Dans les circonscriptions du département, une extrême droite presque sans rival

Franck Allisio pendant la soirée d'investiture du RN pour les législatives de 2022. (Photo : ML)

Les projections à l’échelle des circonscriptions du département des votes du scrutin européen de dimanche dévoilent une hégémonie quasi sans partage de l’extrême droite dans les Bouches-du-Rhône. En cumulant les scores des listes du Rassemblement national et de Reconquête, les pourcentages oscillent entre 35 et 55 % et dépassent les solides résultats engrangés sur Marseille. De quoi voir, sans grande incertitude, plusieurs députés RN sortants reconduits sur leurs terres lors des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet prochains. Certains pourraient même l’être dès le premier tour, si cette configuration des européennes, évidemment sujette à des modifications multiples, se reproduit.

La tourmente provoquée par l’annonce inopinée d’une dissolution n’en finit plus de secouer les états-majors politiques. À gauche, l’éventualité de candidatures portées par une union offre quelque espoir de résultats. En revanche, les scores abyssaux réalisés aux européennes par Renaissance et Les Républicains dévoilent un paysage profondément bouleversé au centre et à droite. Qui risque de l’être plus encore après l’échéance à venir.

Jean-Marc Zulesi peut-il rester député de la majorité présidentielle de la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône au soir du 7 juillet prochain ? Le doute est permis. Les projections des résultats des élections européennes de dimanche sur sa circonscription qui regroupe Berre-l’Étang, Saint-Chamas, Salon-de-Provence et Pélissanne, le positionnent à 12,5 % des suffrages, contre 27,7 % au premier tour de 2022 où il virait en tête. Ses potentiels alliés des Républicains n’arrivent pas à atteindre les 6 % (contre 15 % en 2022). Par rapport au 1er tour des législatives de 2022, Jean-Marc Zulesi voit le nombre de voix qui se sont portées sur l’étiquette Renaissance s’effondrer. Elles sont divisées par deux : de 13 100 à 6 600. Au second tour, il l’avait emporté avec 22 800 suffrages et 53,1% face au Rassemblement national.

Ce scénario semble irréaliste cette fois. La participation en hausse sur ce territoire (de 45 à 53 %) profite en partie aux listes de gauche. Elles améliorent leurs scores du premier tour de 2022 en % – de 19,4 pour la Nupes à 25,1 cette fois – comme en voix : de 9 200 à 13 400. Mais c’est surtout l’extrême droite qui affirme un peu plus son assise dans cette circonscription. Les résultats de dimanche voient le cumul des listes Rassemblement national et Reconquête s’adjuger 47,8 % des suffrages. Soit 25 400 voix, quand le candidat RN en totalisait 20 100 au second tour des législatives de 2022. Pour l’échéance qui s’annonce, l’extrême droite part donc avec une base électorale renforcée et le candidat macroniste risque d’en faire les frais.

La 9e circonscription des Bouches-du-Rhône embrasse La Ciotat et Aubagne et voit, là aussi, l’extrême droite affirmer sa poussée. Le total cumulé par les listes du Rassemblement national et de Reconquête dimanche aux européennes dépasse ici les 48 %. Aux législatives de 2022, la candidate du RN Joëlle Mélin l’avait emporté aisément au second tour avec 58,6 % des exprimés devant la Nupes (41,3 %).

Le scrutin de dimanche confirme son ancrage local et il paraît difficile que la circonscription lui échappe si la sortante se représente lors des législatives anticipées. Face au bloc d’extrême droite, les listes de gauche cumulent 26,3 %. Les Républicains, pourtant au pouvoir à Aubagne et La Ciotat, s’écroulent à 5,4 %. La majorité macroniste quant à elle essuie une sérieuse déconvenue et plafonne à 12 %. Loin des 20 % récoltés en 2022 par Bertrand Mas-Fraissinet, responsable départemental de Renaissance, qui n’a pas encore fait acte de candidature.

Les terres du député RN sortant José Gonzalez – Gardanne, Meyreuil, Allauch – sont sans surprise restées fidèles à l’extrême droite lors du scrutin de dimanche. Les résultats des européennes lus à l’échelle de cette 10e circonscription des Bouches-du-Rhône donnent au cumul RN-Reconquête un score de 50,3 % des votes exprimés et améliorent leur total de près de 4000 voix par rapport aux législatives de 2022, non pas le premier tour mais le second !

Le doyen de l’Assemblée nationale, s’il est de nouveau investi par le RN, a donc de grandes chances de conserver son fauteuil au palais Bourbon. La gauche obtient 24,6 % mais, malgré une participation en nette hausse (+ 10 points), elle n’améliore que peu le score de 2022 de Marina Mesure, réélue dimanche députée européenne dans les rangs de la France insoumise. Renaissance à 11,6 % et Les Républicains à 5,3 % peinent à exister sur l’échiquier de la 10e.

Aux législatives de juin 2022, le député Modem Mohamed Laqhila enlève aisément le morceau pour la majorité présidentielle. Il est élu dans la 11e circonscription des Bouches-du-Rhône après avoir pris la tête du premier tour, 10 598 bulletins dans la besace, soit 25 %. Deux ans plus tard, le coup est rude. Les résultats des européennes reportés à sa circo, qui comprend une partie d’Aix-en-Provence et notamment les Pennes-Mirabeau, voient son camp dégringoler à 14 % et engranger seulement 7 300 voix.

