Avec le chef Jean-François Piège, la résidence Sea One prend toujours ses aises aux Catalans
La résidence Sea One, qui doit accueillir le chef étoilé, et la Ville de Marseille n'arrivent toujours pas à concilier le projet privé et l'ambition publique de réaménagement de la plage des Catalans. La mairie a finalement accepté une médiation proposée par le promoteur, qui souhaite obtenir un accès à la plage pour son futur restaurant.
Des palissades séparent aujourd'hui la résidence Sea One de la plage des Catalans. (Photo : JML)
Sur la digue longeant l’anse des Catalans, un menu de Noël barré d’un imposant tag est le seul vestige du dernier restaurant qui surplombait la plage. Mais le lieu devrait bientôt connaître une nouvelle actualité culinaire. En octobre, un chef doublement étoilé, Jean-François Piège, a annoncé son arrivée à Marseille. Le lieu précis n’a pas été dévoilé, mais c’est bien en bordure de cette plage populaire que la franchise Mimosa du médiatique cuistot s’installera. Elle pourra ainsi mettre en cohérence son implantation et l’inspiration méditerranéenne de ses menus entrée-plat-dessert, servis à Paris au prix de 70 euros par tête.
L’annonce de cette arrivée peut pourtant paraître hâtive. À ce stade, le cadre du futur restaurant, en particulier son accès à la plage, ne sont pas encore acquis réglementairement. Mais les promoteurs du Sea One, la résidence de luxe dessinée par Rudy Ricciotti où Jean-François Piège doit installer ses pianos, l’imaginent de longue date. Lancé en 2017, le projet qui a remplacé les bâtiments abandonnés de l’usine Giraudon a toujours guigné une ouverture vers le sable et la mer. “J’avais bien compris qu’il y avait cette volonté dès l’origine, se souvient Didier Réault, conseiller municipal LR alors adjoint au maire chargé du littoral. Nous avions refusé cette terrasse de restaurant pour in fine, avoir un accès à la mer. Ils espéraient privatiser la dalle, le compromis a été de conserver cet espace comme public.”
L’accès plage, enjeu vieux comme le projet de résidence
L’idée n’a pourtant jamais été abandonnée. Sur son site, le promoteur Sud Réa continue à afficher une ouverture sur la plage, là où le premier permis de construire accordé sous Jean-Claude Gaudin promettait une pièce aveugle. Ses tentatives de modification du contrat passé ont jusqu’à présent toujours échoué. La dernière date de 2022. L’adjointe à l’urbanisme d’alors, Mathilde Chaboche, avait tenu la position historique. Sud Réa a alors attaqué le refus de permis de construire au tribunal administratif. L’entreprise a ensuite proposé une médiation sous l’égide du tribunal que la mairie a fini par accepter, sur fond de débats internes sur la légalité du refus de permis. Elle est en cours devant le tribunal administratif depuis le 5 août. “De ce fait, nous ne faisons pas de commentaire”, précise l’avocat de Sud Réa, Olivier Grimaldi.
Contactée, la Ville de Marseille n’a pas souhaité s’exprimer non plus, car la médiation est “protégée par un principe de confidentialité”. Son élu délégué à l’urbanisme Éric Méry n’a pas fait de commentaire. Hervé Menchon, adjoint au littoral, a, lui, précisé : “Je ne souhaite pas faire de commentaire sur cette médiation tant que je ne suis pas assuré que les intérêts de la Ville de Marseille comme des Marseillaises et des Marseillais ne sont pas préservés”.
Cette volonté de transiger ressemble à une ouverture pour décoincer un dossier d’urbanisme particulièrement encalminé. “Pour moi, sur ce dossier, rien n’avance, tout est bloqué”, s’agace Hubert Attali, le patron de Sud Réa. Cette fois, il semble que les vents ont changé. Alors qu’il avait appuyé et même contraint les positions municipales exprimant ses craintes de “privatisation rampante”, l’État se montre bien plus ouvert aux demandes du promoteur. “En raison de la limite avec le domaine public maritime (DPM), si la ville demande un avis à la direction départementale des territoires et de la mer pour des ouvertures d’un restaurant vers le DPM, l’avis sera favorable”, relaie la préfecture. Avant qu’une éventuelle autorisation d’occupation temporaire de cet espace public puisse consacrer une terrasse ? “Les créations d’ouverture se traduiraient, forcément, par une privatisation de fait de l’espace public attenant impliquant des conséquences potentielles inextricables de gestion ultérieure de cet espace”, avaient estimé en interne les fonctionnaires municipaux de la direction de la mer, pilote du projet.
