Après des incidents en série, le centre éducatif fermé des Chutes-Lavie mis à l’arrêt
Aux Chutes-Lavie, le centre pour mineurs placés sous main de justice écope depuis juin d'une fermeture administrative de cinq mois, après plusieurs incidents et sur fond d'une grave crise de gestion.
Le centre éducatif fermé (CEF) Don Bosco, aux Chutes-Lavie. (Photo : CG)
Une “situation d’urgence”. Voilà comment la préfecture des Bouches-du-Rhône justifie la mise à l’arrêt du centre éducatif fermé (CEF) des Chutes-Lavie (13e), censé héberger jusqu’à 12 mineurs, filles et garçons, condamnés par la justice. Ce n’est pas la première fois que cet établissement fait l’objet d’une telle mesure. Ce n’est pas non plus la première fois que nous écrivons à son sujet.
En 2019, une enquête préliminaire pointait déjà des soupçons de “mauvais traitements” et de “malversations financières”. En 2022, l’agression sexuelle d’une mineure entraînait six mois de fermeture administrative. Depuis 2022, la gestion du lieu a changé de main, passant de l’association Nouvel Horizon à celle de Don Bosco. Mais les dysfonctionnements, eux, existent toujours.
Ainsi, le CEF, dont l’activité est à l’arrêt depuis le 14 juin, ne rouvrira pas ses portes avant le 14 novembre. Dans son arrêté préfectoral daté du 2 juillet 2024, la préfecture pointe des “risques qui pèsent sur la santé, la sécurité ou le bien être moral des jeunes accueillis”. Jeunes qui présentent souvent des fragilités multiples : les CEF ne sont pas de simples foyers, mais des établissements réservés aux mineurs condamnés, conçus comme alternative à la prison. Pour les quatre salariés du centre qui ont accepté d’échanger avec Marsactu, ce sont principalement des “problèmes de management” qui sont en cause, et qui ont entraîné de multiples incidents, dont des fugues, des vols et des agressions physiques.
Crise de management
Depuis son ouverture en 2017, le centre éducatif fermé des Chutes-Lavie a déjà connu onze directeurs différents. Mais cette année, c’est une véritable crise de management qui s’est déclarée. En effet, les salariés contactés expliquent avoir dû fonctionner pendant plusieurs mois sans aucun chef de service. “On est censés en avoir deux, et ce sont ces deux postes qui assurent la liaison entre la direction et nous, explique un éducateur. Mais là, c’est la directrice qui a été obligée de faire du management de terrain, et elle s’est retrouvée complétement débordée.”
“Les trois mois avant la fermeture, les jeunes faisaient absolument ce qu’ils voulaient”, assure un autre éducateur. “On retrouvait de plus en plus de téléphones, de cigarettes, mais aussi du shit, de l’alcool… On avait plus les moyens de poser un cadre”, poursuit-il. Plusieurs salariés évoquent spontanément le cas d’une de leur jeune collègue, agressée physiquement sans que le jeune mis en cause ne soit sanctionné.
“Accueillir des jeunes avec des profils un peu lourds, c’est notre raison d’être et on remet pas ça en question. La question, c’est : pourquoi on nous donne pas les moyens de bien faire notre travail ? Pourquoi est-ce que quand on alerte sur une situation à risque, la hiérarchie ne réagit pas ?” interroge un troisième éducateur.
Tout cela pousse plusieurs salariés à adresser un signalement à Don Bosco, la structure qui les emploie, au début de l’année 2024. “On a surtout insisté sur l’absence de chef de service. On voulait leur dire qu’ils pouvaient pas laisser la directrice tout gérer toute seule !” se remémore une salariée. Cette dernière explique que depuis janvier, le centre n’accueillait plus que “cinq ou six jeunes à la fois”. Un mode de fonctionnement dégradé, qui n’est pas exceptionnel pour un établissement de type CEF, souvent décrié. Avant de fermer le centre, il avait déjà été décidé de bloquer l’arrivée de nouveaux jeunes.
“Inquiétude” et “incidents”
Puis début juin, des “incidents” surviennent deux nuits de suite. De la nourriture est volée, des véhicules de services subissent des dégradations, ce qui entraîne des dépôts de plainte. Une première fermeture administrative d’un mois est décrétée par la préfecture. Dans la foulée, un plan d’action est mis en place. Pour l’État, c’est indispensable, les salariés doivent suivre des “temps de formation” avant d’être de nouveau en mesure d’accueillir du public. Dans un courrier, la direction de Don Bosco assure à la préfecture être en mesure de rouvrir au cours de l’été. Mais cet avis n’est pas partagé.
Le 3 juillet, le directeur territorial des Bouches-du-Rhône écrit alors à l’antenne Sud-Est de la protection judiciaire de la jeunesse pour lui exprimer son “inquiétude”. En cause : les formations n’ont pas pu être mises en place, contrairement à ce que Don Bosco avait annoncé. Le haut-fonctionnaire pointe aussi l’absentéisme des personnels. Et note que “l’équipe cadre” n’a pas finalisé ses missions non plus, parmi lesquelles : réécrire le livret d’accueil ainsi que le règlement de fonctionnement du centre. Enfin, le bâtiment nécessite une “mise à niveau” : des portes ont été cassées, des “tags insultants” perdurent sur les murs. Autant d’éléments inscrits à l’arrêté préfectoral pris le 2 juillet, et dans lequel il est décidé de prolonger la fermeture jusqu’à la mi-novembre.
Absentéisme, turn-over… Le phénomène s’explique en partie par le fonctionnement propre des centres éducatifs fermés, financés par protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) mais confiés à des associations. “Ce système de gestion entraîne une opacité totale sur le fonctionnement de ces centres”, estime Matthias Perrin, secrétaire régional SNPES-PJJ-FSU. “Les conditions de travail y sont très dures, il y a d’énormes difficultés de recrutement, ce qui fait qu’on se retrouve souvent avec des personnes sous-qualifiées”, poursuit-il.
Jusqu’à la fin de cette semaine, tous les salariés sont en congés forcés. Du côté de la Direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse des Bouches-du-Rhône, on indique que “durant cette suspension d’activité, seront poursuivis les recrutements d’éducateurs, leur formation ainsi que la poursuite des travaux dans le bâtiment”. Et que la PJJ “met tout en œuvre afin que le CEF Don Bosco puisse reprendre son activité prochainement.” Sans donner plus de détail sur l’avenir de ce centre, qui accumule les dysfonctionnements depuis de (trop) nombreuses années.
Commentaires
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L éternel problème des services publics laissés en gestion à des associations sans trop de regard sur la qualité des moyens mis en oeuvre …..projet d établissement qualité des recrutements nombre…..
Les collectivités publiques ont des obligations de diplôme très encadrés par la loi
Là on délégue via une enveloppe financière globale et sans véritable contrôle des deniers publics et c est vrai dans tous les domaines surtout dans le social
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….depuis janvier, le centre n’accueillait plus que “cinq ou six jeunes à la fois”….
ok, ils sont où maintenant ?
je suis bien d’accord avec Jeanne 13, une enveloppe, une assoc, et on se débarrasse du problème…la gestion des services publics n’intéresse personne si on ne fait pas du fric !
et en déléguant cette activité, les pouvoirs publics en gagnent !
l’ensemble des collectivités et l’état, devraient prendre conscience que dans ce domaine, il ne gèrent pas des pots de yaourts, mais des personnes..fragiles, vulnérables.
c’est honteux.
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Honteux, on parle de jeunes déjà en pertes de repères, de cadre. L’Etat est fautif et justement, le gouvernement démissionnaire a décidé de supprimer des postes à la PJJ ! Des dysfonctionnements systématiques et croissants sont à prévoir dans ces centres.
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Macron, la flamme, le JO passent … et les problèmes demeurent, surtout ceux qu’on préfèrent laisser pourrir ou glisser sous le tapis en espèrant qu’ils vont disparaître comme par magie. Ce n’est pas comme ça que ça marche … on trouve des budgets pour financer les gagnants et leurs jeux, pourquoi n’en trouve-ton pas pour financer les structures chargées d’aider ceux qui ont plus de mal à s’insérer dans notre ” si belle société”.
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