Cinq copropriétés marseillaises passent en “priorité nationale”
Le secrétaire d'État auprès du ministre du logement, Julien Denormandie a dévoilé ce mercredi le plan de lutte contre l'habitat indigne dans les grandes copropriétés. Cinq d'entre elles à Marseille sont désormais une priorité nationale.
Vue générale du parc Corot
Vestige du marketing immobilier des années 60, les grandes copropriétés marseillaises ont souvent le mot “parc” affilié à leur nom alors qu’elles n’offrent souvent qu’un horizon de béton à leurs habitants. Parc Kalliste, parc Bellevue, parc Corot… Ces trois grandes copropriétés font partie des sites ciblés par l’État dans le cadre d’un plan national de lutte contre l’habitat indigne. Autre exemple d’un marketing hors d’âge ou en décalage, les deux derniers sont Maison-Blanche au Canet ou Bel-Horizon à l’entrée Nord de Marseille.
Ces cinq sites n’ont pas été choisis au hasard, ils étaient déjà cités en 2015 dans le rapport Nicol (lire notre article) et faisaient l’objet d’études poussées dans ce cadre. Ces deux dernières sont prises en charge par l’établissement public Euroméditerranée (lire notre article sur Bel horizon).
5 copros marseillaises dans les 17 prioritaires
À partir de janvier 2019 et pour dix ans, ces cinq grandes copropriétés font partie des 17 “sites en suivi national” du plan “initiatives copropriétés” que le gouvernement souhaite mettre en place et que le secrétaire d’État, Julien Denormandie, est venu présenter ce mercredi à Marseille. Présenter et installer, car sous les ors d’un des salons d’honneur de la préfecture, il présidait le premier comité de pilotage qui assurera le suivi de la mise en œuvre de ce nouveau plan “avec une réunion tous les trois mois“.
D’emblée, le préfet Pierre Dartout a rappelé que le choix de Marseille n’est pas anodin. “Marseille concentre les deux-tiers des copropriétés dégradées du département, c’est-à-dire 6000 sur les 9000 déjà identifiés”. Le choix de Marseille n’est pas non plus inopportun parce que le travail y a déjà commencé et parfois depuis fort longtemps.
18 ans de plan de sauvegarde
Au n°143 rue Félix-Pyat, le redressement de la copropriété Bellevue a commencé en 2000 avec la signature d’un plan de sauvegarde. 18 ans plus tard, “le bidonville vertical” de Saint-Mauront n’est pas encore sorti d’affaire. Le placement en priorité nationale de Bellevue permettra notamment de traiter les bâtiments qui n’ont pas été rachetés par les bailleurs sociaux et qui présentent encore un état d’indignité alarmant.
Quant aux tours de Notre-Dame-Limite du parc Kallisté dont le premier plan de sauvegarde a lui aussi 18 ans, elles ont encore défrayé la chronique voici un an (lire notre article). Là encore, le préfet Dartout souligne que l’une d’elles, la tour H “a nécessité un arrêté d’insalubrité et une évacuation immédiate de l’immeuble”. On se souviendra tout de même qu’il a fallu d’abord que la presse s’empare du sujet (lire notre article) et des semaines de tractations entre Ville et État pour que le bâtiment soit vidé de ses habitants et ceux-ci relogés ou s’étant évaporés.
Financements prioritaires
Désormais les trois parcs sont donc “une priorité nationale”. “Ces sites ont été choisis en fonction de l’urgence de leur situation. Cela signifie qu’ils feront l’objet d’un pilotage direct par l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (ANAH) et l’agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) en lien avec les chefs de projets désignés pour le suivi de chaque site, explique Julien Denormandie. Cela signifie aussi qu’elles feront l’objet d’un financement prioritaire”. Pour la première fois, les crédits de l’ANAH (2 milliards d’euros sur 10 ans) qui subventionne les travaux directement auprès des propriétaires seront croisés avec ceux de l’ANRU (500 millions d’euros) qui opère sur des opérations de plus grande envergure.
On se souvient que par le passé, cette dernière avait choisi de rénover le quartier d’habitat social de Saint-Paul, en laissant de côté le parc Corot, copropriété qui n’a eu de cesse depuis de se dégrader. Adjointe à la rénovation urbaine et vice-présidente de la métropole en charge de ces questions, Arlette Fructus (UDI) s’est félicitée du partenariat tout en soulignant ces choix passés, qui paraissent aujourd’hui incohérents.
L’urgence de Corot
Pour le parc Corot, l’urgence est là. Le plan de sauvegarde y est tout récent mais Ville, métropole et État semblent vouloir y intervenir de concert même si les habitants s’exaspèrent déjà de la lenteur des procédures.
Devant la salle du conseil municipal, ce lundi une poignée de propriétaires étaient venus interpeller les élus en dénonçant l’état d’abandon du parc, depuis la nomination d’un administrateur judiciaire. “Il a démissionné fin août et depuis, nous n’avons aucune information. Nous sommes contraints d’assurer nous-mêmes le nettoyage du site”, s’exaspère Johan Mahé, propriétaire de trois appartements dans l’un des bâtiments les plus insalubres du parc.
