Un centre de santé ranime le cœur de la cité Kalliste
Depuis janvier, la Villa Valcorme, ancien château abandonné du Parc Kalliste (15e), abrite un centre de santé. Nommé Le Château en santé, le lieu a vocation à offrir une aide médicale sur le modèle de la "thérapie communautaire intégrative" à une population écartée de l'offre de soin.
Un centre de santé ranime le cœur de la cité Kalliste
Le bras en écharpe, Katherine, 27 ans, rentre doucement chez elle en ce début d’après-midi ensoleillé du mois de mars. Elle sort du centre médical de la cité du Parc Kalliste (15e arrondissement) qui vient de prendre ses quartiers dans la Villa Valcormes. “Je l’ai connu par ma petite soeur, qui est venue par hasard, prend-elle le temps d’expliquer. Ce château, je pensais qu’ils allaient le démolir. Mais non, et c’est une bonne chose qu’ils aient ouvert ça ici. Parce que sinon, il n’y a qu’un médecin généraliste. Là, en plus, on peut voir des infirmières, des assistantes sociales…” Bref, que du bénef’, pour cette jeune employée née dans le quartier.
Pendant de longues années, la vieille bastide aux volets clos ceinturée par l’école du quartier et les barres B, G, H et I a été l’objet de nombreux fantasmes parmi les habitants. Il faut dire que le gardien – surtout ses deux molosses – ont inquiété nombre de minots de Kalliste. Lors d’une première journée portes-ouvertes, à l’automne 2017, “beaucoup nous ont parlé des fantômes qu’ils imaginaient roder ici”, se souvient Julien Sallé, médecin généraliste et membre de la petite équipe qui a investi les lieux, remplaçant les hypothétiques âmes errantes.
Depuis janvier, après sept mois de travaux, la demeure abrite donc un centre de santé nommé Le Château en santé. Qui n’est autre que l’aboutissement d’un projet un peu fou porté depuis de longues années par une association regroupant des médecins généralistes, infirmiers, médiatrices de santé, assistante sociale et orthophonistes ayant une conception toute particulière de leurs professions. “Tous, ici, ont un petit problème… Dans leur rapport à l’autorité !”, glisse Jérôme Camil, le gestionnaire, rigolard. “Nous réalisons ici notre idéal”, reprend plus sérieusement Julien Sallé. En terme de fonctionnement collectif, tout d’abord, puisqu’ils se sont organisés de manière non hiérarchique. “Le leadership est partagé, nous avons une réunion hebdomadaire où les décisions importantes sont discutées puis validées en groupe, complète Jérôme Camil. Et nous tendons à l’égalité salariale.”
Un lieu éloigné de l’accès aux soins
De doux rêveurs, les docteurs ? Loin de là. Car monter un projet d’une telle envergure nécessite de retrousser vaillamment les manches de sa blouse blanche : dégoter le lieu, rencontrer les habitants pour définir avec eux leurs besoins, convaincre les pouvoirs publics de la pertinence de l’initiative, monter des dossiers de subvention, répondre à des appels à projets… “Nous avions l’idée, mais nous ne savions pas où nous installer, détaille Julien Sallé. Nous nous sommes appuyés sur une enquête de l’Observatoire régional de santé, qui pointait le manque d’accès aux soins à Kalliste. Nous avons donc commencé à travailler ici. Au début, nous ne pensions pas forcément au château. Puis nous avons tenté de négocier avec son propriétaire, mais sans succès. C’est la mairie qui l’a finalement racheté, en 2017, et qui nous le loue depuis à hauteur de 500 euros par mois pour les deux premières années.”
Pour effectuer les travaux, l’association a reçu des subventions du conseil régional, et de l’Etat, par l’intermédiaire de l’Agence régionale de santé et de la préfecture. “Une – petite – partie de l’enveloppe promise par Jean-Marc Ayrault lors de son passage à Marseille”, ajoute Julien. En novembre 2013, le premier ministre socialiste avait annoncé un plan de plus de 3 milliards d’euros pour venir en aide à la deuxième ville de France.
Consultation sous les fresques
“Nous sommes parfois pris pour des rêveurs par les pouvoirs publics, poursuit le médecin. Mais nous sommes aussi une aubaine pour eux, étant donnée l’offre de santé dans ce quartier. Jusqu’ici, il n’y avait qu’un médecin généraliste à Kalliste. Nous savons que, pour beaucoup, il est intéressant de nous mettre en avant. Mais cela nous permet de réaliser ce que nous avions imaginé.” Il semblerait effectivement que leur installation soit plutôt bien perçue, comme le confirment les propos de la sénatrice Samia Ghali.
Interrogée sur la création du Château en santé, l’ancien maire des 15e et 16e arrondissements affirme : “Je suis contente de l’arrivée de ce centre, d’autant plus que cela fait partie des projets financés par Marisol Touraine, [ministre socialiste des Affaires sociales et de la Santé sous la présidence de François Hollande, Ndlr]. Cela permet un rééquilibrage en terme de santé publique sur nos territoires, même si le compte n’y est pas, et qu’il en faudrait encore beaucoup.”
En attendant de voir les pouvoirs publics renouveler l’expérience, le Château prend doucement ses marques. Progressivement, les habitants découvrent son existence, et l’offre de soins proposée. La salle d’attente – où l’on peut se servir un café, trouver quelques lectures, accéder à un ordinateur, laisser les enfants s’amuser avec les jouets mis à disposition – est de plus en plus fréquentée, selon les occupants du lieu.
