Entre relaxe et sursis, la justice solde l’affaire de la BAC Nord
Neuf ans après le début de l’affaire de la BAC Nord et contre l’avis du parquet, la justice a relaxé sept des dix-huit policiers mis en cause. Selon le tribunal, même si des "dysfonctionnements" ont eu lieu, de nombreux faits reprochés n'étaient pas "suffisamment caractérisés".
Pour les anciens équipiers de la BAC Nord, le tribunal s'en est tenu à des peines avec sursis. (Photo Clara Martot)
“Maintenant, vous pouvez écrire qu’on n’est pas des ripoux ?” L’invective vient l’un des cadets du groupe de la BAC Nord au sortir du délibéré, en direction de la presse. Le parquet avait requis 18 mois de sursis à son encontre. Le tribunal ne retient finalement que le vol d’une cartouche de cigarettes et condamne Nicolas F. à 3 mois de sursis. À ses côtés et tout souriant, Mohamed C., ancien chef de groupe qui regrettait son propre “laxisme” à l’époque des faits, a été entièrement relaxé. Tout comme six de ses anciens collègues. Face à cette “averse de relaxes”, se félicitent les avocats, les dix-huit de la BAC Nord s’offrent un bain de foule juste en bas des marches du tribunal. Des proches pleurent de joie, d’autres se tapent énergiquement dans le dos. Ils sont près d’une quarantaine à applaudir ceux qui, neuf ans plus tôt, s’étaient retrouvés au cœur d’un scandale national.
Le tribunal correctionnel de Marseille vient de rendre son délibéré après dix jours de débats. “Le tribunal a constaté de graves dysfonctionnements dans ce service de police”, lance d’abord la présidente Cécile Pendaries devant la salle comble ce jeudi. Malgré cet avertissement, les peines prononcées dans la foulée sont dérisoires et derrière les masques, les visages des prévenus se décrispent. Les onze anciens collègues condamnés bénéficient tous de relaxes partielles. De nombreux vols évoqués durant l’instruction sont abandonnés par le tribunal car “insuffisamment caractérisés”, précise la magistrate. Les infractions aux stupéfiants qui comprenaient des vols sont, dans la plupart des cas, réduites au seul délit d’acquisition de cannabis. La peine la plus lourde ne dépasse pas un an de sursis. Elle concerne Bruno Carrasco, doyen et ancien chef de groupe au sein de la brigade. Les autres peines oscillent entre deux et dix mois de sursis. Aucune condamnation ne sera inscrite au casier judiciaire.
Le parquet opposé aux relaxes
Ce dénouement, personne n’aurait pu le prévoir lorsque le scandale de la BAC Nord éclate en 2012. À l’époque, le procureur de Marseille Jacques Dallest parle de “gangrène” et le ministre de l’Intérieur Manuel Valls dissout l’intégralité de la brigade. Au début de l’enquête de l’IGPN, sept fonctionnaires sont même placés en détention provisoire. En 2013 enfin, les sanctions disciplinaires sont particulièrement sévères : trois agents sont révoqués de la police nationale, les autres écopent de suspensions temporaires.
Sébastien Soulé, aujourd’hui secrétaire départemental dans le Var du syndicat Alliance, avait été rétrogradé par sa hiérarchie pour vol et infraction aux stupéfiants. Il vient d’être entièrement relaxé. Une issue inimaginable pour ses soutiens du syndicat, présents en masse chaque jour durant le procès. “Avec tout ce qu’ils leur ont mis sur le dos, la prison et le reste, ils seront obligés de condamner pour garder la face”, estimaient plusieurs d’entre eux la semaine dernière.
Mais finalement, le tribunal s’est montré clément. Même encore plus clément que le parquet dans ses réquisitions. Lundi, le procureur adjoint André Ribes avait requis des peines allant d’un an de sursis à six mois ferme et trente mois de sursis. Il s’agissait, à ses yeux, de “justes peines” dans ce dossier hors-normes : “j’ai essayé de trouver des excuses aux fonctionnaires, mais je n’ai pas d’éléments qui feraient que des relaxes s’imposent “, avait déclaré le magistrat. Le ministère public dispose de dix jours pour faire appel du jugement rendu ce jeudi.
“Dix ans qu’on se traîne dans des services pourris…”
Vous voyez aujourd’hui qu’on n’a jamais sali l’uniforme !
Régis Dutto, condamné à six mois de prison avec sursis
À la sortie du tribunal, le délibéré sonne aux yeux du groupe comme une forme de reconnaissance : “Contrairement à ce qu’a dit Manuel Valls, vous voyez aujourd’hui qu’on n’a jamais sali l’uniforme !”, lance Régis Dutto, condamné à 6 mois de sursis. En 2013, il faisait partie des trois révoqués. Après l’annonce du délibéré, il revêt son sweat floqué “BAC Nord”, parle furtivement aux micros puis s’éloigne. En contrebas, les avocats de la défense s’expriment face aux caméras. “Le tribunal a effectivement dit le droit”, se réjouit sobrement Alain Lhote, l’avocat de Bruno Carrasco. Ses confrères acquiescent. “Pour une fois, on a l’impression que la justice est de notre côté”, se félicite pour sa part Sébastien Greneron, secrétaire départemental adjoint du syndicat Alliance, présent tout au long du procès en soutien.
Mais pas de quoi, selon les policiers, compenser les dommages de l’époque. “On subit les conséquences tous les jours ! Ça fait dix ans qu’on se traîne dans des services pourris, qu’on est au placard et qu’on n’accède pas à ce qu’on veut…”, rage Nicolas F. Son rêve ? Retourner à la BAC Nord. Certainement une question de temps, d’autant que sa maigre condamnation ne sera pas inscrite à son casier. L’un de ses collègues également mis en cause, Yann C., a déjà réussi à réintégrer la brigade.
Commentaires
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Reste à savoir qui a informé Dallest et Valls à l’époque ? Probablement les dires d’un journaliste, comme celui qui a mal interprété le jugement des agresseurs de flics de Viry-Chatillon. Pécresse et Lepen se sont vite engouffrées dans la polémique. C’est dire comme nos élus sont tombés bien bas. Finalement, ils sont dans l’air du temps. Ils réagissent comme n’importe quel abonné aux réseaux sociaux. Si la justice arrive à se sortir de ces attaques sans fin, on aura de la chance.
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on aimerait que la justice soit aussi clémente avec tout le monde
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C’est marrant cette fois que le syndicat Alliance ne dénonce pas le laxisme de la justice.
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