Face à lui, les 30 juin et 7 juillet, l’extrême droite s’annonce en force. Rassemblement national et Reconquête cumulés se hissent à 40 %. Un score relativement peu élevé au regard du reste du département, mais jamais atteint auparavant sur des terres aixoises d’ordinaire rétives à l’extrême droite. Pour conserver ses entrées à l’Assemblée nationale, Mohamed Laqhila devra en outre ferrailler avec une gauche dont les listes ajoutées pointent à 30 % et font bien mieux que la Nupes en 2022. Enfin, le sortant aura du mal à trouver du soutien chez les Républicains qui avec 7 % n’offrent pas un réservoir de voix bien abondant.

Franck Allisio, délégué départemental du Rassemblement national, laisse planer le doute : sera-t-il candidat à sa succession dans la 12e circonscription  – Marignane, Vitrolles et Côte Bleue – ou reviendra-t-il défricher des terres marseillaises ? Pour l’heure rien n’est sûr. Seule certitude, en revanche, l’extrême droite réalise dans cette circonscription – où le patron départemental du RN s’est associé au maire DVD de Marignane pour fonder une association baptisée RPR – le meilleur score du département. Ici RN et Reconquête cumulés obtiennent 55,3 % des votes exprimés dimanche pour les européennes. Comme ailleurs, par rapport aux législatives de 2022, la participation a bondi d’une dizaine de points. Et dans la 12e, clairement, l’extrême droite en profite et engrange plus de 7 000 voix supplémentaires par rapport au second tour des législatives de 2022.

Face à ce rouleau compresseur de la droite extrême, les forces politiques de droite et du centre sont atones. Les Républicains et Renaissance sont quasi expulsés du paysage avec respectivement 4,4 % et 9,5 % des suffrages. En 2022, Eric Diard – LR face auquel la majorité présidentielle n’avait aligné aucun candidat – pesait 29,7 % au premier tour. La gauche, elle, réussit faire mieux qu’en 2022. La Nupes pointait alors à 19,1% (avec 7 300 voix). Dimanche, elle s’est hissée à 23,3 % et a récolté 4 000 voix de plus. Ce qui paraît néanmoins insuffisant pour faire douter Franck Allisio.

En terres communistes aussi, l’extrême droite confirme la solidité de son socle électoral. Les résultats des européennes projetés sur cette circo jusqu’alors tenue par le député Pierre Dharréville (PCF) sont limpides. Les scores associés du RN et de Reconquête flirtent avec les 50 % des suffrages exprimés dimanche. Si le bloc de gauche dépasse là les 30 % – l’un des meilleurs scores du département – il ne profite pas de la hausse de la participation par rapport aux législatives de 2022 et totalise le même nombre de bulletins, un peu plus de 14 000. Alors que dans le même temps, la droite extrême gagne, elle, 4 200 voix.

Le camp présidentiel en est réduit à regarder, de loin, le duel qui s’annonce. Renaissance plonge à 8 % et LR à 3 %. La question de savoir si Pierre Dharréville est en capacité de conserver son siège reste donc entière et incertaine.

La députée Renaissance Anne-Laurence Petel peut s’offrir un (petit) satisfecit. C’est sur son territoire – qui balaye Aix centre, Aix nord, Trets et Peyrolles – que la liste Renaissance fait son moins mauvais score dans les Bouches-du-Rhône. Reste qu’avec 16 %, la sortante n’a pas de quoi pavoiser avant les échéances à venir. Elle a annoncé se représenter et le terrain promet d’être miné.

Car dans sa circo, la gauche fait presque jeu égal avec avec l’extrême droite : respectivement 33,1 et 34,7 %. Soit 18 100 voix pour le bloc de gauche et 19 000 pour le RN cumulé à Reconquête, quand Anne-Laurence Petel n’en récolte que 8 800. Pour le dire autrement, gauche et extrême droite font mieux qu’aux législatives de 2022 quand la majorité présidentielle, elle, s’étiole. Le retard à combler pour la sortante paraît immense.

Le nord du département s’est toujours paré du bleu franc de la droite et a déjà basculé vers le RN en 2022. Le mouvement s’intensifie, comme le montrent les élections européennes de dimanche. Le député sortant Romain Baubry (RN), est arrivé en tête dans la totalité des villes de sa circonscription. Sa liste, cumulée avec celle de Reconquête, obtient 50 % des suffrages. Dans cette circonscription qui court de Saint-Rémy à Châteaurenard, l’extrême-droite augmente son score du second tour des législatives de 2022 de plus 5 000 voix. Romain Baubry totalisait alors 25 000 suffrages (53,8 % des votes).

Aucun candidat, même porté par une coalition, ne semble en mesure de l’emporter le 7 juillet prochain, s’il y a un second tour. Renaissance, qualifié au second tour avec 22 %, rétrograde nettement à 12 %, l’ensemble des forces de gauche faisant le chemin inverse. Même en y associant les suffrages de la droite (5,9 %), ces trois courants reculent dans un contexte de participation en hausse.

S’il se représente, Emmanuel Taché de la Pagerie, député RN de la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône, ne devrait pas éprouver de grande difficulté à conserver son poste. Entre Arles et Camargue, les électeurs ont clairement donné leur préférence à l’extrême droite lors des européennes de dimanche dernier. Rassemblement national et Reconquête cumulés atteignent 48,5 % des suffrages exprimés. Leur total, porté par une participation en hausse, dépasse de 3 000 voix le score réalisé par le député RN au second tour des législatives de 2022.

Aux législatives anticipées des 30 et 7 juillet, les oppositions ont de faibles chances de renverser la vapeur. Le bloc de gauche réussit à atteindre 29 %. Déjà qualifié au second tour en 2022, mais de peu, il creuse l’écart avec 13 800 voix. Uni en 2022, le bloc du centre macroniste et de la droite régresse à 6 500 voix.