La fermeture du lotissement Coin-Joli de nouveau examinée par la justice

Actualité
le 17 Fév 2017
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Peut-on fermer un lotissement quand de nombreux habitants des alentours le traversent pour accéder à une école ou un collège ? C'est la question à laquelle va devoir répondre le tribunal administratif qui examinait jeudi le cas du lotissement Coin-Joli.

La fermeture du lotissement Coin-Joli de nouveau examinée par la justice
La fermeture du lotissement Coin-Joli de nouveau examinée par la justice

La fermeture du lotissement Coin-Joli de nouveau examinée par la justice

La justice est moins rapide que les grilles que l’on monte. Jeudi, l’affaire de la fermeture du lotissement Coin-Joli était de retour devant le tribunal administratif, trois ans après la dernière audience qui avait vu le rejet de la requête en référé des riverains opposés à la fermeture. Cette fois-ci, la requête était audiencée sur le fond, avec pour motif l’excès de pouvoir.

Dans cette affaire s’opposent l’association syndicale autorisée, qui a décidé à partir de 2013 de fermer les derniers des onze accès de la résidence, et d’autres habitants des alentours, notamment des parents d’élèves. Ils dénoncent les difficultés ainsi causées pour l’accès aux écoles et au collège situés en bordure de la résidence [lire notre reportage]. Car avant la fermeture, les enfants des résidences voisines pouvaient traverser dans la largeur le lotissement, s’évitant un long détour, sur les étroits trottoirs qui bordent les très passants boulevards Léon et Ganay.

Un conflit de voisinage symptomatique de ces quartiers entiers qui se cloisonnent et engendrent des complexités urbanistiques dans lesquelles l’intervention de la municipalité se fait rare. “C’est le premier cas à ma connaissance où un tel conflit va aussi loin, estime Julien Dario, présent à l’audience et qui rédige actuellement une thèse sur les résidences fermées. Plein de gens ont les mêmes problèmes, mais ne vont pas en justice. Il n’y a pas vraiment de jurisprudence spécifique. La spécificité du cas de Coin-Joli tient certainement au fait qu’il y a une gène réelle pour les habitants alentour et en face d’eux un syndicat très proactif”.

Il y a 89 ans, le lotissement voulait rester ouvert

La procédure s’étant déroulée à l’écrit, c’est dans les mémoires produits par les deux avocats que les arguments de chaque partie sont déroulées. Pour les requérants, l’avocat Benoît Candon estime ainsi que l’association n’a pas dans ses attributions le pouvoir de fermer les accès. En se référant au cahier des charges fondateur de l’association, il estime que l’ouverture des voies au public est un des aspects fondamentaux du lotissement.

Le cahier des charges du lotissement Coin-Joli prévoit expressément que la circulation sera « perpétuellement » ouverte au public et que la propriété privée de ces voies n’est que provisoire, celles-ci devant revenir à la ville de Marseille sur simple demande de sa part.

Consultable ici, ce cahier des charges de 1928 estime qu’est toutefois envisageable une fermeture à la circulation des “voitures non-suspendues”, des “voitures de forains roulottiers” ou des “camions automobiles non munis de pneumatiques”. Des précisions qui fleurent bon le début du siècle dernier, mais n’évoquent jamais la fermeture aux piétons.

Sont ainsi attaquées par Benoît Candon et ses clients quatre délibérations du l’association syndicale adoptées entre 2011 et 2013 et qui entérinent le principe d’une fermeture totale, le choix des moyens techniques, de l’entreprise ainsi que la délégation attribuée au conseil syndical pour négocier avec la Ville.

“Il y a encore des gens qui sont contre la fermeture ?”

