Grand déballage avec Kusnir au FRAC
Michel Samson poursuit son analyse de la vie artistique locale. Et suivre par la même occasion une saison culturelle marquée par les grandes ambitions de MP2018. Cette semaine, il s'est rendu au fonds régional d'art contemporain pour une exposition déroutante.
arlos Kusnir au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur - Photo © Jean-Christophe Lett
Carlos Kusnir vient d’arriver au fonds régional d’art contemporain (FRAC), et nous dit : “La salle d’en bas, je l’ai vraiment pensée comme un ensemble, une espèce de groupe, chaque peinture a son mot à dire.” On descend donc dans l’immense pièce triangulaire du FRAC. Sur le mur de droite, blanc, sont accrochées cinq petites peintures rectangulaires et abstraites auxquelles sont rivés des gants de caoutchouc grisâtres. Un gant de chaque côté et à la même hauteur sur l’une ; un seul gant sale sur le dessus de l’autre…
On les regarde, un peu étonnés, avant de contempler les grands panneaux de bois peint et découpés, installés de guingois et surmontés d’une longue pancarte sur lequel on lit “Coiffure” en grandes lettres capitales. On lit “Démocratie” sur une autre, en face. On s’approche des panneaux, c’est du contreplaqué sur le dos duquel on peut lire “Contreplaqué Plysorel. Navyply, NF extrèrieur CTB 11-2”. Celui-ci, sur lequel a coulé de la peinture jaune et orange, s’appuie sur une béquille de bois mais tient aussi au sol grâce à des petits sacs de toile de jute blancs. Sur un autre pend un drapeau rouge, sur son voisin un drapeau tricolore, bleu/blanc/rouge. Trois d’entre eux ont la forme de grands peignes. Il y a une autre béquille en bois. Ah tiens, en bas à droite de celle-ci un visage de chien, très figuratif lui, probablement issu de lithographie…
Cet ensemble de quinze toiles (peut-on appeler du contreplaqué peint des toiles ?) donne une impression de provisoire bricolé, presque posé au hasard, et je remarque alors qu’une musique, rythmée, semble faire partie de l’installation. D’ailleurs à l’autre exposition Kusnir à la Friche de la Belle de Mai, il y a aussi de la musique. J’avais pensé que c’était parce que sur la toile, devant laquelle sont posées deux chaises, on peut lire un immense « Je suis au café ».
Au premier étage du FRAC, suite de l’exposition : toujours du contreplaqué peint. Sur ce panneau, 4 mètres sur 3, jaunâtre, marron, noir, figure un seau rouge. Sont appuyés sur le panneau cinq vieux balais, des vrais, pleins de peinture sèche, un manche cassé, tous en mauvais état. Sur un plus petit panneau grisâtre, 1,50m sur 2, quatre tâches marrons très angulaires. Est appuyée sur lui une planche à repasser dont le tissu est déchiré. Pourquoi sur cet autre voit-on une tête de coq, impeccablement lithographiée ? Ou un chien, un basset qui semble nous regarder ?
Yeux verts clair, cheveux blancs, sourcils noirs, mal rasé Carlos Kusnir est assis face à une quinzaine de curieu.ses.x : une vingtaine de personnes, quatre hommes seulement…
– Pourquoi coiffure et démocratie ? demande celle-ci.
– Allez-y déballez…, répond Kusnir qui ajoute aimer qu’on interprète ce qu’on voit.
Puis : Je ne suis pas conscient au moment où je fais des choix. Je n’avais pas fait le lien entre le mot coiffure et les peignes.
– Pourquoi des peignes justement ?, demande une autre
– Je me promène souvent aux marchés de la Plaine ou de Castellane, j’avais acheté quatre ou cinq peignes, ils étaient dans mon atelier…
– Et pourquoi Démocratie ?
– Ah, oui, oui, oui, oui… Bon, j’avais décidé que les personnages – oui, les peintures sont des personnages – seraient… Bon, en tous cas les gants de caoutchouc applaudissent le groupe : c’est le public, un peu comme quand on voit passer des manifestants.
– Je tiens à ce qu’on voie que c’est du contreplaqué peint, qu’on ait la notion de décor, comme quand on voit les coulisses ou les échafaudages : je ne voulais pas rendre l’exposition « artistique », vous voyez ?
– Vous préparez longtemps les expositions ?
– Je prépare beaucoup, je fais des esquisses, des maquettes ; cinq ou six mois pour cette exposition, je laisse couler la peinture et je vois ce qui arrive, je mets les toiles verticales, horizontales –oui, j’ai un lumbago…. Je conçois les expositions comme un évènement, j’essaie de voir comment les éléments jouent entre eux. D’ailleurs je mets la musique aussi pour ça. Certains artistes font leur tableau et restent dans leur atelier : ce qui arrive à leur tableau, après, à l’extérieur, ne les intéresse plus. Ils ont de la chance, je suis jaloux, moi je peux pas.
– Êtes-vous optimiste ou pessimiste ?
– Quelle importance… ? Des gens disent que j’ai de l’humour. C’est mon caractère qui est comme ça.
– La musique c’est un groupe jamaïcain des années 60 dont vient le ska, c’est les Skatalites.
Le catalogue de l’exposition indique que Carlos Kusnir est né en 1947 à Buenos Aires -ce qui explique son léger accent…- et que “la pratique de l’artiste […] repousse non sans jubilation, espièglerie et humour les enjeux formels de la peinture”. C’est exactement ça.
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Les expositions au FRAC sont TOUJOURS déroutantes … C’est ce qui fait leur charme, quand on a envie de s’y prêter… et leur limite si on est pas d’humeur. J’avoue que je n’ai pas été transporté par la salle à la Friche mais le fait de peindre sur une multitude de support reste intéressant.
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