Le projet public de l’anse des Catalans est à l’arrêt
Ces ouvertures vers la future dalle qui s’installera au nord de la plage à l’occasion de son futur réaménagement et débouchera sur un nouvel accès à la mer sont le cœur du contentieux. La Ville, qui veut prévenir les risques de submersion ne souhaite pas, qui plus est, abaisser exagérément l’équipement. Le promoteur veut, lui, que le futur équipement public colle avec l’architecture de sa résidence et n’oblige pas ses résidents à gravir quelques marches pour y accéder. Selon nos informations, ce litige bloque aujourd’hui l’avancée du nouvel aménagement à 11 millions d’euros voulu par la Ville, conçu par l’architecte Yvann Pluskwa et déjà présenté en concertation publique. Un temps annoncé en juin 2023, le permis d’aménager n’a toujours pas été déposé. En attendant, de laides palissades et un terrain en friche séparent l’immeuble de la plage.
Malgré l’objectif d’une “cohabitation apaisée”, ce n’est pas la première fois que les deux projets s’entrechoquent. De rudes batailles ont émaillé l’histoire récente des Catalans. Le projet Pluskwa prévoit ainsi la construction d’une longue passerelle en bois permettant notamment l’accès à la plage des personnes à mobilité réduite. “Une rampe serpentée, de 4,80 mètres de large et 98 mètres de long dont 60 mètres passerait au niveau des fenêtres de notre immeuble”, avait protesté le promoteur auprès de la Ville selon un document que Marsactu s’est procuré. Selon nos informations, ceux-ci ont tenté au fil des ans d’obtenir une modification du projet avec un accès côté Sud, le long de l’hôtel des Bords de mer. Ils ont aussi poussé pour l’option d’un ascenseur que le sable et le sel ont fini par condamner.
Sur ce point, la Ville de Marseille a donc tenu bon malgré les offensives du promoteur. Elle avait en revanche été mise devant le fait accompli quand le promoteur avait, contraint par la vétusté de l’équipement, détruit les vestiges du mur du Lazaret qu’il promettait de conserver. Une régularisation a posteriori avait été signée par la mairie, ce qui ne l’avait pas empêché de transmettre un relevé d’infractions au procureur de la République. Alors en poste, Dominique Laurens avait donné suite à cette saisine en ouvrant une enquête préliminaire portant aussi sur les ouvertures promises au futur restaurant. Cette enquête est selon nos informations toujours en cours. La médiation devant le tribunal administratif n’attendra pas ses conclusions pour se nouer.
Commentaires
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Tenez bon la Mairie ! L’offensive est puissante, mais il faut tenir bon. Déjà que ce bâtiment est très mal intégré dans son environnement, si en plus il y a cette continuité entre la plage et sa terrasse, ça va devenir “sa” plage. Pour des raisons de “sécurité” on ne pourra pas mettre notre serviette trop près de la terrasse, des vigiles voire des cordons, ou des matelas de plage…, seront posés sur le sable
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La mairie n’a aucune envie de tenir bon; cela a déjà coûté leur postes à plusieurs fonctionnaires. Tout se fera . Passez votre chemin
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A qui vous dites passez votre chemin?
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Ben alors Jack, on se croit en Albanie ?
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il est évident que ces rapaces grignoteront l’espace pour le privatiser au fur et a mesure.
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On peut s’étonner de la position favorable de l’État au projet du promoteur… Ce serait intéressant de connaître les arguments de la Préfecture car on peut légitimement se questionner sur l’intérêt public du projet, qui va faire cohabiter un restaurant haut de gamme à 70€ avec une plage populaire. On imagine déjà les tensions à venir !
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Et surtout que la Préfecture ne prenne pas en comptele risque submersion??
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Le préfet, c’est bien la personne aux ordre du ministre de l’intérieur , lui même aux ordres du 1er ministre, donc actuellement du président ?
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La voix de la raison, c’est celle des fonctionnaires du service de la mer : “Les créations d’ouverture se traduiraient, forcément, par une privatisation de fait de l’espace public attenant impliquant des conséquences potentielles inextricables de gestion ultérieure de cet espace”
Il faut ARRETER avec les privatisations du littoral, que le restau resta dans son béton hideux, avec des fenêtres sur la plage, c’est largement suffisant
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bien d’accord. il y en a marre des privatisations du littoral.
par ailleurs, béton hideux ! certes ! qu’est ce qu’il est moche ce batiment !
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Ce message n’engage que moi, mais je pense être représentatif d’un certain nombre d’électeurs du PM en 2020 et je suppose qu’un certain nombre d’élus de la majorité municipale lisent ce journal, donc voilà:
Je peux comprendre que beaucoup de projets coûteux annoncés au programme ne soient pas mis en oeuvre au vu des finances de la ville. J’ai toujours maintenu mon soutien cette équipe du moment que l’intention de préserver l’espace public était là (villa Valmer, futur espace baignade du Mucem, ouverture tardive des catalans, etc ).
En revanche, si après nous avoir fait participer à plusieurs réunions publiques et des ateliers de concertation en présence de l’architecte Y. Pluskwa, la mairie finissait par céder et concédait le moindre cm2 au Sea One (y compris sous la forme d’une AOT temporaire), j’aurais sincèrement l’impression d’être pris pour un con et ce serait là mon point de non retour.
