Aux prud’hommes, un intérimaire fait plier Total La Mède et obtient un CDI

Actualité
le 3 Oct 2024
1

Le 19 septembre dernier, le conseil des prud'hommes de Martigues condamne la raffinerie Total La Mède à requalifier le contrat précaire d'un intérimaire en contrat à durée indéterminée. Avec six autres salariés, Enzo avait saisi l'instance après avoir enchaîné les contrats de courte durée pour des motifs parfois fallacieux.

Photo : Emilio Guzman.
Photo : Emilio Guzman.

Photo : Emilio Guzman.

L’histoire rejoue la fable du pot de terre contre le pot de fer, avec un baril en guise de contenant. Et, en conclusion, la victoire du récipient le plus fragile face à une multinationale qui a longtemps fait du pétrole sa manne. Le 19 septembre dernier, Enzo*, un salarié intérimaire de la raffinerie Total Énergies de La Mède, a obtenu la requalification de ses contrats de mission temporaire en un contrat à durée indéterminée, devant le conseil des prud’hommes de Martigues.

En juin dernier, Marsactu racontait comment sept salariés intérimaires avaient décidé d’attaquer leur employeur devant l’instance prudhommale, pour faire reconnaitre leur emploi permanent au sein de la raffinerie gérée par le géant français des énergies.

Le premier de ces dossiers a donc connu une issue favorable. “C’est de très bon augure pour les deux autres dossiers que je défendais ce même jour devant le conseil des prud’hommes, explique Neila Mahjoub, l’avocate d’Enzo et de trois autres salariés. J’ai même accepté de plaider alors que mon confrère m’avait remis ses conclusions la veille pour le lendemain, lors de l’audience en juin. Mais il était crucial pour mon client que l’affaire soit jugée rapidement.

Intervention caprine

En effet, dans ce type de dossier, l’employeur a tout intérêt à ce que le salarié ne soit plus à son poste au moment du rendu du jugement. Total Énergies et ses conseils s’ingénient donc à étirer les procédures au maximum. Dans le cas présent, Enzo a eu une chance dans son malheur. Peu avant l’audience de juillet, au moment de sa prise de poste au sein de la raffinerie, il croise nuitamment l’un des troupeaux de chèvres sauvages qui hantent le massif de la Nerthe. “Il s’est retrouvé en pleine nuit face à elles et il a chuté dans un ravin“, relate son avocate. Cet accident du travail lui vaut d’être en arrêt maladie et toujours officiellement en contrat pour Total Énergies au moment du jugement.

Enzo a été patient fort longtemps. Depuis six ans sans discontinuer, il enchaîne les contrats d’intérim pour le compte de la société et par l’intermédiaire d’une agence d’intérim, CVA Ipec, que les salariés ont choisi de ne pas viser dans la procédure puisqu’à leurs yeux, c’est Total Énergies leur véritable employeur.

Officiellement, Enzo est embauché dans un premier temps pour un accroissement temporaire d’activité qui n’est pas contesté. À l’époque, la vieille raffinerie de pétrole brut est en train d’entamer sa mue en “bioraffinerie”, centrée sur la transformation d’huiles d’origines végétales. Le projet prévoit la suppression de 179 postes sur les 429 que compte le site, “pour arriver à l’horizon 2021 à un effectif stable de 250 personnes“, détaille le jugement que Marsactu a pu consulter.

À partir du 1er juillet 2019 et jusqu’à sa fin de mission en août 2024, le recours aux services d’Enzo est justifié par l’employeur pour pallier les absences de salariés, partis en formation “en prévision du démarrage des futures unités de production puis au lancement du projet Phoenix“, nom de code de la transformation industrielle du site de la Mède.

“Remplacements en cascade”

Les conseillers des prud’hommes de Martigues ont disséqué “ces remplacements en cascade” pour lesquels les noms de chaque salarié figurent sur le contrat de mission. Et le compte n’y est pas. Enzo fournit les attestations de plusieurs élus syndicaux qui prouvent que les remplacements allégués ne correspondent pas à la réalité des faits : tel salarié n’a jamais travaillé sur ce poste, tel autre a été nommé entretemps à un poste différent.

D’autre part, l’employeur était tenu d’informer le salarié temporaire “des postes en contrat à durée indéterminée à pourvoir au sein de l’entreprise“. Et là non plus, le compte n’y est pas.

Alors qu’Enzo est toujours en poste, Total Énergies La Mède lui propose de postuler pour un emploi sur le poste qu’il occupe, à un coefficient d’ancienneté inférieur au sien et s’intégrant au “processus d’embauche classique”, avec entretiens, envoi de CV et tests psychotechniques. Enzo refuse et préfère passer par la voie prudhommale.

Le conseil de Martigues condamne par ailleurs l’employeur à verser à Enzo l’équivalent de cinq mois de salaires, soit 23 530 euros, au titre de l’indemnité de requalification. Il devra également s’acquitter des frais de justice occasionnés. Jointe par Marsactu, l’avocate du groupe énergétique n’a pas souhaité faire de commentaire, ni indiquer si son client allait faire appel. En outre, le service de communication de Total Énergies n’est pas revenu vers nous dans le temps imparti à la rédaction de cet article.

* Le prénom a été modifié.

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Thais Thais

    Moi ma collègue de travail a menacé hier de démissionner si elle n’était pas augmentée, et elle a eu gain de cause. Voulez-vous ses coordonnées ?

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire