Aux confins du travail : Pierre, brigadier de police
Chaque semaine, Marsactu donne la parole à des Marseillais qui continuent d’aller sur leur lieu de travail. Forces de l’ordre, primeurs, soignants, instituteurs… Ce sont celles et ceux sur qui repose la continuité de notre quotidien. Troisième portrait cette semaine, celui de Pierre, brigadier de police.
Des policiers sont placés en garde à vue dans le cadre de l'enquête autour du jeune Hedi (Photo JML)
Il y a encore un mois, Pierre avait un quotidien stimulant. Entré dans la police en 2001, ce fonctionnaire de 47 ans est aujourd’hui brigadier dans les quartiers Nord de Marseille, où il assure leur “sécurisation”. Membre d’un service dont nous ne donnerons pas le nom pour assurer son anonymat, il est au quotidien sur le terrain, et a l’habitude de courir après les voleurs à l’arraché, ou les cambrioleurs. Mais le confinement a tout bouleversé. “Certains délits de voie publique ont nettement diminué, explique le policier. Les cambriolages à domicile par exemple, ont lieu en pleine journée, lorsque les propriétaires sont au travail. Maintenant que les gens restent chez eux… plus de cambriolages !” lâche-t-il en riant. “Il n’y a pas que des mauvaises choses dans toute cette histoire”, résume-t-il.
Moins de délinquants après qui courir donc… et des Marseillais, qui rêvent de mettre le nez dehors. Car c’est désormais ça, le quotidien de Pierre : contrôler les autorisations de sortie. “Je dirais que ça occupe la majorité de mon temps. Ça et les heures que je passe à mettre sur l’ordinateur les procès-verbaux, glisse le fonctionnaire d’un ton las. C’est moins diversifié que d’habitude et pas très intéressant. Surtout si ça dure encore plusieurs mois.”
“Les gens ne savent pas bien ce qu’il se passe”
De Belsunce à la Savine, en passant par le Merlan, Pierre contrôle tout et tout le monde. Voitures qui semblent un peu trop pleines, piétons qui sont plus de trois, marathoniens du dimanche… Globalement, ce qui l’agace, c’est le non-respect des règles de confinement. “Je trouve que les gens ne jouent pas le jeu, c’est dommage”, glisse défaitiste celui qui a grandi entre Aix et Marseille. “Mais ici, nous le savons bien, on a la palme d’or de l’incivisme !” Pierre a l’habitude des excuses bidons. Mais le pire selon lui, c’est le manque d’information.
“J’ai l’impression que les gens ne savent pas bien ce qu’il se passe. Donc je leur explique, encore et encore, pourquoi c’est important de rester chez soi.” Armé de sa bouteille de gel hydroalcoolique et de son masque, Pierre applique et montre tous les gestes barrières pour se protèger du covid-19. “Je leur explique que je peux, moi aussi, leur transmettre ! En fait on a l’impression que les gens n’ont pas conscience de la gravité de l’épidémie, tant qu’ils ne sont pas touchés de près par un cas.”
Mais le brigadier reconnaît aussi les difficultés du confinement. “Je peux comprendre qu’on ait besoin de sortir s’aérer, et s’asseoir sur un carré d’herbe, surtout lorsqu’on habite un T2 dans les quartiers Nord.” Alors Pierre et ses coéquipiers essaient d’être indulgents. “Nous sommes intervenus il y a trois semaines dans un parc près du Merlan. Il devait y avoir une cinquantaine de personnes !”. Armés d’un porte-voix, les policiers ont fait vider le parc, et verbalisé “seulement” deux personnes. “Quand on tombe sur des familles, on fait preuve de discernement.” Discernement donc, mais aussi réalisme. “Je suis sûr qu’il y a du monde à l’Estaque en ce moment, vu le soleil et la chaleur, mais comment voulez-vous qu’on contrôle les 850 000 Marseillais qui sortent, alors que nous sommes moitié moins qu’en temps normal ?”
Moitié moins d’effectifs policiers pour contrôler les Marseillais
L’autre conséquence de la crise du covid-19 pour les services de police est leur réorganisation. “Dès le début, nous avons reçu comme instructions de scinder toutes les équipes en deux. On est donc à 50% de présents.” Le but : réduire au maximum les risques de contagion, et limiter les contacts entre fonctionnaires. “En temps normal, je bosse en 4/2 [quatre jours de travail, deux jours de repos ndlr]. Depuis le confinement, il y a une équipe A et une équipe B, et on ne se croise jamais. L’équipe A bosse en 4/2 pendant deux cycles d’affilés, pendant que l’équipe B est en confinement, puis c’est l’inverse.” Un nouveau cycle de travail donc, afin d’assurer une continuité maximale du service public.
“Ça nous évite d’être tous au tapis en même temps, voire pire, hospitalisés au même moment si nous sommes malades.” Pour autant, Pierre ne semble pas inquiet. “Il y a eu un cas suspect u début dans le service. Ça a jeté un petit malaise dans l’équipe, on se regardait tous du coin de l’œil. Les gars faisaient un écart quand ils croisaient le type dans les couloirs, c’était un peu la psychose. Mais maintenant ça va mieux, on garde notre moral, et la bonne ambiance est revenue.” Petit à petit, le covid-19 s’est donc immiscé dans le quotidien du policier presque quinquagénaire. Et de nouveaux gestes ont été intégrés .“On désinfecte les radios, les volants des véhicules, les sièges, avant et après notre service. Je fais pareil avec mon ordinateur. C’est pas des fioles de gel hydroalcoolique que j’utilise, c’est carrément des jerricans !”, s’amuse le brigadier.
Un quotidien bouleversé, un rythme chamboulé. Mais pour autant, Pierre reste positif. “En fait, cette nouvelle organisation imposée par l’administration nous fait du bien, psychologiquement et physiquement, reconnaît le fonctionnaire. On est chez nous deux semaines d’affilées sur quatre, ça fait du bien. Le rythme est moins intense, et après les conflits sociaux qu’on a connu ces dernières années, les gilets jaunes, la Plaine, etc., le coronavirus franchement, c’est plus calme.” Le fonctionnaire prend donc son mal en patience, en espérant juste que cette étrange période dure le moins longtemps possible.
Commentaires
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Je n’ai pas compris au final s’il est content ou pas…
Bon, la police se repose, tant mieux pour elle. Elle fait quand même tourner un avion dans le ciel histoire de faire ch… le monde, mais que serait-elle sans cela ?
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moi non plus je n’ai pas compris sa position… En tout cas, cet article est vraiment bas de gamme… Des phrases “bateau”, des réflexions aux ras de pâquerettes… où est l’information pertinente ??
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Témoignage, témoignage, quand tu nous tiens…!
Une seule source pas de source m’a-t-on appris dans une autre vie…!
Curieux que cette journaliste certainement fort informée laisse ce ”brigadier” confondre justice et police. Je l’aurais interrogé sur son appartenance syndicale, les ordres de ses supérieurs, la pression de ses collègues mais je suppose que cela a été fait. Excusez moi…!
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Ah , cela manquait l’anti policier de base. Il en fallait au moins un.
La police vous fait “chier”, c’est votre droit le plus strict , mais bien content de les trouver pour traquer les trafiquants de tous poils, bien content pour filer les terroristes, pédophiles, escrocs . Alors , vous allez me répondre , oui ils font de la répression ; Et bien oui , quand vous voyez que des gens sont capables de fabriquer et de vendre de faux médicaments, d’escroquer et de violenter des personnes âgées à un distributeur de billet , de taper sur sa compagne et ses enfants , j’en passe et j’en passe. Oui il faut de la répression; Et les bavures , allez vous me rétorquer?. Il y en a sans doute , et nous sommes dans un Etat de Droit, et si nous estimons qu’il y a abus de pouvoir , nous pouvons attaquer. Alors , vous allez me dire que Police, Justice et Politiques ( du moins certains à vos yeux et pas d’autres) sont tous de mèche . Penchez vous un peu sur le dossier , et vous pourrez constater que bon nombre de policiers quand ils fautent, sont condamnés.
Alors Tarama , passez de l’utopie au rêve .
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🙂
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le mépris ostentatoire et boboïsant des forces de l’ordre est plus adulescent qu’utopiste, non ?
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Décidément, la gauche propre sur elle a de jolis mots.
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“Bourgeois adolescents aux mythes ouvriers, militants acharnés de ce rêve qui bouge, qui serez un beau jour de gauche bien rangée, tricolore et tranquille…”
Aller Tarama, l’acnée finira par passer 😋😋
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Il serait juste sinon de défendre la Police ou la Justice d’en avoir une confiance méfiante.
Le réalisme par rapport à l’utopie c’est d’avoir une position scientifique plutôt que de défendre ou dénoncer les institutions de notre ”beau” pays. L’utopie, je pense, c’est de vouloir un monde meilleur pour les moins nantis, le plus pauvres.
Quand à la répression de GJ, elle fut cruelle car le Pouvoir politique n’avait plus que cela pour se barricader dans ses certitudes néolibérales. Après c’est une façon de voir qui est la mienne mais personne ne me fera croire que hier fut mieux qu’aujourd’hui…!
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Effectivement les “jours heureux” ne sont pas derrière nous, comme voulait nous le faire croire hier soir Macron (et son système néolibéral). Hier et aujourd’hui avec lui et sa clic ne sont pas heureux… Mais demain peut être un jour meilleur.
A nous de voir!
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Des policiers ont-ils déjà étés condamnés à de la prison ferme suite à des faits de violence ?
30 novembre 2017 à 07:47 (Extrait de l’article auquel vous pouvez vous reporter de Libération ”Checknews”)
Bonjour,
Il est difficile de répondre de manière exhaustive à cette question. Les services ministériels ne donnent pas de statistiques compilées. Tout au plus, occasionnellement, sortent dans la presse quelques chiffres, qui peuvent apporter des éléments de réponse. Une idée générale a pu s’installer dans une frange de l’opinion qu’il existe une forme d’impunité vis-à-vis des violences policières. Certains actes commis lors de gardes à vue ou d’interpellations, ou certains cas d’usage de l’arme de fonction en dehors du service, ont donné lieu à des condamnations à de la prison avec sursis. Mais il est notable que les condamnations à la prison ferme sont rarissimes.
Dans la très grande majorité des cas, pas de prison ferme
En mai 2017, Street Press avait compilé 10 ans de décès survenus durant une interpellation policière. Pour une bonne part, l’article du pure-player montre soit que les enquêtes ne sont pas terminées, soit qu’une information judiciaire est en cours. Des cas de non-lieu ou de classement sans suite sont également nombreux. Sur les 47 décès étudiés, le constat de Street Press est qu'”aucun policier ou gendarme impliqué n’a jamais fini en prison.” Trois condamnations ont été relevées, à chaque fois liées au décès d’une personne souffrant de troubles psychologiques, mais jamais ces peines n’ont été assorties de la prison ferme.
Dont acte. Et cette étude ne date que de 2017 ! Peut être à approfondir pour nos lecteurs les plus pondérés.
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Le terme « confiance méfiante » me plait beaucoup. Il correspond bien.
Certes, nous avons tous besoin d’une police…. »mais » il y en a plusieurs, selon qu’ils soient gendarmes, policiers municipaux, policiers nationaux ou CRS…..j’ai toujours eu l’impression de métiers différents.
Ils sont tous « FDO » avec plus ou moins de motivation, d’agressivité, et de haute opinion de leur fonction. Ils sont là avant tout, ceux que nous fréquentons –pas les hauts gradés, rarement sur le terrain- pour appliquer des ordres….alors ils le font avec plus ou moins de sérieux, de bon sens, de loyauté, de franchise, et de ….bétise ? ce sont les ordres qu’il faut ou pas remettre en cause.
Un ami flic (nul n’est parfait), me disait : moi, je suis fonctionnaire, donc je fonctionne !!!! je crois que tout est là.
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Bon nombre d’agents de la police nationale se comportent de manière raciste sans qu’il n’ait jamais été sanctionnés pour cela. Ils sont d’ailleurs pour beaucoup affiliés au syndicat Alliance pro-FN.
Le pouvoir s’en sert contre la population pauvre et les travailleurs et certains font mêmes du zèle. Certain ont également des pratiques criminelle. Souvenons de Geneviève Legay grièvement blessée à Nice lors d’une manifestation de gilets jaunes ou de cette jeune fille grièvement blessée au crane alors qu’elle sortait de son travail à Marseille sans parler de Zineb Redouane morte de ses blessures alors qu’elle fermait sa fenêtre au 4 ème étage.
Ou bien encore ce lycéen de 17 ans Achraf qui a reçu un tir de LBD dans la mâchoire le 4 décembre 2018, à Marseille: « Le policier reconnaît un tir de LBD raté blessant un lycéen, le parquet le blanchit.. L’IGPN fait état de policiers exposés à des jets permanents de projectiles, ce que les enregistrements de vidéosurveillance démentent formellement. »
https://www.mediapart.fr/journal/france/030120/le-policier-reconnait-un-tir-de-lbd-rate-blessant-un-lyceen-le-parquet-le-blanchit
Ce ne sont pas des bavures isolées mais des actes couverts par la hiérarchie et le gouvernement. Certains de ces officiers hiérarchiquement responsables de ces actes ont même été décorés !”.
Pour ce qui est de l’activité de la police en cette période de confinement rappelons cette brève de Marsactu en date du 11 avril « Un collectif dénonce une opération de police pendant une distribution de nourriture» qui ne reprsésente que la partie visible de bon nombre de contrôles ou de verbalisations abusives.
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Bon nombre d’agents de la police nationale se comportent de manière raciste sans qu’il n’ait jamais été sanctionnés pour cela. Ils sont d’ailleurs pour beaucoup affiliés au syndicat Alliance pro-FN.
Le pouvoir s’en sert contre la population pauvre et les travailleurs et certains font mêmes du zèle. Certain ont également des pratiques criminelle. Souvenons de Geneviève Legay grièvement blessée à Nice lors d’une manifestation de gilets jaunes ou de cette jeune fille grièvement blessée au crane alors qu’elle sortait de son travail à Marseille sans parler de Zineb Redouane morte de ses blessures alors qu’elle fermait sa fenêtre au 4 ème étage.
Ou bien encore ce lycéen de 17 ans Achraf qui a reçu un tir de LBD dans la mâchoire le 4 décembre 2018, à Marseille: « Le policier reconnaît un tir de LBD raté blessant un lycéen, le parquet le blanchit.. L’IGPN fait état de policiers exposés à des jets permanents de projectiles, ce que les enregistrements de vidéosurveillance démentent formellement. »
https://www.mediapart.fr/journal/france/030120/le-policier-reconnait-un-tir-de-lbd-rate-blessant-un-lyceen-le-parquet-le-blanchit
Ce ne sont pas des bavures isolées mais des actes couverts par la hiérarchie et le gouvernement. Certains de ces officiers hiérarchiquement responsables de ces actes ont même été décorés !”.
Pour ce qui est de l’activité de la police en cette période de confinement rappelons cette brève de Marsactu en date du 11 avril « Un collectif dénonce une opération de police pendant une distribution de nourriture», opération qui ne représente que la partie visible de bon nombre de contrôles ou de verbalisations abusives.
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Au fait où en est l’affaire Zineb Redouane?
Parait que le Media suit cette affaire…
Oui à propos de couverture du Sinistre de l’Interieur.
Imaginons que via les préfets il soit au courant d’une bavure comme on dit depuis Malik Oussekine, il couvre d’une main et dans le même temps il déplore. Comme ça il est couvert d’un coté et de l’autre. On appelle cela ”bretelle et ceinture”. Y a que les grandes entreprises et l’État qui peuvent le faire…Non?
À propos de confiance méfiante. rappelons que la démarche scientifique applique cette recette. Ne croire que si on est certain du contraire. En ce qui concerne les Forces du Désordre rappelons nous que la police Nationale a eut un comportement ”exemplaire” (!) durant l’Occupation, celle ci date d’il y a quelques dizaines d’années…C’était hier donc.
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Bingo! 21h14 point Godwin atteint Bravo
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C’est vraiment drôle, un article sur le travail de la police pendant le confinement, les commentaires sur les violences sont de sortie. Je ne vois pas de bien le rapport avec le sujet. Le point Goodwin c’est pour quand?
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Le point Goodwin c’est le pseudo, par exemple…!!!
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Bonjour,
Nous avons bien pris note du débat qui se joue ici. Une précision tout de même :
Nous essayons de varier les formats sur Marsactu, ce qui, dans la période, nécessite un peu d’inventivité. Cette série de rencontres s’inscrit dans une logique de chronique de ceux qui continuent à travailler en cette période de confinement. Après un instit’ et une maraîchère, voici donc le brigadier de police.
Soyez sûrs en tout cas que cela ne nous empêchera pas d’enquêter à l’avenir sur les pratiques de la police qui, comme tout pouvoir, mérite d’être questionné.
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Et sur le quatrième pouvoir, qu’allez vous faire ? 😷
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