Aux Caillols, le terminus du tram se rêve en nouveau centre urbain
Autour du terminus de tram des Caillols, la Ville et la Métropole veulent bâtir une nouvelle "centralité". Le site de l'actuel centre commercial Casino pourrait jouxter un futur projet de logements.
Le terminus du tram T1, aux Caillols, dans le 12e arrondissement de Marseille. (Photo : CMB)
“La première fois que j’ai pris le tram à Noailles pour venir ici, j’ai cru que j’étais arrivé à Grenoble !” Depuis trois ans, Waheb travaille comme boucher au terminus de la ligne 1, dans la galerie marchande du Casino des Caillols (12e). Ce jour-là, il pleut. Les collines se perdent dans les nuages, les voitures avancent au pas et phares de position allumés, les trottoirs lavés par la pluie sont vides. Une grappe de passants attend sous l’abribus. Rien à signaler.
Selon le commerçant, le secteur arbore de nombreux atouts, à commencer par son “calme”. C’est un peu le paradoxe du quartier. Malgré les grands ensembles qui cernent le noyau villageois, malgré les résidences privées qui ne cessent de grignoter les dernières friches vertes de l’ancienne vallée de maraîchage, malgré les embouteillages sur l’avenue William-Booth aux heures de pointe, les Caillols restent “un coin tranquille”.
Et si l’arrivée du tram en 2007 a permis de mieux desservir les barres d’immeubles des alentours, le terminus des Caillols reste un terminus, avec son côté dortoir. Dans le langage métropolitain, l’enjeu est bien cerné. Ici, comme dans d’autres endroits de son territoire, la métropole Aix Marseille Provence mène jusqu’au 31 janvier une concertation en vue de la modification n°4 du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Le document qui présente cette concertation écrit à propos des Caillols : “une centralité qui s’ignore, des polarités à recomposer”. Sur la maquette qui illustre le texte, on lit même : “où est le tram ? Un terminus qui manque de visibilité et d’articulations”.
Après casino
L’élément central du périmètre se situe juste en face : c’est le Casino, avec son vaste parking à ciel ouvert. Le mois dernier, le groupe Auchan/Intermarché a annoncé entrer en phase de négociations exclusives pour reprendre le supermarché. L’occasion, pour la métropole et la Ville de Marseille, d’imaginer une refonte globale du périmètre de la future zone d’aménagement concerté (ZAC). “On veut profiter de la mutation de Casino pour projeter quelque chose d’intelligent en lien avec les réserves foncières existantes, qui permettent de construire des logements et de programmer les équipements publics”, expose Laure-Agnès Caradec, conseillère métropolitaine déléguée au PLUI. Avec en premier lieu, la construction d’une mairie de secteur plus moderne, dans le même périmètre.
“Si on doit faire du logement quelque part aux Caillols, c’est là”, confie sans détour Éric Méry, adjoint à l’urbanisme à la Ville de Marseille. Là, mais où ? Le centre commercial est cerné par les constructions. “Justement, on est déjà sur un périmètre très bétonné. L’idéal serait de réduire l’emprise du parking actuel et de le faire passer en souterrain, pour imaginer des logements à la place”, poursuit l’adjoint. Sera-t-il question de 800 logements, comme cela était annoncé il y a quelques années ? “L’objectif n’est pas la densité”, veut rassurer Éric Méry. “Mais on doit construire du logement”, conclut-il. Surtout que parmi toutes les zones concernées par cette nouvelle phase de concertation, c’est aux Caillols qu’on trouve la plus grande réserve de foncier.
Quoiqu’il en soit, Ville et métropole s’accordent autour d’un épicentre commun, d’autant plus que le foncier de la galerie commerciale est municipal. Mais tout cela sera à discuter avec le futur repreneur du supermarché. En attendant, les salariés des lieux sont dans le flou, comme ils s’en confient à France Bleu. Pour eux, le Casino est devenu un “magasin fantôme”. À parcourir la galerie, on découvre des allées à moitié vides. De nombreux rideaux sont baissés, quelques boutiques indépendantes rivalisent de produits en promo. Seules deux enseignes semblent trouver leur clientèle ici : le PMU et le Mac Do.
Urbanisation anarchique
“Quand le Mac Do s’est installé, on nous avait promis que ça allait redynamiser le centre, mais bon, ça reste léger”, note la nouvelle présidente du CIQ des Caillols, Nicole Pichinoty. Le 23 novembre, cette habitante historique du quartier s’est rendue avec une délégation à la première réunion publique sur le PLUI organisée en mairie de secteur, avec le maire (DVD) des 11/12, Sylvain Souvestre. “On avait beaucoup de questions. On n’a que des questions, en réalité. Ce qu’on comprend, c’est que rien n’est fixé”, rappelle la représentante. En ce qui la concerne, cette dernière préfère au Casino les commerces de la Valentine, “même si c’est plus loin”. Les ménages les plus modestes, eux, ont tout intérêt à se tourner vers l’enseigne discount Aldi, desservie par l’arrêt La Parette du tram.
Et Nicole Pichinoty est plutôt opposée à la construction de nouveaux logements. “Si vraiment on doit en avoir, on pourrait faire de l’intergénérationnel, pour loger des étudiants à côté des seniors du village”, propose-t-elle. La pluie embue les vitres de la voiture tandis qu’on entame un grand tour du quartier. Direction : les Caillols-village, la deuxième zone à urbaniser, avec le terminus du tram. Mis bout à bout, ces deux secteurs compris dans le PLUI représentent à eux seuls 30 hectares. “Cela équivaut au secteur élargi du Vieux-Port de Marseille”, précise le document de cadrage.
On poursuit sur l’avenue William-Booth, avant de tourner à gauche et de s’élancer vers le noyau villageois, jusqu’à l’avenue des Caillols. Ce sont les deux artères qui cadrent la zone à urbaniser. Entre les deux, les grands ensembles défilent : Grande Bastide, HLM les Caillols, Grognarde, Moularde, puis les Cigalons, les Comtes et les immeubles SNCF… Sur les quarante dernières années, “l’urbanisation du secteur s’est réalisée au gré des opportunités foncières, sans réelle cohérence urbaine”, lit-on dans le PLUI. Le document de cadrage note aussi la présence de “nombreuses ruptures (murs, talus, escaliers)” et “voies sans issue”, nuisant à la “marchabilité du site”.
Cœur de village
Au milieu de cette urbanisation anarchique, des friches, des coins de verdure résistent, et aussi bien habitants qu’associations y restent attachés. Le PLUI pourrait être l’occasion de les mettre en valeur, en sanctuarisant les sentiers empruntés par les habitants, par exemple. Ou en imaginant des “jardins paysagers”, comme le propose le document de la métropole. Ou en redynamisant le parc de la Mirabelle, si proche du terminus du tram, mais dont les 2 hectares restent trop peu fréquentés.
Quant au cœur du village, il semble être contaminé par le même mal qu’autour, le règne du tout-voiture. Depuis que la rue centrale, qui débouche sur l’église, est passée à sens unique, l’une des deux voies s’est transformée en places informelles de stationnement. Sur la petite place qui jouxte l’édifice religieux, Nicole Pichinoty rêve de pavés neufs et bien réguliers, pour que les personnes âgées puissent s’y promener sans risque. Et pourquoi pas des bancs neufs, et un petit marché ? Loin des grandes ambitions immobilières qui planent au-dessus du Casino.
Commentaires
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À la lecture de cet article, on ne comprend pas très bien pourquoi M Méry (adjoint à l’urbanisme) nous dit : « On doit construire du logement ». Quelle est l’origine de cette injonction ? Dans cet article, nous n’avons aucun chiffre qui pourrait nous éclairer sur cette question. Question d’autant plus d’actualité que l’INSEE dans sa dernière publication indique que la population marseillaise n’augmente plus. Par ailleurs, et toujours selon l’INSEE, nous savons que la croissance du nombre de logements a été 4 fois plus rapide que celle du nombre d’habitants. Quand on sait aussi que le nombre de logements vacants à Marseille est de l’ordre de 35 000 à 40 000, pourquoi vouloir toujours plus bétonner alors qu’une grande politique de rénovation de ce parc ancien présenterait de nombreux avantages, en particulier sur les plans écologiques et économiques (les fameux tiers-lieux productifs vantés par M. Benoit Payan).
Avant de prendre des décisions d’urbanisation du quartier des Caillols (et de tout autre quartier), Mme Caradec et M. Méry doivent d’abord expliquer aux habitants pourquoi il faut construire autant de nouveaux logements ?
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le besoin de plus de logements pour une même taille de population s’explique par le phénomène de desserrement des ménages: la taille moyenne des ménages diminue et on a donc besoin de plus de logements de petite taille (T1, T2 et T3). Pourquoi la taille des ménages diminue? car on ne vit plus à plusieurs générations dans un logement, on vit plus vieux avec + de veufs, + de divorces et donc besoin de 2 logements pour une seule famille à l’origine (= + de familles monoparentales), décohabitation parents/enfants…
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Dans l’article vous citez une réunion le 23 novembre 2023 en mairie de secteur 11°/12°, à ce jour c’est la seule réunion publique où la métropole a présenté les deux zones AU (à urbaniser) des Caillols alors qu’on dénombre 27 zones AU pour cette concertation sur le PLUi. Sur les autres zones AU, dont Marsactu a écrit récemment “au pied de la Nerthe” et “au piémont de l’étoile”, la métropole n’a pas réalisé la même opération de communication que pour Les Caillols. Est-ce des secondes “zones” ?
Pour information: La métropole Aix Marseille Provence a prolongé jusqu’au 7 février 2024 la concertation en vue de la modification n°4 du PLUi.
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Une réunion vient d’être programmée par la métropole à Septèmes-les-Vallons le 30/01/2024 à 18h mais cela concerne 2 zones AU seulement. Il reste 24 zones AU qui n’ont pas eu ce type de réunion et un mois nous sépare de la fin de la concertation.
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Tel Louis XVI et la convocation des Etats généraux, la reine de Provence goûte peu ce genre de consultation obligée de la populace.
Ecouter les gueux ? Et puis quoi encore. Sa Majesté et son cabinet décident pour eux, elle a des projets, elle amenage. Qu’ils se contentent d’applaudir.
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