“Nous ne comprenons pas bien cette procédure, nous avons toutes les autorisations”, commentait simplement la présidente de l’association syndicale, Mme Martinaud avant l’audience, renvoyant vers son avocate. À ce jour, il ne reste d’ouvertes que les voies piétonnes ceinturant l’école. Aux yeux des pro-fermeture, la discorde semble aujourd’hui n’être qu’un lointain souvenir. “Il y a encore des gens qui sont contre ?”, interroge ainsi une habitante de Coin-Joli jointe également par téléphone.

Et c’est en effet sur l’angle de la légitimité des requérants qu’attaque Angèle-Josée Bresciani-Paoli pour l’association des copropriétaires. “Les parties adverses ne sont en aucune façon des membres de l’ASA du Coin-Joli, ni des colotis, mais uniquement des tiers extérieurs (…) ils n’ont pas qualité pour s’opposer à clôture ou travaux concernant cette propriété privé”, pose d’emblée l’avocate là où Benoît Candon estime leur intérêt à agir “évident compte tenu de leurs domiciles et du préjudice causé par les fermetures litigieuses (obligation de faire des détours au quotidien, notamment pour se rendre à l’école ou chez le médecin)”. Mais pour Angèle-Josée Bresciani-Paoli, c’est le “droit légitime à se clôturer” qui doit primer.

Le lotissement Coin-Joli n’a pas mission à servir de chemin de passage aux populations des copropriétés proches, qui elles, savent se clore et l’ont fait. Les tiers agissants émanent essentiellement des copropriétés de La Cravache, du Parc Sevigné, du Clos Michelet, du lotissement privé Barry.

Et l’avocate des copropriétaires de renvoyer les requérants vers la municipalité pour les questions de trottoir trop étroits et d’accès à l’école inadapté. École, qui, précise-t-elle “ne fait pas partie du lotissement Coin-Joli”, mais se trouve simplement à sa lisière. Elle évoque aussi par le menu les “cambriolages, rodéos de motos, dégradations de véhicules, départ de divers feux, feux de poubelles”, et autres incivilités justifiant aux yeux des habitants la fermeture. Du côté des autorisations nécessaires à la pose d’une grille ou d’un mur sur un espace jouxtant une voie publique, l’avocate assure aussi que tout est en ordre.

“On ne peut pas empêcher les gens de se clôturer”

Le mémoire au vitriol de l’avocate de l’association syndicale a vraisemblablement convaincu. Le rapporteur public a repris à son compte ses arguments pour demander le rejet de la requête des riverains incommodés. Celui dont le rôle est d’éclairer le tribunal a ainsi estimé que les dix plaignants n’ont “pas d’intérêt suffisant, ni de qualité à agir” et que si le cahier des charges initial prévoyait un retour des voies privées à la collectivité, la municipalité ou la communauté urbaine n’en n’ont jamais manifesté le souhait.

Des arguments que rencontrent souvent les chercheurs du LPED, auquel le doctorant Julien Dario appartient, lors de leurs recherches sur les résidences fermées. “La partie intéressante de cette affaire, c’est l’existence de ce cahier des charges qui pose l’ouverture en principe. Mais qu’est-ce que ça vaut face à un propriétaire que ne veut pas ouvrir son bien ? On ne peut pas empêcher les gens de se clôturer…”, analyse-t-il. La décision du tribunal sur cette affaire déjà vieille de plusieurs années a été mise en délibéré.

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Commentaires

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  1. Herve Menchon Herve Menchon

    Une rue plus loin, le boulevard du Commandeur s’était déjà transformé en impasse de manière brutale et légalement contestable puisqu’un permis de la ville avait semble t-il été délivré à postériori pour ne pas froisser les électeurs des villas…
    La résidence La Cravache, mise devant le fait accompli, perdait ainsi un accès piéton et un passage pompier.
    Le syndicat des copropriétaires de La Cravache avait de gros soucis (un syndic judiciaire avait été nommé) et n’avait pas pu être efficace pour le maintien de ce passage. Le mur est toujours là.

