Enquête pénale et tribunal administratif : la riposte d’Alexandre Guérini

Info Marsactu
le 2 Août 2017
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Alors qu'il est toujours englué dans l'affaire qui porte son nom, Alexandre Guérini, le frère de l'ex président du conseil général, continue à travailler. Les sociétés de son giron estiment avoir été illégitimement écartées de certains marchés publics par la métropole. Le parquet de Marseille vient, à leur demande, d'ouvrir une enquête pour favoritisme.

Alexandre Guérini en octobre 2013.
Alexandre Guérini en octobre 2013.

Alexandre Guérini en octobre 2013.

L’affaire Guérini a démarré depuis plus de huit ans sans qu’un tribunal n’ait encore été saisi du dossier. En son cœur, Alexandre Guérini, frère de l’ex président du conseil général Jean-Noël Guérini, est mis en examen pour une multitude de chefs dont association de malfaiteurs en vue de la commission de délits de trafic d’influence, de corruption et détournement de fonds publics. Alors que la justice poursuit son travail, l’entrepreneur n’a pas arrêté le sien, même s’il a officiellement pris du recul dans ses différentes sociétés, reconnaissables au sigle SMA, qu’il ne préside plus depuis 2010.

Alors que l’instruction avance doucement, Alexandre Guérini refait néanmoins parler de lui sur le front judiciaire mais pas vraiment du côté auquel il avait habitué la presse. Selon nos informations, les sociétés du sulfureux homme d’affaires ont en effet initié plusieurs actions en justice contre la métropole Aix-Marseille Provence. Elles estiment avoir été injustement écartées de deux marchés publics conclus cette année par la métropole.

Le parquet ouvre une enquête pour favoritisme

Première conséquence et non des moindres, le parquet de Marseille a, toujours selon nos informations, prestement décidé de donner suite à la plainte déposée par trois sociétés du giron de “monsieur Frère”, présidées par Gilles Pascal. Durant la première quinzaine de juillet, il a ouvert une enquête préliminaire sur ces deux marchés de la métropole. Le seul qualificatif pour l’heure retenu est celui de favoritisme et cela ne préjuge en rien de la suite qui sera donnée à l’enquête. Contacté, le parquet de Marseille a fait savoir qu’il ne ferait aucun commentaire sur ce dossier forcément sensible. Benoît Caviglioli, avocat de SMA environnement, SMA propreté et SMA Vautubière confirme lui à Marsactu ce qui constitue une première victoire symbolique pour ces clients : “J’ai bien obtenu l’ouverture de cette enquête préliminaire.”

Le point de départ de ce nouveau front judiciaire est la décision de la métropole d’écarter de ses appels d’offres les sociétés marquées au fer rouge de l’affaire Guérini. Sur ce dossier, elle a choisi comme porte-parole son avocat, Gilbert Sindres :

Indépendamment de la présomption d’innocence, la métropole considère qu’il serait irresponsable et impossible à justifier tant auprès de l’institution judiciaire, que des élus locaux et de la population, qu’elle attribue 20 millions d’euros de marchés publics de déchets aux sociétés d’Alexandre Guérini.

D’un point de vue légal, l’établissement public considère que, partie civile dans l’affaire pénale, il ne peut contracter un marché avec les sociétés SMA sans se retrouver dans “une situation d’interférence d’intérêts susceptible de compromettre l’impartialité et l’indépendance de la procédure de passation”. Outre Alexandre Guérini, l’une de ses sociétés, SMA environnement, est mise en examen en tant que personne morale pour détournement de biens publics et recel de détournement de fonds publics. Il s’agit là du pan de l’affaire qui concerne l’enfouissement de déchets privés dans la décharge publique du Mentaure à La Ciotat, tombée dans le giron de la métropole lors de sa création le 1er janvier 2016. Ce dossier a déjà valu une lourde condamnation à la société Queyras qui transportait les déchets et à ses dirigeants.

20 millions d’euros en jeu

Or, argumente Gilbert Sindres, “toutes les sociétés du groupe SMA qui ont candidaté à ces marchés de déchets sont contrôlées par SMA environnement, elle-même contrôlée par Alexandre Guérini qui en est le directeur général”. Dans le premier marché en litige, c’est la société SMA Vautubière, exploitante de la décharge du même nom à la Fare-les-Oliviers, qui candidate pour le transport et le traitement d’ordures ménagères des communes du territoire Istres Ouest Provence (Istres, Miramas, Fos-sur-mer, etc.). Celle-ci est propriété de SMA environnement et de SMA développement qui, après des aventures internationales au Luxembourg et au Panama, appartient à 100 % à… SMA environnement. Le montant en jeu est conséquent : 4 millions d’euros annuels sur quatre ans, soit l’équivalent des deux-tiers du chiffre d’affaires actuel de SMA Vautubière. Jeannie Peretti, compagne d’Alexandre Guérini en est directrice générale. Ce dernier a déclaré le 2 avril 2013 en être “le responsable commercial” alors qu’il était interrogé par les services de la douane judiciaire dans le cadre de l’information judiciaire toujours en cours (voir notre encadré ci-dessous).

Le second marché concerne la gestion des déchetteries du pays d’Aix que souhaitait obtenir SMA propreté pour un montant plus modeste de 3,5 millions d’euros sur quatre ans. Là encore, les liens sont assez clairs avec SMA environnement qui détient 60 % des parts de la société.

Persuadé que l’argument juridique de la métropole ne tient pas, l’avocat des sociétés SMA va tenter de faire suspendre ces deux marchés par le tribunal administratif. Cette deuxième lame judiciaire va mener à une première audience vendredi 11 août. “Je réserve mes arguments pour l’audience”, explique Benoît Caviglioli pour refuser nos demandes d’explications. Il devrait toutefois plaider que les sociétés SMA sont des entités différentes et qu’aucune d’entre elles n’a, à ce jour, été condamnée par la justice.


La décharge de la Vautubière

Cette décharge de la Fare-les-Oliviers est un des dossiers les plus troublants mis au jour par l’information judiciaire initiée par le juge Duchaine. Alors que le précédent gestionnaire, la Somedis, une société revendue par Alexandre Guérini à Veolia, a été écartée dans des conditions troubles, le même Alexandre Guérini a bénéficié d’un sérieux coup de main pour écrire son dossier de candidature. Jean-Marc Nabitz, qui avait produit le schéma départemental des déchets pour le compte du conseil général présidé par Jean-Noël Guérini, a reconnu devant les juges avoir rédigé son offre.

Lui comme un élu de Berre-l’Etang très impliqué dans le dossier, Raymond Bartolini, seront un peu plus tard les bénéficiaires de comptes au Luxembourg bien garnis créés par des sociétés écrans, ce qui a éveillé l’attention des enquêteurs. Jean-Marc Nabitz sera aussi temporairement actionnaire de la SMA Vautubière tout comme Patrick Boudemaghe, un entrepreneur du BTP proche du fiché au grand banditisme Bernard Barresi, et lui aussi très intéressé par ce dossier. Les parts, cédées à prix bas, seront rachetées 8,5 millions d’euros par Alexandre Guérini.

Mis en examen, Jean-Noël Guérini est quant à lui soupçonné d’être intervenu auprès de Serge Andréoni, à l’époque sénateur et maire de Berre. (Lire cet article de Mediapart pour aller plus loin).

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