Comment la France insoumise construit sa stratégie locale marseillaise
Un peu plus d'un an après l'élection de Jean-Luc Mélenchon comme député du centre-ville, la France insoumise entame une année cruciale pour son implantation. En arrière-plan des européennes, le mouvement doit se construire un programme local et se trouver des candidats.
Jean-Luc Mélenchon lors d'un meeting en 2017. Photo Nicolas Georges
À quelques mètres du parc Chanot, où se tiennent tout le week-end les “Amfis d’été” de la France insoumise, un jeune militant s’est fait floquer son maillot de l’OM d’un numéro 10 surmonté d’un Mélenchon en lettres capitales. Attablé au café voisin, l’image réjouit Sébastien Delogu, un militant marseillais. “Joli maillot”, sourit-il. “Bravo pour l’école”, lui répond le footeux politisé.
Delogu profite à plein de sa nouvelle notoriété. Au début de l’été, il a été le porte-parole d’un coup de peinture très médiatisé venu redonner des couleurs à l’école primaire de La Viste (lire notre article). À elle seule, cette mobilisation illustre le credo “Un quartier, une problématique, une lutte” qui doit permettre à la France insoumise d’assurer son implantation locale.
Absent du conseil municipal, le mouvement cherche malgré ce handicap à peser sur les débats locaux par des interventions originales. Discussions autour d’un thé un soir de ramadan, caravanes d’accès aux droits et donc actions d’éclats. Des problèmes de légionelle dans l’eau à Air-Bel (12e), voilà Jean-Luc Mélenchon, des salariés de McDonald’s en lutte, revoilà le député. “Jean-Luc Mélenchon nous a dit dès le départ “utilisez-moi !” c’est ce que nous faisons, explique Sophie Camard, sa suppléante. Et cela fait bouger les choses ! Quand il s’est emparé de la question d’Air-Bel, tout le monde s’est mis à m’appeler et à s’inquiéter”. Et tant pis si la spectaculaire bouteille d’eau orangée tirée des tuyaux du quartier n’a pas subi l’analyse promise par le député, une expertise judiciaire a depuis été obtenue devant le tribunal par les locataires.
“On fait la guerre à la municipalité”
“C’est ça la révolution citoyenne que l’on prône, explique Bernard Borgialli, candidat marseillais en très bonne place sur la liste aux européennes. Par l’action, on démontre l’irresponsabilité des collectivités locales.” Résultat : “On fait la guerre à la municipalité, on montre à la population qu’on est à son écoute et qu’on est capable de porter des solutions”, s’enthousiasme Sébastien Delogu, qui avec son groupe d’appui de La Viste a une nouvelle cible : l’état d’abandon de certains parcs publics.
L’opportunité de ces actions est laissée aux groupes d’appui locaux. Formés spontanément comme les groupes thématiques, ils sont la seule base locale du mouvement Insoumis. “Le noyau dur, ce sont aujourd’hui 50 à 100 personnes et ça n’arrête pas”, avance Sophie Camard. Au risque de parfois dérouter certains militants locaux qui confient leur peu de prise sur la vie du mouvement ou le manque de débat idéologique. Les initiatives naissent de la base et se structurent de réunions en boucles de messages sur la messagerie Telegram. Le contrôle de l’entourage du député est plus ou moins lâche quand bien même Jean-Luc Mélenchon présente son assistante parlementaire Lise Maillard comme la “commissaire politique” de la FI à Marseille.
Ainsi, l’action à l’école de la Viste a-t-elle suscité quelques questions sur le fait de se substituer à l’action publique. “On dit aux familles, vous payez déjà des impôts et on les fait payer encore ? Qui plus est pour ce qui est la base même de la République, ça pose question”, pose une militante, responsable par ailleurs d’une association de parents d’élèves. Jean-Luc Mélenchon avait initialement confié une réserve similaire à Sébastien Delogu. Mais lors d’un discours pour fêter sa première année de mandat au cours Julien, il a finalement apporté son soutien : “Je sais pas s’il faut le faire ou pas ce qu’ils font mais je suis admiratif. […] Je sais bien que ça n’est pas une solution mais vous laissez pas pourrir la vie. Vous avez souvent les moyens de la changer tout de suite ici maintenant.”
“Jean-Luc Mélenchon est un homme de devoir”
Dans l’esprit des cadres de la France insoumise, ces initiatives doivent aussi permettre de faire émerger des futures têtes d’affiche du mouvement, ceux et celles qui l’incarneront en 2020 dans les huit secteurs de la ville. Dans toutes les têtes, cette question n’est officiellement pas encore à l’ordre du jour même si chacun avance ses pions. À ce jeu, chacun attend la décision de Jean-Luc Mélenchon concernant la tête de liste. Lequel ménage bien volontiers le suspense. “Un jour je dis oui, un jour je dis non”, s’était amusé l’intéressé au cours Julien.
Parmi ceux qui ont l’occasion d’en discuter avec lui, tous s’accordent à dire que la gestion locale n’est pas sa tasse de thé. “Il faudra mesurer les risques en fonction de la situation à l’été prochain. Aujourd’hui la certitude qu’il soit sur la liste est quasi absolue. Si pour gagner il doit être le candidat à la fonction de maire, c’est un homme de devoir”, décrypte Bernard Pignerol. Ce proche est resté très présent depuis les législatives à Marseille pour tâter le terrain politique local. Jean-Luc Mélenchon imaginait déjà ce conseiller d’État devenir son secrétaire général à l’Élysée. Il joue aujourd’hui un rôle important dans la dynamique des municipales et réfléchit à lancer à l’automne un forum de discussion régulier.
Sophie Camard se voit candidate à la métropole
Bernard Pignerol constate aussi les contraintes nouvelles liées au non-cumul des mandats : “Cette question a aussi de vrais côtés pratiques. Est-ce qu’il aura trouvé son successeur pour diriger le groupe parlementaire à deux ans de la présidentielle ? Il faudra aussi évaluer s’il peut être candidat à la présidentielle après avoir été élu maire de Marseille ; c’est-à-dire abandonner Marseille à la fin de l’année 2021”, reprend-il. “Mon souhait, ce serait qu’il soit candidat à la mairie – ce serait le plus clair – et moi à la métropole sur les sujets qui m’intéressent le plus comme les transports, l’économie ou l’environnement”, glisse de son côté Sophie Camard. L’ancienne d’EELV pourrait aussi le cas échéant porter les couleurs de sa nouvelle formation pour la mairie. Mais, comme les autres cadres locaux (dont ne fait plus partie Sarah Soilihi), elle manque encore de notoriété pour une telle échéance.
Au cours Julien, Mélenchon avait souhaité reporter la question du casting :
Il faut ici comme partout un grand et profond changement. Il ne se fera pas avec un homme ou une femme providentielle. Il ne se fera pas de cette manière. Il se fera parce que des milliers de gens vont désigner des équipes et des listes. Et ce sont eux qui seront les meilleurs pour changer fond en comble ce merdier.
L’année politique qui démarre doit être celle d’une structuration plus forte du mouvement pour la terminer en ordre de bataille. Le travail programmatique est prévu d’abord, notamment via les différents groupes thématiques. Réforme fiscale et renforcement des services publics municipaux seront forcément au menu. Cela devrait déboucher sur “une convention programmatique” et une désignation des candidats éligibles pour les municipales en juin. Le casting devra “représenter la diversité des Marseillais”, selon les termes de Pignerol. Au fil des discussions, des corporations sont déjà ciblés. Sébastien Delogu évoque spontanément “les taxis” dont il fut un porte-parole “contre l’ubérisation”, Bernard Borgialli “les petits commerçants qui sont aussi des travailleurs qui se font manger par les centres commerciaux” et Bernard Pignerol “les réseaux de parents d’élèves sur lesquels on pourrait s’appuyer dans les quartiers Sud”.