“Les consultations peuvent parfois durer une heure”
Les patients sont reçus dans différents cabinets, dont certains à la décoration surprenante : l’ancien propriétaire avait fait peindre des fresques sur les murs, lesquelles ont été conservées, voire même restaurées. “Pour le moment, nous faisons des consultations individuelles, nous prenons le temps, nous sommes à l’écoute, certaines peuvent durer jusqu’à une heure”, précise Julien Sallé. Parfois, des traducteurs sont présents pour faciliter les échanges, certains habitants du quartier parlant peu ou mal le français.
Thérapie communautaire
Mais l’objectif avoué de la petite équipe est de faire évoluer la relation classique patient-professionnel de santé. Et pour cela, ils ont un modèle : “Nous souhaitons, à moyen terme, développer ce que l’on nomme la “thérapie communautaire intégrative“, un concept créé dans les favelas brésiliennes, explique Christophe Roux, un des infirmiers du projet. Il s’agit d’organiser des rencontres entre professionnels et habitants pour que ces derniers prennent en charge collectivement certains problèmes de santé.” En résumé, cette thérapie consiste à “lutter contre l’isolement et l’exclusion” par le biais du collectif, mixer “savoir universitaire et savoirs populaires” et mettre en commun les expériences pour mieux faire face aux épreuves de la vie. Remettre la solidarité au cœur du soin, en quelque sorte.
“Il s’agit de permettre aux gens de se réapproprier leur santé”
“Nous nous présentons comme un centre de santé communautaire, mais dans le sens d’une communauté de personnes qui s’organisent. Il s’agit de permettre aux gens de se réapproprier leur santé, complète Julien Sallé. On connait une surmédicalisation dans de nombreux domaines, comme la précarité, la souffrance au travail… Cela relève d’autre chose que de la médecine. Les patients n’ont pas forcement besoin d’un toubib, ils ont tout à fait les ressources pour gérer un certain nombre de problèmes.” Conscient que la démarche puisse surprendre, le collectif “aborde cela en douceur”, et souhaite tout d’abord “autonomiser les patients dans leurs choix”.
“Certaines injonctions médicales ne sont pas applicables”
La démarche nécessite de connaître les problèmes de santé rencontrés par les habitants de Kalliste. Ce qui, après quelques mois de pratique, ne manque pas d’être le cas. “Nous constatons qu’il y a beaucoup d’asthme chez les petits, souvent lié à un habitat insalubre, très humide, détaille Julien Sallé. On trouve aussi des enfants très actifs, qui ont des difficulté d’apprentissage, et puis des problèmes d’obésité. Nous réalisons aussi que les injonctions médicales ne sont pas toujours applicables. Contre l’obésité, par exemple, il y a des aliments à privilégier. Mais les habitants achètent ce qu’ils peuvent, en fonction de leurs situation économique, souvent difficile, et de l’offre alimentaire dans les quartiers.” Il poursuit : “Ensuite, nous avons rencontré beaucoup de femmes débordées, tristes, qui ne s’occupent pas d’elles”, ce qui peut favoriser certaines pathologies.
“Il y a aussi une importante demande sur le plan gynécologique, sur des problèmes d’infertilité, de contraception, et sur la sexualité en général, complète Edwige Poutot, elle aussi médecin généraliste. Il y a un vrai besoin de consultations individuelles.” La proposition du travail en groupe viendra donc plus tard, surement une fois les liens et la confiance établies… En attendant, les habitants défilent un à un dans ce lieu hors du commun. Eux aussi tâtent le terrain, viennent prendre leurs marques et découvrent le fonctionnement du château. C’est le cas de Latiffa, habitante du Parc Kalliste : “Depuis septembre, je cherchais une orthophoniste pour ma fille, mais il n’y a de place nul part… Ou alors, il faut descendre au centre-ville. Ici, nous avons eu un rendez-vous tout de suite”, s’étonne-t-elle. Un rendez-vous immédiat, obtenu presque comme par magie.
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Commentaires
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voilà un article qui met enfin un peu de baume au cœur, bravo !
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Bravo.
Saluons cette initiative et la pêche de cette équipe
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Une très belle initiative d’un groupe de professionnels de la santé qu’il faut saluer.
A quand une politique semblable de la santé tant sur le plan municipal, régional et national ?
– Pour les problèmes d’asthme dus à l’insalubrité de l’habitat (que fait la ville de Marseille)
– Pour les difficultés d’apprentissage des enfants (que fait l’Education nationale ?)
– Pour les problèmes d’obésité dus à l’offre alimentaire (problème de normes et de réglementation, que fait le gouvernement Macron et le Parlement Macron ?)
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Merci pour ce bel article qui met en avant une équipe professionnelle et impliquée depuis plusieurs années sur le territoire de façon bénévole, qui arrive enfin à ouvrir!! Bravo à eux et aux habitants et partenaires de terrain de Kallisté de les avoir suivi et surtout d’y avoir cru.
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Excellent initiative, bravo à l’équipe En utilisant intelligemment « nos impôts » pour financer les locaux Gaudin aurait-il été saisi par la grâce à la suite de son voyage à Rome ? Espérons que ne ce que soit qu’un début et qu’il accorde ,enfin, la priorité aux écoles et aux équipements sanitaires et sportifs des quartiers pauvres ! Ezéchiel a dit « Ce n’est pas la mort du pécheur que je ( Dieu )désire, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. » Ez. 33,11
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Enfin, que se passe t-il une belle initiative en faveur des quartiers nord ! Un manque criant de medecins, sans aucun doute je vais prendre rendez-vous rapidement.
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Bravo à l’équipe et aux institutions qui les ont soutenus.
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