Après les européennes, avis de tempête pour les macronistes dans les circos marseillaises

Sabrina Agresti-Roubache, lors des élections législatives en juin 2022.

Les bulletins des élections européennes sont à peine dépouillés que, déjà, les états-majors politiques n’ont pas d’autre choix que d’avoir la tête au 30 juin et au 7 juillet, dates choisies pour des législatives anticipées post-dissolution. Et de décrypter fissa les enseignements locaux du scrutin européen. Que disent donc les votes des électeurs marseillais lors du scrutin de dimanche pour les élections qui s’annoncent ?

D’abord, ils confirment l’ancrage profond de l’extrême droite localement. Même si ces résultats sont à pondérer par une abstention dépassant les 50 %, les scores engrangés par les listes du Rassemblement national et de Reconquête sont solides : ils atteignent respectivement 30,1 et 6,9 % à l’échelle de Marseille. La preuve d’une base électorale qui s’est affermie au fil des échéances.

L’autre enseignement, c’est la confirmation de l’implantation de la France insoumise (20,5 % sur toute la ville), dans les quartiers populaires et le centre-ville. Dernière donnée : la majorité présidentielle s’effondre de manière globale sur l’ensemble du territoire marseillais. Ces deux poussées associées à la claque encaissée par les élus macronistes vont peser sur les rapports de force et auront, par essence, un impact sur les élections législatives dans trois semaines. Avec des répercussions évidentes dans chaque circonscription.

Aux législatives de 2022, la victoire de Sabrina Agresti-Roubache (Ensemble pour la majorité présidentielle), dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône, n’avait tenu qu’à un fil : à l’issue du dépouillement du second tour, seules 500 voix la séparaient de la candidate du Rassemblement national.

Élue députée, la future secrétaire d’État à la Ville, bénéficie alors de l’appel à voter pour elle du candidat de la Nupes, le socialiste Thibaud Rosique, et d’un petit réservoir de voix avec les 6 % réalisés par Les Républicains. Dans trois semaines, l’affaire s’annonce plus ardue encore.

Si l’on projette les résultats de dimanche sur le territoire de la première circo – essentiellement les 11e et 12e arrondissements marseillais -, la candidate Renaissance ne totalise que 11,1 % des suffrages exprimés, avec une participation de 51 %, soit 10 points de plus qu’en 2022. Le bloc de gauche – Place-Publique et le PS, La France insoumise, EELV, PCF… – pointe à 27,9 % et Les Républicains à 5,8 %. L’extrême droite réalise là son meilleur score sur la ville : le cumul entre le RN et Reconquête atteint 48,4 % des voix, avec des pics impressionnants comme ces plus de 61 % cumulés dans un bureau de vote à La Valentine. Sans réserve de voix, face à une gauche qui pourrait être moins bienveillante qu’en 2022 et un RN qui part favori, c’est peu dire que la sortante est sur un siège éjectable.

En projetant les données du vote de dimanche sur la deuxième circonscription des Bouches-du-Rhône, la sortante Claire Pitollat peut au moins s’adjuger un satisfecit : son parti y réalise le meilleur score des trois circonscriptions tenues par la majorité présidentielle à Marseille. Soit 15,7 % des votes exprimés. Alors que dimanche dernier, la participation y a été plus nourrie qu’en 2022 (de 45 à 57 %), ce résultat est à mettre en perspective avec ses scores des dernières législatives : elle réalisait alors 29,85 % au premier tour et 61,6 % au second. C’est dire la nature de l’effondrement brutal de la majorité dans des coins de la ville – 7e et 8e arrondissements – qui penchent volontiers pour le centre et la droite. Dans le même temps, le bloc de gauche tient : avec 32,3 contre 38,3 % pour la Nupes au second tour en 2022, mais avec un meilleur score en suffrages exprimés qui passent de 13 600 en 2022 à 15 400 cette fois. Les Républicains, eux, s’affaissent de 13 à 9 %.

Seule l’extrême droite conforte sa position. RN et Reconquête associés gagnent 12 points et pointent à plus 36 % sur des terres qui ne leur sont pas nécessairement toutes très favorables. Comme pour sa consœur macroniste dans la 1ère, les chances de réélection de Claire Pitollat apparaissent très mesurées.

Quasi-novice en politique, la députée sortante Rassemblement national Gisèle Lelouis peut se satisfaire des résultats de ce scrutin européen projetés sur la circonscription. Dans cette circo qui regroupe peu ou prou l’essentiel des 13e et 14e arrondissements, la participation a gagné presque 10 % et ces voix se sont tournées en priorité vers les listes de droite extrême.

Ventilés à l’échelle de la 3e circonscription, les résultats du Rassemblement national ajoutés à ceux de Reconquête atteignent 46,5 % des suffrages exprimés. Soit 6 points de mieux qu’au premier tour de 2022, où le cumul Lelouis (RN) et D’Angio (Reconquête) atteignait 40,5 %. Dans le même temps, toujours selon les projections du vote des européennes sur les circonscriptions : la gauche fait mieux que résister. Les listes cumulées de LFI, Place publique-PS, EELV et PCF récoltent 35 % des votes à l’échelle de la circonscription (contre 27,7 % pour la Nupes en 2022). Le centre plonge à 8,2 % (contre 21,8 en 2022) et LR à 4 %. Voilà qui offre un avantage certain à la sortante RN, si elle rempile les 30 juin et 7 juillet prochains.

