Eau : une Parisienne pour convaincre les Marseillais

Eau : une Parisienne pour convaincre les Marseillais

Anne Le Strat est adjointe au maire de Paris en charge de l’eau et présidente de la régie Eau de Paris mise en place en 2009. Agenda très chargé pour l’élue à Marseille mercredi et jeudi. Nous l’avons rencontrée au sortir d’une réunion de travail avec le collectif Eau bien commun 13.

Anne Le Strat, vous aviez rendez-vous avec les socialistes marseillais mercredi. Comment percevez-vous leur position ?

Le débat était très ouvert. Ils étaient très désireux de comprendre comment ça s’était passé à Paris et de m’entendre alors que certains cassent la régie de Paris sans savoir comment elle fonctionne. Cela m’a permis de rétablir les faits. Dans les interventions, je les ai sentis très sensibles aux arguments de la régie.

Qui était là ?

Jean-David Ciot, deux ou trois élus communautaires – donc ils étaient quand même peu présents – et une vingtaine de militants…

Patrick Mennucci, responsable de la question eau au PS13 n’était pas là ?

Non, ni Mennucci ni Caselli (président de Marseille Provence Métropole (MPM), dont c’est la compétence, ndlr) ni Bernardi (président du groupe socialiste à MPM). Je regrette d’ailleurs ces absences. (Patrick Mennucci nous précise qu’il n’a « plus la responsabilité de l’eau au PS ayant quitte la direction Fédérale jeudi 7 avril »)

La question très sensible, c’est celle de la reprise des salariés…

Elle est tout à fait légitime quand on sait qu’il y a des syndicats qui sont ouvertement pour la délégation de service public (c’est-à-dire un contrat passé avec le privé pour gérer le service, ndlr). A Paris, j’ai eu la CGT Veolia contre moi. Il ne faut jamais oublier que les syndicats ne sont pas les premiers partisans d’une régie publique de l’eau. Et les Marseillais m’ont fait comprendre que FO était très très puissant, aux alentours de 97 % des voix à la SEM, et que le débat était quand même compliqué. Je leur ai dit que si la décision d’un passage en régie était prise, il fallait ouvrir des négociations, rappeler au personnel qu’ils conservent leurs droits individuels et qu’ensuite, il y a une discussion collective (mutuelle, accord complémentaires, etc.). A Paris, c’était d’autant plus compliqué qu’il y avait trois délégataires.

Les salariés n’ont rien perdu ? Quand on discute avec eux, ils évoquent notamment leur intéressement, un système qui n’existe que dans le privé

En moyenne globale, ils ont gagné, après je ne peux pas vous dire individuellement. Sur l’intéressement, on a négocié un système de participation, une formule de prime tout à fait légale qui permettait de réintégrer le montant de l’intéressement.

Un changement, ça se prépare. Un mot sur le timing ?

En un an et demi, la bascule est possible. Si on prend la décision six mois avant, sans préparation, je ne peux pas dire que c’est impossible… Mais il faut tout de même se préparer.

Comment se préparer justement ?

C’est compliqué mais rien n’est insurmontable. A Paris, ça a été une décision purement politique. En un an et demi, il a fallu tout faire à marche forcée. On s’est fait aider par des audits social, juridique : c’est obligatoire de passer par ces gens compétents pour le faire. Tout ne revient pas aux élus.

Quand on négocie une transition, y voit-on clair dans les comptes des entreprises de l’eau ?

A moins d’entrer dans la comptabilité générale des groupes, vous ne savez jamais combien coûte le service, parce que les rapports de délégation ne donnent pas une image comptable fidèle des services délivrés. Ce n’est plus un scoop et la Chambre régionale des comptes l’avait pointé pour Marseille. Ils ne donnent jamais la réalité des coûts, ils se font payer plusieurs fois la même chose… Aujourd’hui, je ne peux pas dire et je ne pourrai jamais dire quelles étaient les marges. Je sais juste qu’elles étaient d’au moins 15%. Seul Bordeaux a obtenu, grâce au poids d’un magistrat de la Cour des comptes, d’entrer dans la comptabilité générale.

Vous aviez réussi à calculer les provisions sur travaux ?

On avait réussi à les récupérer avant la fin des contrats. Et on a fait des travaux avec. A l’époque, je n’étais pas adjointe mais présidente de la Société d’économie mixte Eaux de Paris : je pense que le montant a été sous-estimé à l’époque mais il y a une opacité financière et aucun moyen de contrôle. Il n’y avait même pas de budget autonome !

A Marseille, il existe mais Europe Ecologie-Les Verts qui demandait un vote indépendant ne l’a pas obtenu…

Ah bon ?! Nous, nous votons le budget général, puis le budget annexe de l’eau puis l’assainissement… En général, de toute façon en terme de contrôle et de transparence, c’est difficile de défendre la DSP.

Eugène Caselli se cache régulièrement en disant qu’au PS, malgré les déclarations de principe comme dans le texte « égalité réelle », c’est à la carte, arguant que Martine Aubry est toujours en DSP à Lille…

Mais Aubry a dit qu’elle reviendrait en régie. Clairement le programme présidentiel est pro-régie. Les mentalités sont entrain je crois d’évoluer sur ce sujet. Le PS est loin d’être le pire. Le positif aujourd’hui, c’est qu’il y a vraiment un débat et j’y suis invité, notamment au débat de Renaud Muselier. Il souhaite un débat ouvert avec notamment Loïc Fauchon qui dit tout et n’importe quoi sur la régie de Paris. Je compte bien rétablir quelques vérités : on aura enfin un vrai débat !

Jean-Marie Leforestier / Julien Vinzent

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