Christian Estrosi peut-il vraiment se passer de la SNCF ?

Actualité
le 6 Oct 2016
3

Le président du conseil régional a annoncé mercredi la rupture de toute discussion avec la SNCF, avec qui la région doit pourtant signer une convention d'ici la fin de l'année. L'élu évoque cinq pistes pour esquiver son monopole sur le ferroviaire, mais ces perspectives sont partielles ou lointaines.

Photo Pierre Ciot / Région PACA.
Photo Pierre Ciot / Région PACA.

Photo Pierre Ciot / Région PACA.

Cela s’appelle renverser la table. Ce mercredi dans une salle du conseil régional, Christian Estrosi présentait le bilan des négociations avec la SNCF pour le renouvellement de la convention qui durait depuis 10 ans et s’achève à la fin de l’année. Le résumé tient en un mot : stop. “Nous avons décidé de siffler la fin de la partie et de prendre nos responsabilitésNous rompons toute discussion avec la SNCF”, a-t-il annoncé. Cette rupture intervient deux jours après un entretien avec le président de la SNCF Guillaume Pépy qui lui aurait, selon son récit, promis un énième “plan de redressement” de la qualité de service.

Retards, suppressions de trains, grèves, coût du service trop élevé… La liste des griefs est longue et culmine avec l’épisode de la rentrée, avec de nombreux trains supprimés faute de conducteurs. Christian Estrosi dénonce “une gestion calamiteuse des personnels conducteurs qui amène à l’annulation des trains pour cause de pénurie alors même que le plan de circulation des trains est arrêté et commandé par la Région auprès de la SNCF depuis près de deux ans ! Chaque jour, près de 40 trains pourtant commandés par la région ne circulent pas. C’est intolérable.”

Le ton est dur et les mesures qui suivent se veulent fortes. Pour illustrer ce gel des discussions, c’est “unilatéralement” que le tarif du service pour 2016 sera fixé. Au lieu des 291 millions d’euros censés être versés, les élus régionaux seront invités le 3 novembre à voter un budget réduit de 36 millions, en accord avec un audit commandé par la collectivité. “Je n’ai pas l’intention de faire payer aux 5 millions d’habitants de notre région les délires tarifaires de la SNCF”, assène l’élu LR, mécontent du refus de l’entreprise ferroviaire de justifier ses charges. Face à cet oukase, la SNCF n’a pas souhaité réagir dans l’attente d’avoir le détail des chiffres avancés. Et d’étudier la possibilité d’un recours ? Pour l’heure, c’est à la région, son client, qu’elle réservera la primeur de sa réponse.

Entre convention obligatoire et recours au privé encore interdit

C’est que malgré le fermeté affichée par Christian Estrosi, le retour au dialogue semble inéluctable car la conclusion d’une convention entre chacune des régions et la SNCF est rendue obligatoire par la loi. Du côté de l’entreprise publique, on note que le contrat actuel court encore jusqu’au 31 décembre. Le scénario inédit d’un service sans contrat est donc encore fictionnel. Dans un courrier adressé mardi à Christian Estrosi, dix-sept associations d’usagers lui demandaient d’envisager “le prolongement (de 6 mois voire un an) de la convention en vigueur”, afin de faire baisser la pression et surtout de prendre le temps de concerter.

Si les “assises de la mobilité” annoncées entre fin octobre et avril semblent aller dans leur sens, la région cherche d’abord à établir un rapport de forces avec la SNCF. Dans cette optique, Christian Estrosi a dégainé “cinq pistes” présentées comme des alternatives au “monopole de la SNCF”. Des pistes pour l’heure partielle ou hypothétiques. La première est, à l’instar de plusieurs de ses homologues, le recours au privé. Pour l’heure, seuls les trajets internationaux sont concernés, à l’image de la ligne Thello Marseille-Milan. “Dès 2019, nous voulons expérimenter l’ouverture à la concurrence sur le rail et même avant si l’État nous le permet”, indique-t-il, ciblant la ligne Marseille-Nice. En juin, une délégation de présidents de régions avait obtenu de Matignon l’engagement de porter un projet de loi pour permettre une telle expérimentation… mais sans calendrier. Histoire de devancer cette promesse, “les parlementaires de notre majorité vont déposer une proposition de loi”, ajoute Estrosi. Un processus qui n’a aucune chance d’aboutir d’ici les échéances électorales de 2017…