Expert à venir
Un sentiment d’impuissance relayé par des élus de secteur quelques minutes plus tard dans l’hémicycle. Interpellée par Antoine Maggio, Arlette Fructus a alors remis quelques pendules à l’heure : “La Ville a pris un arrêté d’insalubrité cet été enjoignant les propriétaires à faire les travaux nécessaires pour y mettre fin. Il a fallu que nous nous substituions à ces derniers qui n’avaient rien fait. Quant à l’administrateur judiciaire, il a fini la mission qu’on lui demandait en faisant le point sur la situation financière de la copropriété. Et les caisses sont vides”. C’est dans ce cadre que l’ancien président de la métropole Jean-Claude Gaudin a saisi le tribunal de grande instance pour qu’il prononce l’état de carence de la copropriété. “Il faut d’abord que le tribunal nomme un expert judiciaire. Cela prendra du temps”, reconnaît Arlette Fructus.
Mais, une fois la carence reconnue, la métropole pourra choisir une structure qui prendra en charge le portage des logements expropriés. Les immeubles les plus vétustes pourront être détruits. L’ANAH, qui met 2 milliards d’euros sur dix ans sur ces opérations, pourra financer “jusqu’à 80% du déficit des opérations”. Le plan permettra également à cette dernière de financer des opérations d’urbanisme et de gestion urbaine de proximité pour éviter que l’habitat amélioré surnage dans un environnement tout entier dégradé.
Question de relogement
“C’est un aspect important, souligne la députée LREM Alexandra Louis, auteure d’un rapport remis au ministre du logement sur la situation du parc Corot. Par exemple, je souhaite que le projet de redressement du parc Corot permette également de rénover l’école en mettant à profit des terrains qui sont aujourd’hui municipaux et qui pourraient être utilisés pour améliorer le quotidien des habitants.”
En attendant, les locataires et certains propriétaires occupants vivent au quotidien cette indignité des logements que les pouvoirs publics entendent éradiquer. La députée a saisi le procureur de la République, cet été, pour que ces situations d’insalubrité urgente soient traitées sans attendre l’issue des procédures légales concernant la copropriété dans son ensemble. Là encore, le plan gouvernemental entend offrir une solution immédiate en permettant à l’ANAH de “financer 100 % des travaux d’urgence”.
La Caisse des dépôts et des consignations pourrait alors intervenir pour permettre aux communes de financer les logements sociaux nécessaires au relogement des locataires mis à l’abri de l’insalubrité qu’ils vivent au quotidien. Mais pour l’heure, la société de portage qui devrait assurer l’intermédiaire n’est pas intégrée au plan gouvernemental, reconnaît le ministre.
Frapper les marchands de sommeil au portefeuille
Reste la question des marchands de sommeil, mal lancinant. Souvent le redressement des copropriétés permet à ces derniers de toucher de véritables pactoles en se faisant racheter des taudis ou en les rénovant à peu de frais. Julien Denormandie le reconnaît en citant le cas d’un “marchand de sommeil qui a perçu 6 millions au titre d’indemnités d’expropriation. C’est aberrant”, souligne-t-il.
Face à ceux-là, Julien Denormandie se veut “impitoyable comme nous le sommes contre les trafiquants de drogue en les frappant au portefeuille”. La nouvelle loi Elan sur le logement doit permettre de “taper très fort” en confisquant des biens, en empêchant l’intéressé d’en acquérir de nouveau pendant dix ans une fois celui-ci condamné, ou en imposant aux syndics et agences immobilières de les dénoncer.
Des condamnations rares
Mais encore faut-il qu’ils soient reconnus comme tels. À Marseille, les arrêtés d’insalubrité sont rares en comparaison de l’état d’indignité des logements. Car les équipes des services de l’agence régionale de santé ou d’hygiène de la Ville sont sous-dotées pour intervenir partout où elles le devraient. Le groupe opérationnel de lutte contre l’habitat indigne, le Golhi mis en place sous l’égide du procureur en 2011, a permis d’augmenter le nombre des procédures pénales sans qu’aucun bilan réel ne soit tiré de son activité.
De mémoire de chroniqueur judiciaire, un seul marchand de sommeil a été condamné à de la prison ferme ces derniers années. Son locataire avait trouvé la mort en basculant dans un escalier dont la rampe était dangereusement branlante. L’immeuble était situé à Noailles. Aujourd’hui les petits immeubles dans l’habitat diffus de la Belle-de-Mai, de Noailles ou de Saint-Lazare ne sont pas encore dans le viseur du gouvernement.
Commentaires
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Coucou, l’apposition du mot parc vient du fait que la mairie de l’époque a fait construire à la hâte ces logements dans des domaines possédés par des armateurs jusqu’à la décolonisation. On trouve encore dans ces cités, ou à proximité immédiate, les bastides somptueuses et délabrées.
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Et puis les parcs, n’est-ce pas fait pour parquer ?
De ce point de vue, la mission est réussie …
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Très bonne idée cet article parce que ces copropriétés c’est l’avenir en marche.
La vente des logements sociaux va exploser suite aux dernières “politiques de logement”. Des résidences déjà vétustes, superficiellement entretenues (couches de peinture alors qu’il faudrait refaire l’ensemble des canalisations d’eaux usées par exemple), vont être mise en vente.
Un système de vente officiellement destiné à faire entrer de l’argent dans les caisses des bailleurs sociaux pour qu’ils construisent plus.
Mais tout autant destiné à permettre la spéculation foncière : après quelques années de galère, les petits propriétaires se débarrassent de leur acquisition auprès de plus gros investisseurs. Ou sont condamnés à y vivre sans pouvoir financer les travaux de réfection.
Et être propriétaire, ça peut vous changer une mentalité !
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