Comment la macronie marseillaise s’est inexorablement dissoute dans la droite locale

Décryptage
le 27 Juin 2023
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Entre OPA des ténors de la droite et difficulté à capitaliser politiquement sur le plan Marseille en grand, le mouvement d'Emmanuel Macron peine à exister localement. À l'occasion de la visite présidentielle, Marsactu tire le bilan de l'implantation locale du parti Renaissance.

Le meeting d
Le meeting d'Emmanuel Macron au Pharo en 2022. (Photo : Emilio Guzman)

Le meeting d'Emmanuel Macron au Pharo en 2022. (Photo : Emilio Guzman)

“Il arrive et tous les élus veulent leur séquence, leur photo avec lui. Même s’ils ne l’aiment pas.” Emmanuel Macron est de retour à Marseille. Presque deux ans après le lancement, avec force tambours et trompettes, du plan Marseille en grand, une grosse année après son meeting d’entre-deux tours au Pharo, le président de la République s’invite trois jours à Marseille. Et, comme le décrypte un pilier local de la macronie, cette visite officielle recèle aussi une dimension politique. Car si le président a fait de Marseille sa “ville de cœur”, comme il aime à le répéter, en termes d’ancrage de son parti, la ville est loin de lui rendre son amour.

Pour son déplacement, il va s’appuyer sur les figures locales de sa majorité présidentielle… qui ressemblent pour certaines très fortement à un casting échappé de la droite époque Jean-Claude Gaudin. Avec, en premier de cordée de l’échappée marseillaise : Renaud Muselier. Ce lundi, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur s’est montré au côté d’Emmanuel Macron à plusieurs étapes de la première journée. Transfuge des Républicains, il est désormais référent régional de Renaissance. Oublié le temps où il caricaturait Macron. Un “chevalier blanc” à Paris, aux “relations infréquentables ” à Marseille, disait-il de lui à l’issue du meeting de campagne du futur président aux Pennes-Mirabeau en novembre 2016. Un meeting où étaient présents des élus proches de Jean-Noël Guérini, ex président du conseil départemental multi mis en examen à l’époque.

D’anciens élus de droite qui ont fait une grosse OPA sur En Marche.

Désormais ce n’est plus du côté des ex-socialistes que le président trouve ses alliés. “Les anciens élus de droite ont fait une grosse OPA sur En marche !”, confirme un fin connaisseur du paysage politique marseillais. La nature ayant horreur du vide, il n’a pas fallu longtemps pour que les ténors de la droite marseillaise, notamment des Républicains fuyant l’effondrement de leur parti, trouvent là de quoi faire leur nouveau nid. Plus ou moins franchement. Renaud Muselier a assumé, dès 2021 son ralliement aux couleurs présidentielles pour les élections régionales. Le voilà désormais bien installé dans le camp du “chevalier blanc aux relations infréquentables”. Bruno Gilles, ex sénateur LR, longtemps pilier de la gaudinie, a lui pris la tête locale d’Horizon, le mouvement d’Édouard Philippe.

La photo qui fâche

Martine Vassal présidente (DVD) du département et d’Aix-Marseille-Provence métropole, ménage la chèvre et le chou : elle n’est plus officiellement membre des Républicains, sans toutefois en avoir été exclue. Une situation non tranchée qui, en 2022, lui a permis d’entretenir le flou, de soutenir la candidature d’Emmanuel Macron d’une main, et certains de ses camarades LR en lice contre des macronistes aux législatives, de l’autre. Elle en a fait l’un de ses mantras : “La politique doit être différente entre le local et le national”, martèle celle qui revendique de gouverner des majorités très composites à la métropole comme au département.

Mais cette droite transfuge n’a pas fait allégeance à la Macronie pour autant. Elle garde ses marges de liberté et sait le montrer. Pour preuve, cette réunion organisée au CNTL le 11 mai dernier sur invitation de Renaud Muselier et de Martine Vassal, qui rassemble plus de 70 élus locaux de la droite et du centre. Imposante photo de famille à l’appui : ce cliché, aux airs de reformation de ligue dissoute, avait pour but d’envoyer un message aussi bien au Printemps marseillais au pouvoir à Marseille en vue des municipales de 2026, qu’au mouvement présidentiel.

La photo a d’ailleurs fait tousser jusqu’au plus haut sommet de l’État. “À l’Élysée comme à la tête de Renaissance cela a beaucoup agacé, car ni Renaud Muselier ni Martine Vassal n’ont pensé à prévenir de cette réunion”, glisse une source qui n’en revient toujours pas. L’argument laisse Martine Vassal de marbre. “Ah? Ça a fait grincer des dents Stéphane Séjourné [secrétaire général de Renaissance, NDLR] ? Mais il n’est pas élu ici que je sache”, évacue-t-elle.