Les résultats de dimanche viennent aussi souligner le bon ancrage des forces insoumises dans l’hyper-centre marseillais, des 1er, 2e et 3e arrondissements. Avec une participation à 44,7 %, en hausse de 6 % par rapport aux législatives de 2022, la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône voit ainsi la liste de Manon Aubry réaliser de très bons scores, comme dans un bureau de l’école Korsec où elle engrange 71,4 % des suffrages exprimés.

Le député LFI sortant, Manuel Bompard devrait s’en trouver conforté. Toutes ensemble, les forces de gauche totalisent un score de 67,9% qui doit faire des envieux dans le Landerneau. Les deux listes d’extrême droite font là leur plus mauvais résultat sur les sept circonscriptions de la ville. Mais, avec 16,6 %, RN et Reconquête améliorent toutefois de 3 % leur score de 2022. Renaissance est très loin derrière, avec 6,5 % et LR, plus encore, avec ses 2,6 %. S’il se représente là, Manuel Bompard devrait donc logiquement être réélu. Reste à savoir si ce sera au premier ou au second tour.

Un maintien et un écroulement. Dans la 5e circonscription de Marseille, les projections du vote de dimanche révèlent plusieurs constats. D’abord, la solidité du bloc de gauche sur des terres de centre-ville (4e, 5e et 6e)  qui lui sont d’ordinaire assez prospères. En 2022, Hendrik Davi, le candidat de la France insoumise, remporte 40 % des suffrages au premier tour et 56,54% au second.

Le cumul des voix de gauche aux européennes projeté sur cette circo atteint 49,6 % et illustre cette assise. L’autre mouvement très sensible est la chute vertigineuse de Renaissance : avec 10,3 % des voix, le parti présidentiel fait désormais figure de force d’appoint, quand la députée sortante macroniste Cathy Racon-Bouzon réalisait 23,41 % des voix au premier tour en 2022.

Dans cette circonscription, la majorité présidentielle voit ses réserves électorales fondre et passer de 7 800 à 4 000 voix. En parallèle, les listes Reconquête et RN font mieux qu’en 2022. Aux dernières législatives, l’extrême droite cumulait 21,7 % des voix, elle grimpe à 28,3 % aux européennes. La configuration devrait néanmoins rester favorable à la gauche.

S’il se représente, le député Renaissance Lionel Royer-Perreaut sera-t-il réélu le 7 juillet prochain ? Une seule certitude, les résultats des européennes lus à l’échelle de la 6e circonscription – recoupant les 9e et 10e arrondissements – laissent deviner un scrutin incertain. Le camp présidentiel y enregistre un réel revers, alors que, comme dans la grande majorité des circos, la participation a augmenté de près de 10 points pour atteindre 50 %. La liste de Valérie Hayer y récolte 11,6 % des suffrages, soit 4 400 voix. En 2022, Lionel Royer-Perreaut totalisait 9 700 voix et 29,7 % des votes au premier tour, puis 16 600 voix et 57,8 % des votes au second.

Cette désaffection de la macronie profite d’abord à l’extrême droite. RN et Reconquête confondus obtiennent 45,4 % sur cette circo. Surtout, les deux partis améliorent respectivement de 7 000 et 5 000 voix leurs scores du premier et du second tour de 2022. Ce qui les place naturellement en pôle position pour les législatives à venir. Alors que Les Républicains font pâle figure avec 6,2 %, le cumul du bloc de gauche s’établit à 29,8 %, une progression notable de huit points par rapport juin 2022.

Avec 37,5 %, il s’agit de la plus faible participation de la ville, même si elle progresse nettement par rapport à 2022. Qu’à cela ne tienne, dans la 7e circonscription des Bouches-du-Rhône, les 58,3 % des suffrages des listes de gauche confondues devraient promettre au député LFI Sébastien Delogu une réélection sans anicroche lors du scrutin législatif. En juin 2022, la Nupes enlevait le morceau avec 11 960 voix au second tour. Les projections des européennes montrent que dans cette circo, le bloc de gauche augmente son résultat de près de 3000 voix. Laminée, la majorité présidentielle fait là son plus mauvais score sur la ville (4,3 %). Tandis que Les Républicains s’élèvent à peine plus haut que le niveau de la mer (1,5 %).

Les résultats bureau par bureau démontrent l’arrimage des Insoumis dans les 15e et 16e arrondissements, d’autant que ces dernières semaines, le député a acquis une nouvelle surface médiatique au gré de ses prises de position sur le conflit Israël-Hamas. Cela n’empêche pas l’extrême droite d’effectuer une percée et de totaliser 30,4 % des votes. Comme en 2022, c’est donc vers un nouveau duel entre la gauche et l’extrême droite qui se dessine là lors de la prochaine échéance législative.

Carte des scores au 2nd tour des législatives 2022 :

Actualisation le 11 juin à 10h30 : modification d’une formulation sur Thibaud Rosique (PS) qui ne s’est pas “retiré” dans la 1ere circonscription mais a appelé à voter pour Sabrina Agresti-Roubache (Renaissance) en 2022. Et précision des résultats de la Nupes au second tour de 2022 dans la 2e circonscription.

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