[Entre les lignes] Sur le pif, après le PAF

(Illustration Ben8)

C’est Djumwa* aujourd’hui, alors je cours pour arriver à l’heure à l’office de la Savine 🙏. Parce que cela fait plusieurs semaines qu’on nous a sucré le tram 🚊 depuis Alcazar jusqu’à Arenc le Silo suite à un incendie criminel dans le parking situé sous la place Sadi-Carnot et rue de la République 🅿️ [trafic redémarré tout juste le 12 avril, ndlr]. Ils doivent, paraît-il, faire des travaux de renforcement, car le sinistre en a fragilisé certaines parties ⚒️. La société Indigo qui en a la gérance en profite d’ailleurs pour effectuer des travaux qu’ils ont toujours repoussés à demain 🚧. Ce qui semble également faire les affaires de la RTM qui a avancé un chantier prévu pour l’été 2024 : remplacement des rails 🎢, de leurs supports et rénovation du revêtement et des pavés au niveau de l’Alcazar 📚. Tout le monde semble donc y trouver son compte, sauf nous autres passagers ainsi que les commerçants du haut de la rue de la République qui font grise mine 😕😞 : absence de parking et de tram égal moins de passants et donc de potentiels clients 🛍️.

Je suis donc quitte pour une petite marche sportive🚶‍♂️ jusqu’à la station de métro Joliette Ⓜ️. Cette dernière, rénovée et plus lumineuse, a hélas perdu de sa personnalité : elle ressemble à s’y méprendre à la Gare Saint-Charles en miniature 🚇.

Arrivé devant les nouveaux PAF (comprenez par là : Portique Anti Fraudes), un homme d’une quarantaine d’années attend de pied ferme “le petit train” 🚂 qui va lui permettre de voyager sans titre de transport.

“Je passe avec toi”, m’informe-t-il avec son accent de l’Est aromatisé de vapeur d’alcool 🍺, sans attendre ma réponse.

Je pointe donc notre ticket 🎟️, franchis le portillon d’accès 🚧 mais lui se fait presser comme une crêpe entre les deux battants 😰🥞. Il réussit tout de même à passer, mais il a mal. Très mal. Et il me le fait savoir.

– “Putain, ça fait mal. Toi, pas assez Rapide.

– Désolé.”

(Donc pour lui c’est de ma faute wesh. Va te plaindre à ceux qui ont décidé de remplacer les tourniquets par ces “armes fatales” anti-pauvres. C’est à cause de gens comme toi que les vérificateurs (c’est le terme que le groupe emploie dans son film publicitaire) dressent chaque année près de 100 000 procès-verbaux. Et le manque à gagner s’élève à 25 millions d’euros pour la régie ou plutôt le groupe RTM (oui, vous avez bien lu). Une enquête dresse même le palmarès des lignes les plus fraudées (je tiens à informer que ma ligne 30 n’y figure pas dans le top trois 😉😁).

Bref, je laisse cet ingrat râler sa douleur et je descends vers mon quai, où deux gaillards qui semblent être des sans-abris squattent les sièges 💺. Un sac noir les sépare. Les deux sont déjà pompettes, mais continuent de s’enfiler des bières 🍻 tout en fumant des cigarettes roulées 🚬.

Sur le quai d’en face ; bonnet sur la tête, veste bleue 🧥, pantalon noir 👖 et baskets blanches 👟, mon resquilleur avec son accent arrive et leur signifie tout son mépris à grand renfort d’insultes et de gestes obscènes.

Le resquilleur : “Enculés ! PourRituRes ! (doigts d’honneur) 🖕

Premier gaillard : Ta gueule toi.

Le resquilleur : Bande d’enculés ! C’était pouR nous tRois (bras d’honneur) 🦾

Second gaillard : T’as des chaussettes à la con, comme toi.

Le resquilleur : Je t’emmeRde. (Double doigts d’honneur) 🖕🖕

Premier gaillard : Tu vas faire un petit footing jusque dans ton pays ? 😁

Second gaillard : Je te pisse à la raie sale con.”

Alliant la parole au geste, ce dernier va jeter sa canette vide à la poubelle 🚮 puis part se soulager au bout du quai.

Second gaillard : “Tu vois ? J’te pisse dessus sale con”.

Lorsqu’il finit de se soulager, il revient vers son collègue et plonge sa main dans le sac pour en sortir l’emballage des canettes.

Second gaillard : “Mais, il est vide. Tu as pris ma troisième ! Tu m’en as bu un ! 🍺

– J’te jure, j’ai eu que deux. C’est ma troisième.

– M’emboucane pas, il nous a donné un pack de six. J’en ai bu deux, donc il me reste un 🍻

– J’en ai bu que deux, c’est ma troisième 🍻

– Tu me prends pas pour un con. J’en ai bu que deux. Celui-là c’est le mien. Rends-le-moi.

– C’est mon troisième. Tu as déjà bu le tien.

– C’est le mien que tu es en train de boire 🚰

– Non, c’est le mien, c’est mon troisième.

– Il est où le mien ? J’en ai bu que deux 🍻

– J’sais pas. C’est pas moi qui l’a pris.

– Si c’est pas toi, c’est qui alors ?

– Tu l’as déjà bu.

– Sur ma vie, si tu me le rends pas, j’te jure, j’vais te fracasser la tête.

En face, l’autre se met à rigoler à gorge déployée 🤣.

– Bien fait ! Il t’a aRnaqué. Comme vous m’avez aRnaqué.

– Ferme ta gueule toi 🤫, on t’a rien demandé le clando”.

Mais l’autre en face ne l’entend pas de cette oreille et continue de le charrier 😆. Et ce qui devait arriver arriva :

Premier gaillard envoie un pain dans le pif à son pote 👊 qui tombe à la renverse. La canette de bière roule par terre, mais dans un réflexe digne d’un athlète de haut niveau 🎾, Second gaillard l’attrape avant qu’elle ne se vide de son contenu. Assis par terre, tout en recevant les coups de son collègue dans le dos 🤛, il la porte à ses lèvres 👄 puis la descend d’une traite 🚰. Un vrai champion 🥇.

En face, l’autre resquillleur râleur est mort de rire (tout autour également, mais intérieurement). Il sort alors une canette de sa veste et la soulève dans les airs comme une coupe 🏆.

– C’est moi qui l’a. C’est moi qui l’a. Je l’ai pRis tout à l’heuRe. Je vous connais. Bande de connaRds 🤣🤣🤣.

Bien sûr, avec tout ça, j’en ai raté mon métro tellement la scène m’a amusé. Et aussi la prière collective de ce vendredi saint pour les musulmans 🙏. Je ne sais pas si Dieu me pardonnera, mais les lecteurs de ma chronique mensuelle comprendront. Enfin, j’espère.

*Djumwa : vendredi en arabe, jour de prière collective recommandé pour les musulmans comme le dimanche l’est pour les chrétiens.