Deux mesures réchauffées

La deuxième piste a fait sourire (jaune) Jean-Yves Petit, vice-président aux transports EELV de la précédente majorité qui a publié un communiqué en réaction aux annonces d’Estrosi. Il s’agit de “la création d’un groupement européen de coopération territoriale qui associerait au moins Monaco et la Ligurie en Italie. L’objectif est de permettre à un autre opérateur de faire circuler des trains sur la ligne Azur entre Cannes et Monaco jusqu’à Gênes.” Réaction de l’ancien élu : “C’est quelque chose sur lequel on travaillait depuis deux ou trois ans ! Une lettre d’engagement a même été signée en juin 2015. Mais c’est bien de poursuivre cette démarche, qui permettrait notamment de récupérer 10 millions d’euros de contribution de Monaco, qui aujourd’hui ne paie rien.”

Idem pour la “mise en place d’une régie pour obtenir l’autorisation d’organiser certaines lignes de transport ferroviaire sur le modèle des chemins de fer de Provence”. “Cette régie existe depuis trois ans et nous avons justement fait attention à ce qu’elle ne soit pas dédiée aux chemins de fer de Provence mais puisse aussi bien exploiter des lignes de cars  ou d’autres lignes ferroviaires”, commente Jean-Yves Petit. À l’époque, il s’agissait surtout de pouvoir prendre le relais en cas de fermeture d’une ligne nationale, comme celle de la Roya.

Moins de trains, plus de cars ?

Quant à la mise en place de cars de substitution sur la ligne Grasse – Cannes, fermée pendant un an pour travaux, la démarche est tout à fait classique… si ce n’est qu’elle illustre une orientation claire de Christian Estrosi. Au 1er janvier 2017, une petite révolution va s’opérer avec le transfert vers les régions des lignes interurbaines d’autocar aujourd’hui assurées par les départements (sauf dans les métropoles de Nice et Aix-Marseille Provence). La région pourrait donc redéfinir son offre et remplacer certaines lignes ferroviaires par le car. Mais sur certains trajets, le nombre important de passagers transportés par les trains rend impossible sa substitution par des cars, forcément limités en places.

“Si l’on fait à l’avenir « moins de trains » ce sera pour faire « mieux de train »”, formule Christian Estrosi. Sur ce point au moins, il est en parfait accord avec la SNCF. Pour justifier ses difficultés, elle souligne régulièrement les cadences importantes commandées par la région sur une infrastructure obsolète…

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. CAN. CAN.

    Après avoir désespéré le Conseil Régional de Gauche, la SNCF exaspère le Conseil Régional de Droite. En ce sens, le management de la SNCF a réussi à faire consensus

    Signaler
  2. JL41 JL41

    Un peu théâtral ? La question est peut-être de savoir combien d’eau Estrosi mettra dans son vin ? Pour un certain nombre d’observateurs on va voir le maçon au pied du mur d’un changement de politique.

    Il y a une dizaine d’années, lors d’une réunion à l’UPE 13, le directeur régional de la SNCF était venu dire aux patrons (je résume) que s’il y avait ouverture à la concurrence, ils avaient intérêt à choisir la SNCF, sinon ce serait la grève.

    Signaler
  3. Frédéric COTTA Frédéric COTTA

    Bientôt il va nous ressortir l’enveloppe Européenne négociée par son prédécesseur en disant que c’est grâce à lui …

    Quelles seraient les vraies solutions ? Une régie de train comme avant la nationalisation de la SNCF ?
    Mais il nous prend vraiment pour des couillons Christian … Il pense qu’on va continuer à payer les autoroutes à prix d’or dans la région, qu’on va continuer à financer (via les impôts nationaux) la SNCF (et la politique pourrie de sa direction vis à vis des TER qu’elle estime moins rentable que le TGV) et qu’en plus on va se payer une folle augmentation des impôts de la Région pour ses beaux yeux ??
    Ce gars est un fumiste ! un fumiste démago qui a complètement craqué !

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire