux.

Si le job est ingrat à l’en croire, il est pourtant difficile d’en décrocher. “J’ai 53 ans, j’ai des petits-enfants, j’avais un métier auparavant, je n’attendais pas tout de la politique. Je sais que c’est très prenant, très stressant, j’ai beaucoup vieilli physiquement”, souffle-t-il. Mais il se dit incapable de savoir s’il voudra briguer d’autres mandats. “Ce qui comptera, c’est l’envie.”

Dans l'ordre : Frédéric Vigouroux déballe sa Marianne d'or ; Les récompenses de la commune ; La future salle d'athlétisme ; Sur le bureau, des dessins d'urbanisme, un dossier sur la sécurité...

Dans l’ordre : Frédéric Vigouroux déballe sa Marianne d’or ; Les récompenses de la commune ; La future salle d’athlétisme ; Sur le bureau, des dessins d’urbanisme, un dossier sur la sécurité…

En meeting au dock des Suds lors de la campagne des régionales, Michel Vauzelle racontait une anecdote qui illustrait sa satisfaction d’être président du conseil régional et non pas maire. “J’étais un soir sur la place de la mairie d’Arles quand une dame m’a interpellé, ventouse à la main : « Monsieur Vauzelle pouvez-vous m’aider à déboucher mon évier ? ». C’est là que j’ai compris que je n’avais pas l’étoffe pour être maire et qu’en tant que président de région on ne me demanderait jamais de déboucher un évier”.

Atout cumul

“Les deux sont nobles”, réagit Frédéric Vigouroux. “En tout cas dans la période actuelle on a intérêt à remettre l’humain au cœur de l’action politique. Il ne faut surtout pas une dichotomie entre la classe politique « en chambre » et les culs terreux dans la glaise.”

« Pour être efficace il faut avoir un pied partout »

Si prenant, le mandat de maire ne se suffirait-il pas à lui-même ? “La vie n’est pas simple et tous les dossiers sont liés. Le développement économique c’est aussi des questions d’habitat, de services publics, de routes. Nous ne sommes pas des hyper-techniciens, en tout cas je m’y refuse. (…) Pour être efficace, il faut avoir un pied partout, cela permet d’avoir un réseau dans les services de l’État. C’est la vie qui est comme ça, ce n’est pas l’élu qui demande à se goinfrer.”

Il illustre son propos avec la gare de triage de Miramas, menacée de fermeture en 2009 et finalement conservée après une âpre campagne. “Avec les syndicats, on ne l’a pas sauvée simplement parce que je suis maire. C’est aussi parce que je suis conseiller général et que je connais bien Michel Vauzelle (dont il est le suppléant à l’Assemblée, ndlr).” Plus loin dans notre entretien, il explique que “d’être à l’ANRU peut sembler éloigné du ferroviaire. Mais cela permet d’avoir des relations avec les services centraux de l’État, les autres villes ferroviaires, la préfecture, la ville de Marseille…”

En sociologie, l’analyse de ces jeux d’acteurs politiques est ancienne. Des chercheurs ont notamment théorisé la “régulation croisée” entre les différents échelons d’élus et de représentants de l’État. C’était avant la décentralisation, mais ces quelques lignes d’un article de La revue française de sociologie de 1975 paraissent toujours d’actualité :

L’élu qui cumule sur sa tête toutes les fonctions et négocie à ce titre avec ministres, directeurs départementaux et représentants locaux est dans une situation considérablement meilleure que ses partenaires qui ne peuvent communiquer entre eux qu’à travers des pressions indirectes sur leurs intermédiaires obligés.

S’il se dit favorable à la limitation des mandats dans le temps – deux ou trois – Frédéric Vigouroux craint donc les conséquences de la fin des députés-maires et autres cumuls de fonctions exécutives. “Je sais bien que le sens de l’histoire voudrait que l’on découpe des morceaux. Mais si nous avions des gens très séparés sans responsabilités de terrain, on n’arriverait pas à régler nos problèmes car on ne se comprendrait pas.”

Un discours sur les “députés hors-sol” qui se retrouve fréquemment dans la bouche des inamovibles cumulards de la génération d’élus qui le précède, Jean-Claude Gaudin en tête. Rien n’empêche, comme d’ailleurs quelques parlementaires du département, de garder un mandat “de terrain”, conseiller municipal ou départemental. Et face au supposé isolement de Paris, nombreux sont les députés qui jouent la carte de la “proximité”, de permanence parlementaire en lotos associatifs.

Paradoxalement, la métropole pourrait contribuer à la “transversalité” que Frédéric Vigouroux appelle de ses vœux. On l’a vu, un maire de Miramas est aussi forcément vice-président d’Ouest Provence, la structure intercommunale à laquelle sa commune appartient. C’est vrai dans la plupart des autres intercommunalités. Demain, Frédéric Vigouroux sera automatiquement présent au niveau métropolitain. De la commune de 25 000 habitants au 1,8 million d’habitants de la métropole, en passant par un échelon intermédiaire dans un même mandat : c’est à vous dégoûter d’aller en chercher un autre… Ou pas. En tout cas, le territoire couvert par ses mandats sera sans commune mesure :


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Il va donc falloir suivre et se mettre à jour. “C’est la grande question de la métropole, qui ne doit pas être une chambre d’enregistrement politicienne, à l’image des mercredis après-midi à l’Assemblée nationale. Ça n’a aucun intérêt. Aujourd’hui je travaille à comprendre les dossiers stratégiques marseillais et aixois, que je ne connais pas. Nos vies sont maintenant liées.” Baigné par les questions du ferroviaire et de la logistique, il dit d’ailleurs avoir prévenu Jean-Claude Gaudin : il compte bien s’inviter sur “ses” dossiers marseillais, comme le terminal combiné de Mourepiane. Pas sûr que l’inverse se produise.

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Commentaires

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  1. Trésorier Trésorier

    M. Vigouroux a eu une attitude anti métropole respectable. Par contre, je n’ai pas trop apprécié son incursion politique au si du parti guériniste. Enfin, il a té élu conseiller départemental et ‘a aucune casserole judiciaire. Donc, une personne a écouter. Bravo pour le maintien de la Trésorerie de Miramas.

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  2. marseillais marseillais

    M Vigouroux est resté fidèle à Guérini lorsqu’il était Président du Conseil Général, sans broncher, ce qui limite son capital sympathie. Un silence complice et une absence de courage à se démarquer d’un voyou qui a eu le don de profondément m’agacer

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  3. Brigou Brigou

    Parfait exemple de l’apparatchik passé des jeunes socialistes (MJS) à mandats électifs en passant par des emplois totalement liés à son appartena

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  4. Brigou Brigou

    Je disais donc : Parfait exemple de l’apparatchik passé des jeunes socialistes (MJS) à mandats électifs en passant rapidement par des emplois totalement liés à son appartenance politique. On trouve ça dans tous les partis : aucune connaissance pratique du monde du travail.

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