Renaud Muselier balaye aussi les agacements élyséens d’un revers de main. “Cette photo, qui apparemment gêne, est un symbole de la méthode Muselier, qui convient à ceux qui sont venus, de Sabrina Roubache à Valérie Boyer. Ce n’est pas le rassemblement de la droite, ce sont des gens engagés dans la vie publique qui se retrouvent sur les questions de politique locale et qui savent que l’on ne peut gagner que rassemblés”, assume le président de région. Une interview accordée par Martine Vassal le 19 juin au très droitier Valeurs actuelles a eu les mêmes effets et “a beaucoup irrité le président. Notamment parce qu’elle y laisse entendre qu’elle est le monde d’après. Que ce soit le timing, la forme et le fond, ça l’a laissé perplexe”, commente-t-on.

Capitaliser sur Marseille en grand

Ces symboles sont d’autant plus agaçants pour les marcheurs qu’une partie de la droite s’est remise en selle en se parant des atours macronistes. Bien aidée par le plan Marseille en grand, d’ailleurs. Car ce vaste programme de 32 propositions pour Marseille – d’un coût d’environ cinq milliards pour l’État – fait des pilotes des collectivités, Renaud Muselier, Martine Vassal et le maire de Marseille et Benoît Payan (DVG), les premiers bénéficaires politiques de la manne. “Le président a un opposant face à lui à la mairie mais il le fait pour Marseille. À ce moment-là il envoie un message politique fort”, justifie Sabrina Roubache, députée Renaissance de la première circonscription des Bouches-du-Rhône et proche du couple présidentiel.

Avec des amis comme ça, le président n’a pas besoin d’ennemis.

Benoît Payan (DVG)

À l’inverse, les troupes macronistes n’ont pas forcément su capitaliser sur cette pléiade d’annonces qui aurait dû les ancrer plus profondément dans le paysage local. La faute à “un manque d’incarnation politique”, déplore un membre important de Renaissance 13. Surtout, souffle un observateur, “les marcheurs ont fait preuve de naïveté : ils pensaient que tout le monde allait leur manger dans la main avec Marseille en grand. Or, en fait les élus locaux jouent chacun leur partition.” Benoît Payan choisit pour sa part d’ironiser sur ces néo-macronistes qui figurent dans l’appareil de Renaissance. “Avec des amis comme ça, [le président] n’a pas besoin d’ennemis. Le faire entrer dans une danse électorale trois avant, c’est un manque de respect pour sa fonction”, pique-t-il.

Appareil politique fragile

Au sein des marcheurs, on cherche à faire bonne figure. Les forces militantes de la macronie ont fondu comme neige au soleil au fil des années, jusqu’à compter moins de 400 adhérents à la fin de l’année dernière. “C’est vrai, le tissu est faible et l’appareil fragile”, reconnaît un rouage de Renaissance 13. Vision que réfute Bertrand Mas-Fraissinet, référent départemental du mouvement : “Cette petite musique qui voudrait qu’on est un parti qui n’existe pas, c’est une vaste plaisanterie. On n’en fait pas la pub du matin au soir, mais on a une centaine de cadres locaux, notamment dans les villages, et un millier d’adhérents dans les Bouches-du-Rhône. Et puis nous avons cinq députés.”

De mouvement gazeux, Renaissance s’est mué en véritable parti, assure de son côté le député Lionel Royer-Perraut, ancien des Républicains qui a rallié la galaxie présidentielle en février 2022 : “Il s’est structuré de manière plus classique et avec des objectifs plus clairs en matière électorale et politique”. L’appareil, dit-il encore, serait en “voie de professionnalisation grâce à l’arrivée de nouveaux cadres”. Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et référent régional de Renaissance, interrogé sur la manière dont il voit son nouveau parti, en sourit : “J’y ai été très bien reçu. Un peu d’expérience, ça leur fait pas de mal. “

“Bouffés de l’intérieur”

Caroline Pozmentier, ex-adjointe de Jean-Claude Gaudin, passée à la République en Marche un peu plus tôt que d’autres, en 2020, veut toujours y croire. Elle loue les deux majorités plurielles au département et à la région restées fidèles, à la “promesse originelle d’En Marche! de dépassement et de renouvellement”. Renouvellement, des hommes et des pratiques? “On s’est fait bouffer de l’intérieur par la droite, c’est un fait, lâche plutôt une marcheuse des premières heures. Ils ont pris les bonnes places, ils nous ont évacués du jeu et maintenant ce sont eux qui contrôlent la machine.” Un ancien élu LR abonde : “C’est Muselier qui pilote tout.”

De quoi alarmer en interne chez Renaissance. Il ne faudrait pas que de “vieilles habitudes et vieux réflexes” issus du monde d’avant viennent trop modifier l’ADN premier de la mouvance présidentielle, pestent des cadres de la macronie. “Le territoire marseillais a subi une grande mutation de sa sociologie et donc de sa sociologie électorale. Il faut en tenir compte et ne pas balayer d’un revers de main les apports de la société civile. Ce n’est pas parce qu’on est là depuis 20 ans qu’on part avec un avantage”, convient le député Renaissance Lionel Royer-Perreaut.

