Le gâteau au citron et pavot d’Emmanuelle
Pour Marsactu, Malika Moine va à la rencontre des gens dans leur cuisine et en fait des histoires de goût tout en couleurs. En guise de goûter printanier, elle découvre le gâteau au citron et pavot d'Emmanuelle, aux fruits de son jardin.
Le gâteau au citron et pavot d’Emmanuelle
Je ne saurais dater depuis quand je croise Emmanuelle, cette grande jeune femme, au visage doux et lunaire, au regard bienveillant et au salut infaillible. On a échangé nos premières paroles il y a peu et elle a répondu avec gentillesse le mois dernier à ma recherche de volontaire pour une chronique, me proposant cette recette de gâteau avec “des citrons du jardin”. J’ai montré récemment des dessins d’olivier réalisés près d’un village perdu du Delta de l’Ebre, en Espagne, où une amie proche a un cabanon et où Emmanuelle a passé une partie de ses vacances chez ses oncles lorsqu’elle était enfant. Ça rapproche !
Elle vit avec sa fille Camille et leur chat Pattenrond dans le quartier de la Rotonde, au rez-de-chaussé d’un immeuble ancien. Emmanuelle m’accueille chaleureusement, dans la grande pièce à vivre qui donne sur une petite cour où trône le citronnier en pot illuminé par trois citrons.
Sur la grande table en bois de la pièce à vivre sont disposés les ingrédients du gâteau, un classeur rouge et un lutrin où repose la recette un peu jaunie. “Ce sont mes recettes, celles de mon papa et d’autres glanées ici et là depuis mes 26 ans. Cette recette, je ne vais pas te mentir, je ne me souviens pas d’où elle me vient, mais je la fais depuis longtemps, en témoigne mon grand âge…”
Les ingrédients
– 100 g de beurre mou
– 100 g de sucre
– Le jus de 3 citrons « à la peau fine, ils sont meilleurs ! »
– 100 g de poudre d’amande
– 20 g de graines de pavot
– 150 g de farine
– 1 sachet de levure chimique
– 4 œufs
Pour le glaçage :
– 150 g de sucre glace
– Le jus d’1/2 citron
Elle pèse le beurre, le découpe et le fait fondre à la casserole. Elle y ajoute le sucre blanc et bat énergiquement la préparation. “Mon père est devenu prêtre à la mort de maman – je crois que c’était son projet avant de la rencontrer mais quand il a vu passer cette magnifique femme sur une plage en Espagne, il l’a différé. Nous, les enfants, on a eu du mal à l’accepter parce qu’on n’est pas trop catho, et aussi peut-être par égoïsme : c’est vrai qu’on le voit plus beaucoup, il est tout le temps occupé. Mais il a changé. En bien.” Emmanuelle se reprend : “il a toujours été quelqu’un de bien mais il était prof d’économie, dans la doxa à fond. Il est devenu plus à gauche. Il nous dit « Je ne pourrais plus dire les conneries que j’enseignais avant ! »”.
Elle casse les œufs dans la préparation mais “zut !” le troisième est d’un orange plus que douteux. Il faut tout balancer et recommencer ! Camille interrompt sans trop rechigner sa conversation téléphonique pour aller acheter des œufs à l’épicerie.
“Mon histoire avec la cuisine ? Avoir des parents qui ne cuisinaient pas ! Mon père vient d’une famille bourgeoise dans laquelle il y avait une sorte de désamour avec la cuisine. Ils achetaient les yaourts les moins chers par exemple. Mais mes parents ont vécu quatre ans en Tunisie, mon père y était coopérant. Après qu’ils soient rentrés à ma naissance, on retournait passer toutes nos vacances dans leur petite maison à Zarsis. C’était avant que ça ne devienne touristique. Je me rappelle des chakchoukas. On a continué à en manger après qu’ils ont vendu leur maison et acheté un chalet sans eau et sans électricité dans les Alpes. Mon père a tiré des tuyaux depuis le torrent et du coup, on a l’eau sauf l’hiver quand il est gelé. Mon père y fait son pain dans un four à bois qu’il a construit. On a dès lors passé toutes nos vacances là-bas et ça continue… Camille y retrouve avec bonheur ses cousins pendant les vacances.”
Elle casse les œufs séparément et les intègre un à un à la pâte en continuant à battre.
Elle râpe le zeste de deux citrons “du jardin ou au moins bio…”, puis en presse trois et ajoute le tout à la pâte mousseuse. Elle poursuit : “Quand je suis allée au Maroc il y a quelques années, j’ai soudain retrouvé les odeurs, les sensations… Toutes ces années où j’ai vécu dans le Nord de la France, à Paris, à Poitiers, j’avais froid. Et je suis arrivée à Marseille il y a une quinzaine d’années. Ça a été l’éblouissement. Et je n’ai plus eu froid.”
Elle pèse et mélange la farine à la levure et à la poudre d’amande et les incorpore à la préparation. Elle cuisine sur un sac de papier kraft “comme ma grand-mère faisait sur du papier journal, comme ça, tu salis pas la table et tu mets directement à la poubelle les déchets”. Elle allume le four et met les grains de pavot sur la pâte. “Écoute le roulement des graines de pavot, avec Camille, on s’en délecte.” Effectivement, le doux roulis des graines évoque un subtil bâton de pluie. Elle mélange précautionneusement la pâte et la verse dans le moule à cake qui prend place au four.
“Avec mon ex-mari, je cuisinais et « on faisait alors famille ». D’un milieu populaire, sa famille cuisinait. Ses parents avaient une poissonnerie rue Lepic à Paris. Depuis que l’on est divorcés, j’ai Camille à la maison une semaine sur deux et il y a toujours un temps d’adaptation, ce n’est pas facile. Quand je suis seule je ne cuisine pas.” Camille confie : “je cuisine souvent avec papa”. Peut-être cette transmission et ce partage d’une maison l’autre va grandir, pour leur joie commune.
Emmanuelle s’occupe du glaçage : elle mélange intimement le sucre glace au jus de citron. Ça y est, ça sent bon… encore quelques minutes avant de sortir le gâteau du four, le napper du glaçage au citron et… “Camille, c’est l’heure du goûter !”
La cheffe découpe le gâteau tiède. Je croque avidement et la saveur sucrée et acidulée du glaçage précède le moelleux de la pâte. Les petites graines de pavot semblent éclater doucement sous le coup de dent… C’est un goûter exquis !
Malika Moine
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