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  2. VitroPhil VitroPhil

    Merci, pour cet article, le sujet aussi locale soit-il est lourd de signification : transport, urbanisme, éducation, vivre ensemble.

    Sur le fond c’est une honte pour nos consciences de citoyens ou de conscitoyens.
    Sur la forme un imbroglio judiciaire.

    Le tout dû à une inaction coupable de la municipalité qui révèle une fois de plus son indifférence pour les sujets ď enseignement public.

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    • julijo julijo

      non non pas “indifférence”….. au sens précis du terme

      La municipalité ménage la chèvre et le chou…ne pas heurter les habitants du lotissement, qui votent peut être pour elle, et ne pas heurter les habitants alentour qui votent peut être pour elle……

      La communauté urbaine ne va pas parier là dessus, et dans sa grande incompétence préfère opter pour de l’indifférence….. Ils le font partout. Quand un sujet dérange on l’enterre.

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    • Tarama Tarama

      Je pense que sociologiquement la municipalité pense que les habitants du lotissement votent plus pour elle que les résidents alentours…

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  3. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Qu’il puisse y avoir des nuisances dans les voies publiques : « cambriolages, rodéos de motos, dégradations de véhicules, départ de divers feux, feux de poubelles » c’est certain, mais que fait la police ?

    La privatisation des résidences marseillaises (à l’imitation du mode de vie américain) transforme la ville en un vaste labyrinthe, oblige parfois les piétons à prendre leur voiture pour faire les détours nécessaires, rallonge les parcours automobile, favorise les embouteillage et devient ainsi un facteur de pollution.

    Ne parlons pas des conséquence sur l’urbanisme. La République c’est ce qui concerne la chose publique. On constate qu’elle a disparu à Marseille derrière l’argent de ceux qui en ont.

    La ville privatise tout des services publics (contrôle du stationnement) aux plages et aux voies de passage et de circulation. A quand un droit de péage pour les piétons (et écoliers) voulant traverser une résidence ?

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  4. Tarama Tarama

    Position honteuse de ces gens qui tiennent l’ASA du lotissement. Dire que les requérants n’ont pas droit à agir parce qu’ils sont des tiers extérieurs… mais c’est bien pour cela qu’ils agissent !
    Car on leur a coupé l’accès à des établissements scolaires, qu’on les oblige ainsi à passer par des rues dangereuses à grande circulation et avec des trottoirs pourris.
    Il faut savoir de quoi on parle dans ce dossier. A se demander si le rapporteur public s’est simplement rendu sur place. https://goo.gl/maps/YDifXwAXbPq
    https://goo.gl/maps/AXQ8pDVd4e12
    On passe où là quand on est piéton ? https://goo.gl/maps/fxURmF5Lhy52
    Et là, le sacro-saint stationnement sur le trottoir jamais réglé par la ville https://goo.gl/maps/vqq4hYxNWHk Il faut dire qu’il y a un tabac PMU sur le trottoir d’en face, ce qui doit rendre légal le stationnement sauvage par sa simple présence.
    L’école n’est pas dans le lotissement ? Première nouvelle… que fait alors son entrée derrière les lourdes grilles de Coin joli ? https://goo.gl/maps/v5SMjUynqMF2

    Quant à parler de « cambriolages, rodéos de motos, dégradations de véhicules, départ de divers feux, feux de poubelles »,… la mauvaise foi le partage à la paranoïa. Le plus gros désagrément devait être les enfants qui faisaient aboyer les chienchiens à leur mémère.
    En plus aujourd’hui personne ne demande une ouverture totale, mais une ouverture pour les piétons en journée. Il n’y aurait donc pas plus de cambriolages, rodéos, etc.

    L’avocate, qui n’a peur de rien au niveau mauvaise foi (ce serait bien de vérifier ses affirmations), dit que les copropriétés proches ont su se clore. AUCUNE n’a fermé l’accès aux piétons, aucune.
    Les grilles de Coin Joli ont été posées sans autorisation, les articles de l’époque le rappellent tous, quoiqu’en dise l’avocate.
    Et pendant ce temps, le lotissement continue de bénéficier de l’éclairage public et du ramassage des ordures.