Cela interviendra donc après les européennes, des élections qui auront une influence sur les scrutins suivants. Ensuite seulement, la France insoumise s’interrogera sur d’éventuels renforts, à l’échelon métropolitain vraisemblablement, autour du socle qu’elle aura construit. “J’ai retenu de ma candidature aux régionales de 2015 où nous étions les seuls à avoir fait l’accord entre les communistes et les écologistes, que les accords d’appareil qui partent d’en haut, ça verrouille tout”, avertit Sophie Camard. La France insoumise trace donc sa route en espérant voir venir à elle les autres forces de gauche : “Après la première lame de rasoir des présidentielles, il est important lors des européennes qu’il y ait un différentiel suffisamment important pour que le leadership à gauche de la France insoumise ne soit plus contesté lors des élections locales et qu’on puisse discuter sereinement de 1er et de 2e tour”, résume Bernard Pignerol. Les potentiels partenaires sont prévenus.
Commentaires
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Comment la France insoumise construit sa stratégie locale marseillaise? En s’appuyant un tant soit peu sur Marsactu… non?
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Magnifique publi-reportage.
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Des nouvelles de Gérald Souchet ?
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La pire des choses pour notre ville, que Mélenhon la gagne
la pire des choses pour notre pays que Mélenchon le dirige un jour , cet homme fou d’orgueil et qui semble bien s’aimer est un populiste de la pire espèce et un véritable danger pour notre pays qui n’hésite pas à citer le Vénézuela comme exemple économique , applaudi par les Corbières et cie et dont les discours puent la haine
le plus regrettable dans cette histoire sont les petites gens qui l’accompagnent et dont il se fout comme de l’an quarante
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Je croyais que le pire avait été atteint avec la mafia gaudiniste ….
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Bonjour,
cet article est le premier d’une série d’articles sur la rentrée politique. Elle démarre avec ces universités d’été et, comme Marsactu, en a l’habitude nous avons choisi d’en tirer un angle local. En l’occurrence, il s’agit de la stratégie mise en place par le mouvement pour tâcher d’exister localement et préparer les prochaines échéances municipales. Les lecteurs de Marsactu auront très vite l’occasion de lire le même type d’articles d’analyse mais aussi de reportage et d’enquête notamment sur le grand chambardement à droite, les dernières tentations du PS ou les interrogations des militants LREM… Avec la même volonté d’indépendance, chaque jour réaffirmée.
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Wait and see alors. Parce que là ça fait vraiment publi -reportage. J’ai peine à croire que tout soit rose au pays de FI…
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Anachronisme notoire de ma part , mais quand même . Je n’ose imaginer un Mélanchon entre 1793 et 1794 sous l’épisode de la “Terreur” avec son mentor Robespierre.
Personnage politiquement extrémiste et donc dangereux.
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Hou la !
Je trouve que de reprocher à Marsactu de produire un “publi-reportage” favorable à la FI c’est un peu raide… et on a déjà vu, à propos d’autres articles, les commentaires inverses lui reprochant de rouler pour LREM…
En revanche on peut dire que cet article est un peu un “exposé à plat” et qu’il n’est pas trop analytique, il rassemble plus des impressions que des données et ne débrouille guère les causes et les conséquences en fonction du contexte.
Ce serait bien qu’une fois les présentations des différents partis faites, un débat, éclairé par les investigations et les analyses de la rédaction, s’instaure entre les lecteurs et puisse au long cours analyser, décrypter et critiquer les actions et les programmes des acteurs en présence.
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On a pu verifier lors des dernières législatives que JL Melenchon ne prise guère les risques électoraux. La ville de Marseille étant plus difficile à prendre que l’ex circonscription de Patrick Menucci, je mise un billet de 50 qu’il ne sera pas candidat (en tous cas, pas tête de liste). Pourtant, conquérir Marseille de haute lutte pourrait lui donner le statut de conquerant qui lui manque, à l’image de ce que réussit naguère Jacques Chirac avec la mairie de Paris. Mais notre député calculera sans doute qu’il est plus rentable, électoralement, de dénoncer le “merdier” que d’y mettre les mains ; que sa carrière de parlementaire et de president putatif importent plus que le sort des Marseillais. Et à mes yeux, ce genre de calcul fait de lui un politicard comme les autres. Même pas cap !
