Forum Mondial de l'Eau, un budget transparent comme la calanque de Cortiou

« Bonjour, je suis journaliste à Marseille et j’aimerais vous poser quelques questions concernant votre budget, et plus particulièrement l’utilisation de vos fonds publics« . Pas de souci on vous rappellera. Traduction polie de fume c’est du belge.  Alors que vendredi matin, La Provence proposait à ses lecteurs un magnifique supplément quadri consacré au futur forum mondial de l’eau, nous essayons de notre côté depuis plusieurs jours d’obtenir quelques informations sur le coût réel de cette manifestation et les retombées économiques pour la ville de Marseille qui pourraient en découler. En gros, le business model de l’opération, qu’on nous présente, avec Marseille Provence 2013 comme une des futurs grandes réussites de la municipalité Gaudin, saison 3.

Un évenement qui, on le rappelle, est très largement – au moins pour moitié – financé par l’argent des contribuables français et marseillais, autour de 14,5 millons d’euros. L’impression de faire tout simplement notre job, en essayant d’informer les internautes sur l’utilisation qui est faite de leurs impôts, un peu comme dans une démocratie normale. Ni plus ni moins. Rien de bien méchant donc.

Silence radio

Et bien si. Ici, à Marseille, les choses ne semblent pas exactement se passer comme ça. Malgré plusieurs relances du service de presse du Forum, nous n’avons jamais rien eu. On nous a poliment renvoyé sur le site internet sur lequel nous n’avons trouvé aucune information précise concernant les financements. On a donc dû faire avec ce qu’on a, et s’appuyer sur les récentes déclarations publiques, lors du dernier conseil municipal de la ville de Marseille, lundi dernier entre Michèle Poncet-Ramade, élue d’Europe Ecologie et Martine Vassal, adjointe de Gaudin et membre du board du forum. On essaie donc de décrypter.

Au départ le budget global pour organiser cette manifestation à Marseille qui se tiendra du 12 au 17 mars prochain, était de 38 millions d’euros. Ce qui au passage est déjà une jolie somme pour une manifestation de 5 jours surtout consacrée à des débats et autres tables rondes autour de l’eau, comme le montre le pré-programme ci-joint, tiré du site internet.

Ces bien onéreuses tables rondes sont financées par moitié par de l’argent privé, en gros les multinationales de l’eau comme Suez et Veolia. On rappelera d’ailleurs que Loïc Fauchon est à la fois président du Conseil Mondial de l’Eau, qui organise le forum, et patron de la Société des Eaux de Marseille, une filiale de Veolia dont le méga contrat qui la relie à la ville est justement en plein appel d’offre l’an prochain. Ca tombe plutôt bien, même si ça commence à faire un peu tousser ses concurrents. C’est la french touch.

Le reste du budget est lui financé par de l’argent public via l’Etat et les collectivités locales. Un budget prévisionnel qui devait être de 38 millions d’euros, avec 19 pour le privé et 19 pour le public, dont 9 millions pour l’Etat, 4 pour la ville de Marseille, et environ 2 millions pour le conseil général, le conseil régional et MPM. Mais depuis la crise est passée par là, et les multinationales, notamment Veolia dont le cours de bourse dégringole, ont décidé de réduire la voilure en commençant par taper, comme souvent, dans les dépenses de com et de relations publiques, comme la future petite sauterie marseillaise.

Une rallonge car une diminution…

Du coup, le budget du Forum est passé de 38 à 29 millions d’euros. Ce qui par voie de conséquence aurait dû également entrainer une baisse du même ordre du public, soit donc 14,5 millions d’euros. Et bien rien de tout cela, bien au contraire, Martine Vassal a demandé lors du dernier conseil municipal non seulement aucune baisse de la participation financière de la ville, qui vu le contexte aurait largement pu se comprendre, mais au contraire de passer de 4 à 5 millions, soit 1 million d’euros de plus à aller chercher dans les caisses de la si riche commune de Marseille. Quand on aime on ne compte pas.

Le PS n’a pas moufté, seuls le Modem, le PC et EELV ont trouvé le verre d’eau un peu difficile à boire. Mais imperturbable, Martine Vassal a expliqué que si la mairie devait remettre au pot, c’est que les autres collectivités et la chambre de commerce et d’industrie (CCIMP) n’avaient pas versé les sommes prévues, et avaient radiné au dernier moment. Notamment ces alter mondialistes présidents du conseil général et régional qui sont allés amputer une partie du budget prévu pour donner un peu d’argent au forum « off », monté entre autres par France Liberté, l’association de feu Danielle Mitterrrand et qui lutte depuis des années pour que l’eau reste un bien public et que sa gestion ne soit pas ne pas confiée au privé.

MV reproche également à la CCIMP d’avoir promis 1 million et de n’en avoir donné que 200 000, ce qu’on conteste vivement du côté du palais de la bourse. « On s’est toujours engagé sur 200 000 €, pas sur 1 million, et on s’est juste engagé à mobiliser notre réseau pour que les entreprises régionales s’investissent également, c’est tout » nous a indiqué hier un proche du Président de la CCI.

Retombées ?

Sans aucune autre justification, le conseil municipal a donc largement voté cette petite rallonge budgétaire. Le principal argument étant l’impact économique que ce congrès aura sur Marseille. Pourquoi pas ? Mais encore faudrait-il la encore pouvoir le mesurer, en toute transparence. Et déjà connaitre le nombre exact de futurs visiteurs qui selon les déclarations des uns et des autres varient de 20 000 à 35 000… Et ce n’est pas les récents chiffres annoncés par Dominique Vlasto, députée européenne et adjointe au tourisme de Gaudin sur la saison touristique 2011 et salués par des grands Ah et Oh d’émerveillements par la presse locale qui vont nous éclairer.

Des chiffres extraits du dernier dossier de presse édité par l’office du tourisme de la ville, et présidé par Dominique Vlasto, où on nous raconte notamment que le tourisme représenterait 18 100 emplois à Marseille cette année soit un gain de plus de 6000 emplois en 1 an . Ben voyons. Si l’on compare aux chiffres de progression des années précédentes, le gain est plutôt de quelques centaines de jobs, ce qui n’est déjà pas si mal, plutôt que de plusieurs milliers… Même chose pour les croisières où là-aussi le chiffre des retombées économiques sur la ville est plus que douteux. Si le chiffre de 820 000 croisiéristes est en nette progression (+17%) par rapport à 2010, ce qui est validé par ceux du Port de Marseille, on nous explique, toujours dans le même dossier de presse que « cela représente 110 millions d’euros de retombées économiques en sachant qu’un croisiériste rapporte en moyenne 140 euros à l’économie locale« .

Pourtant, en se rapportant à une étude de 2009, toujours édité par l’office, on comprend que que ce ne sont que 29% des passagers qui dépenseraient plus de 140 euros, principalement en hotel et restaurant, ceux qui viennent en général la veille de leur embarquement. Pour les 70% restant les dépenses sont bien inférieures, par exemples en parking (29€ en moyenne). Le chiffre annoncé de 110 millions d’euros de retombées économiques en 2011 parait donc largement optimiste.

En cette période de crise et d’augmentation forte du chômage, il est dommage de constater une fois de plus le manque de transparence dans l’utilisation des fonds publics, pour développer un secteur qu’on nous présente comme prioritaire pour l’avenir de Marseille. Que le public investisse au côté du privé pour développer une économie, c’est sans doute très bien. Il faudrait juste pouvoir mesurer avec plus de précisons la réalité de ces retombées en terme d’emplois notamment. Et comme c’est la période de Noël, on peut toujours y croire.

L’intervention de Martine Vassal :