J’ose encore croire, même si l’article m’inquiète au plus haut point, que cette médiation n’est qu’une étape obligatoire pour montrer sa bonne volonté dans le règlement de ce litige et que nous n’aurons pas droit à un énième tweet de la maire de secteur pour saluer une “belle rencontre”, un “bel échange”, une “belle reculade”…
Soyons honnêtes et arrêtons la langue de bois, le risque n’est pas ici celui d’une privatisation “rampante”. Celle-ci est inscrite depuis le départ au coeur du projet Sea One qui outrepasse depuis le départ ses limites déclarées et trahit ses engagements (en matière de conservation, notamment) . On a affaire ici comme à la villa Valmer à un promoteur avec une volonté très transparente d’accaparer l’espace public et de le transformer à son profit et qui n’a pas dévié d’un iota depuis le départ du projet. Reconnaissons-lui au moins le mérite de la transparence, il y a même des “photos” à l’appui.
Alors je vous en prie, M. Menchon ! Jusqu’à présent vous avez fait du (très) bon travail. Tous ceux qui fréquentent le littoral et s’intéressent à la vie publique locale sont obligés de le reconnaître. Ne lâchez pas sur ce dossier !
M. le Maire, vous vous êtes investi personnellement sur le dossier de la villa Valmer, il serait incompréhensible que vous n’ayez pas la même fermeté ici. Si la villa était un symbole aux yeux des marseillais, que dire de la plage des Catalans, la seule du centre-ville!
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Je partage en tout point ces propos.
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Faute de courage de la part de la Ville pour dégager les restaurateurs qui prenaient leurs aises sur la plage de Bonneveine et sur celle de Borély, il a fallu un arrêté préfectoral pour rendre au public le domaine public.
Il faudrait maintenant que la Ville s’en tienne là. Quel que soit le nombre d’étoiles de cet hôtel et de son chef, il n’y a absolument aucune raison pour qu’il bénéficie d’un régime de faveur qu’on refuse – légitimement – aux restaurateurs de l’Escale Borély.
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Tout est dit
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🤗 Une pétition contre ce projet indigne serait la bienvenue ! Je signerai des 2 mains
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Bravo, très bien dit.
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Absolument d accord avec vous …
Je partage tout ce que vous avez écrit et j ai la naïveté de croire et d espérer que la mairie ne reculera pas
De nombreux promoteurs ont les yeux rivés sur Marseille pour développer des projets qui rapportent mais avec un niveau de loyer que la plupart des marseillais ne pourra pas s offrir..
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200% d’accord. Ne lâchons pas 1cm2 à ces escrocs qui lorsqu’ils ont casse le mur du lazaret avait promis dans ce journal qu’il était préservé et rangé. Depuis le début, ils trichent et visent notre plage. Tenez bon la mairie
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Le chef étoilé. Le chef ensablé…
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Affaire à suivre …je me souviens d’une temps pas si lointain où les nageurs en eau froide de l’hiver, habitués des Catalans déposaient leurs serviettes sur la dalle en béton derrière l’ horrible palissades en bois dressée pour séparer désormais l’espace public de l’espace privé.
Les nageurs de l’hiver ne peuvent plus profiter du mur chauffé par le soleil et contre lequel, en hiver, ils pouvaient se réchauffer après un bain dans une eau de mer à 14 degrés. Business de luxe et promotion immobilière sont passés par là, plus de mur !
Affaire à suivre donc … le lieu est sensible et convoité , sous Gaudin déjà un projet d’hötel complétement absurde avait été abandonné sous la pression des habitants et de la mairie de secteur dont P Mennuci était alors le maire. Cette fois que va-t-il se passer ? Le projet est moins “violent” mais il sera significatif de voir comment agit le Printemps marseillais. Si le maire céde face aux promoteurs privés et lâche de l’espace public en ce lieu emblématique d’un certain ” art de vivre” marseillais ce sera une gigantesque déception. Avec ses conséquences …
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Cher Didier L ,vous parlez d’un certain art de vivre marseillais.
Oui il existait quand les Catalans étaient payants, du temps des cabines hors d’âge, avec les habitués dont la plate-forme sous le Cercle était une deuxième maison, avec ceux du matin,ceux de l’après-midi et les joueurs de volley de tous âges. Les éternelles bronzées, les tchacheurs,les gymnastes,quelques figures faisaient le charme du lieu qui n’était pas luxieux mais tranquille.
Aujourd’hui l ‘art de vivre marseillais aux Catalans, c’est la présence obligatoire de médiateurs, de la police,de signalements de harcèlement et quelques tentatives d’agressions.
Vive le progrès.
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On rira bien dans une vingtaine d’années quand l’inéluctable continuation de la montée du niveau marin viendra lécher le bas de ce Piège immobilier.
(Pour les sceptiques : la montée du niveau marin sous l’impact du réchauffement climatique est irréfutablement mesurée par un joyau de notre patrimoine : le marégraphe de la Corniche).
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Pour une meilleure compression cet article aurait mérité d’être accompagné d’un plan où figurerait la limite du domaine public maritime et l’emprise des projets du promoteur
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Apparemment, Jean-François Piège viendrait de renoncer à s’installer au Sea One
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