    L’article n’évoque pas les différences sociales, et ethniques, de ce lotissement avec certains quartiers qui le bordent. C’est pourtant au coeur de la démarche des habitants qui tiennent le syndic du lotissement.
    Les enfants alentours auront eu tôt dans leur vie l’illustration de ce qu’est un apartheid social.

    Quand il y a un usage pendant des décennies, n’y a-t-il pas une obligation de le maintenir ?

    Et enfin, puisque tout va de travers dans cette ville, pourquoi a-t-il fallu trois ans pour instruire le dossier ? Pendant ce temps les autres appliquent la politique du fait accompli.

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  5. Regard Neutre Regard Neutre

    L’article 690 du code civil stipule: « Les servitudes continues et apparentes s’acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans. ».Les voies du lotissement Coin-Joli sont ouvertes à la circulation publique depuis 1928,créant ainsi une servitude de passage au moins à tous les riverains ainsi qu’aux usagers du groupe scolaire. L’argument relatif au droit de clôture est spécieux,car rien n’empèche de clôturer sa propriété mais en laissant les parties commmunes mibre à la circulation

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      En l’occurence toutes les voies concernées sont privées depuis leur création et tant que la communauté urbaine ne les réclament pas…

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    • Regard Neutre Regard Neutre

      En général, les voies primaires d’un lotissement sont intégrées de facto dans la voirie communale. Dans certains cas une voie participe au réseau structurant d’un quartier, sa création conditionne la délivrance du permis de lotir — les voies du Coin-Joli font partie intégrante de la vie du quartier, la ville ayant depuis longue date prit en charge l’éclairage public ainsi que les réseaux publics d’assainissement pluvial et sanitaire. C’est une preuve irréfragable avérée que les voies de ce lotissement, créé en 1928, et ouvertes à la circulation publique sont communales. Ni la ville, ni la métropole feront la démarche pour intégrer ces voies à la voirie communautaire. Cette opération de transfert de la voirie à statut privé dans le patrimoine communal s’effectue toujours à la suite d’une demande des habitants du lotissement et souvent avant les élections municipales…Néanmoins, le silence de la ville est assourdissant; par mesure conservatoire de sécurité publique, elle aurait même du faire déposer les grilles qui empêchent le libre accès au groupe scolaire. En cas d’accident d’un écolier sur la voirie publique, la responsabilité de l’association pourrait être recherchée.

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  6. gilbert Veyrié gilbert Veyrié

    Lorsque l’on va sur le site GEOPORTAIL + la couche cadastre, on s’aperçoit que toute la voirie autour du Coin-Joli est classée dans le domaine public sans numérotation cadastrale et donc sans paiement d’impôt.
    Donc si la voirie est reconnue publique par l’administration fiscale pourquoi une privatisation par une ASA.

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    • Tarama Tarama

      Vous avez raison. Et c’est le cas de la grande majorité des voies fermées aux alentours.
      Une seule rue apparaît avec un numéro cadastral : l’avenue Guy de Maupassant – au sud du Corbusier – qui elle est… ouverte
      (bien que privée, car elle dessert le supermarché Géant. Le business plus fort que les écoles).

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  7. LOU GABIAN LOU GABIAN

    ou est le droit?
    Apparemment les gens choisissent le tordu

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    • LOU GABIAN LOU GABIAN

      Pardon on est à Marseille , j’avais oublié

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  8. LOU GABIAN LOU GABIAN

    ET puis c’est la mode de construire des murs

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  9. Germanicus33 Germanicus33

    Le repli sur soi, pauvres esprits rabougris…Le jour où ils auront besoin des pompiers, le temps qu’ils trouvent la clé, ils risquent de le regretter !

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