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A lire entre les lignes cet article n’est pas forcément favorable à la FI et JLM : partout transparait la réalité de ce mouvement , la stratégie électorale et la conquête du pouvoir sont les objectifs principaux, beaucoup plus que les préoccupations proches du terrain, les idées et un vrai programme. Au fond, JLM se moque bien de Marseille, c’est dit dans l’article assez clairement: priorité aux présidentielles ?
Pour lui cette ville est et a été une opportunité, rien de plus et 50 ou 100 personnes, suivent en espérant quelques places à prendre. Marseille mérite mieux que ça, il me semble. Le clan de la FI à la mairie serait une catastrophe, à suivre donc.
Et puis quand l’article prend la peine de préciser que JLM désigne Lise Maillard, son assistante parlementaire, comme sa ” commissaire politique” à Marseille, est-ce lui rendre service ? Brrr, les mots ont un sens et l’Histoire ne nous laisse pas un souvenir très plaisant des ” commissaires politiques”. Un article du Monde nous racontait cette semaine que des proches de JLM relisent Lenine et Trotsky lorsqu’ils manquent d’inspiration, brrr ( encore) tout cela est-il vraiment sérieux. Le plan com de la FI a été et reste efficace mais derrière la façade il y a quoi ? Voir l’affaire du Média, l’embarrassante Chirikou, le surprenant Miller qui passe du Média à LCI et les petites guerres de pouvoir interne.
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Qui s’intéresse à Marseille ? dites le ,que l’on vote pour lui ou elle ?
FO n’est il pas le” commissaire politique “de l’actuelle nullicipalité ?
attention ! un mot peut en cacher un autre !!!
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J’aime beaucoup les raccourcis qu’offrent certains commentaires. Lors de la présidentielle et des législatives de 2017, certains n’avaient pas de mots assez durs pour reprocher à Marsactu de ne pas assez parler de la F”I” et de ses candidats. Aujourd’hui, on reproche à la même équipe de journalistes de faire un “publi-reportage” sur la même F”I”… Un peu de cohérence ne nuirait pas.
Je me répète, mais de nos jours le métier de journaliste est vraiment devenu difficile, tant ils sont soupçonnés en permanence de rouler pour Untel et, simultanément, aussi pour l’adversaire d’Untel. Il faut boire un peu d’eau fraîche et arrêter le délire de persécution.
Quant au prochain maire de Marseille, quel qu’il soit, j’espère pour ma part qu’il s’agira d’un maire à temps complet. Cette ville a trop souffert d’être “dirigée” pendant plusieurs décennies par un dilettante présent 2 jours par semaine à l’Hôtel de Ville. Assez de politiciens qui font carrière à Paris et pour lesquels Marseille est juste une ligne sur le CV ! En écrivant ceci, je ne dresse probablement pas le portrait de M. Mélenchon.
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On est encore très très loin d’un programme concret, réaliste et chiffré pour la ville, tel que l’avait pondu Menucci. Je suggère aux équipes prétendantes de LREM et des Insoumis de s’en inspirer, sinon de le copier parce que ce n’est pas en faisant les refuzniks ou en jouant aux cénouléplubos que l’on gère une ville et une métropole de près d’1.5 millions d’habitants, qui plus est en état catastrophique.
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Je partage l’esprit de ce commentaire : les élections municipales ne sont pas un concours de beauté. On s’en fout que le prochain maire s’appelle Gilles, Vassal, Castaner, Mélenchon ou Aliboron. Ce qui importe, c’est “pour quoi faire ?”
Il faut une vision à 20 ans pour Marseille et un projet cohérent. Que ceux qui en sont capables lèvent le doigt, ça permettra de faire un premier tri…
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