Des appuis dans la société civile

Est-ce pour pallier la faiblesse l’édifice politique local que le président cultive particulièrement ses réseaux dans  la société civile marseillaise ?  En témoigne ce dîner élyséen auquel il a convié, le 1er févier dernier, des personnalités marseillaises. Le président a aussi œuvré pour que deux de ses proches soient nommés à des postes clés à Marseille : Pierre-Olivier Costa à la tête du Mucem et Christophe Castaner à la présidence du conseil de surveillance du port. “Ce sont des personnes ressources. Oui, le président veut des relais aussi dans la société civile, pour que Marseille avance”, estime Bertrand Mas-Fraissinet. Une manière, également, de multiplier les remontées de terrain pour le suivi du plan Marseille en grand.

Dans ce contexte épineux, l’ex-République en marche nourrit l’obsession de durer. Pour ce faire, sa seule planche de salut est d’engranger des succès électoraux. “Pour être plus forts, il faut des élus. Surtout face à une majorité municipale qui ne nous est pas favorable”, complète Sabrina Agresti-Roubache. Pas simple quand on dispose d’un appareil politique encore en construction et que la droite a, elle, commencé à fourbir ses armes pour les municipales de 2026. Le référent Renaissance 13, Bertrand Mas-Fraissinet a beau clamer que pour cette échéance son parti reste “au centre du jeu”, la position semble bien inconfortable. Au sein de l’exécutif municipal marseillais, on en profite pour railler “une caserne d’opportunistes avec laquelle il sera difficile d’aller à la guerre“.

Les militants m’ont dit : “Si c’est pour faire la campagne de Vassal en 2026, ne comptez-pas sur nous !”

Un cadre Renaissance

Pour Renaissance, l’équation posée est là : comment ces transfuges de la droite vont-ils se positionner dans les mois et les années à venir alors même que la date de péremption de la macronie est connue et que la succession d’Emmanuel Macron est déjà engagée ? Le fait est que la droite locale voit plus loin que Jupiter. Et c’est bien le problème. “L’étiquette macroniste, elle ne vaudra pas tripette aux législatives de 2027. Les gradés, ils étaient là avant Macron, ils seront là après…”, résume une source avec cynisme.

Un important membre de l’encadrement départemental des marcheurs veut croire que la stratégie ne portera pas ses fruits. “Quand cette photo des élus de droite est sortie qu’est-ce que je n’ai pas entendu !” soupire-t-il. “Les militants m’ont dit : “Si c’est pour faire la campagne de Vassal en 2026, ne comptez-pas sur nous !” L’opération de préemption [menée par Martine Vassal] est l’objet d’un vrai rejet chez nous. Ce n’est pas parce qu’elle veut laver son honneur dans le 6/8 qu’elle peut nous utiliser !” Dans ce vaste mercato droito-centriste, des étiquettes politiques ont valsé ces derniers mois, mais les principaux acteurs et leurs vieilles haines recuites restent inchangés. Même si, au cours des trois jours de la visite, sur les photos, tous promettent de sourire au côté du président.

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Commentaires

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  1. Titi du 1-3 Titi du 1-3

    Madrolle est sur la photo, les macronard·e·s sont sauvé·e·s.

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  2. Karo Karo

    ” Et je retourne ma veste ” chantait Jacques Dutronc… toujours d’actualité .
    Un jour il faudra jeter ces vieux restes indigestes et surtout périmés car on fera pas le monde d après avec ça mais plutôt sur eux … allez hop hop du balai

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  3. Richard Mouren Richard Mouren

    Le problème est que ces “restes” de la gaudinerie ont réussi à tout verrouiller. Prenons l’exemple de monsieur Lionel Royer-Perreault, l’élu aux quinze (?) casquettes qui a pu ainsi bloquer les nouvelles recrues de toute tentative de faire ses preuves sous une de ces casquettes et prendre ainsi la lumière. Madame Agresti-Roubache et monsieur Mas-Fraissinet ne sont que des cautions pratiques pour ces vieux crocodiles connaissant le marigot marseillais par coeur.

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  4. Kitty Kitty

    Les oiseaux disparaissent… sauf les coucous qui reviennent en force pour s’installer dans les petits nids des macronistes niais. Ce serait amusant si ce n’était pas si pitoyable (et dangereux) pour l’avenir de Marseille. On prend les mêmes et on recommence…

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  5. Patafanari Patafanari

    Le remugle du Marais. Alors que la Gauche sent l’air pur des Sims.

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  6. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Bof… C’est vraiment du “rien”. Ce qui sauve les zombis de la droite marseillaise ripolinés à la sauce “En Marche” ou “Renaissance” ou “Horizon” c’est que le “vide” de l’espace politique leur laisse la place où ils continuent d’exister. Si le parti présidentiel avait voulu exister c’est aux dernières municipales qu’il aurait dû construire ses fondations, hors ça n’a pas été le cas, ni à Marseille, ni ailleurs. Aujourd’hui ce n’est qu’une étiquette un peu délavée et pas très collante que les Muselier, Vassal et autres Royer P se donnent sans trop d’effort d’y mettre un contenu.

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