Les élections approchent (suite)
UNE POLITIQUE DE L’ESPACE URBAIN
On a abordé ces temps derniers la question de la politique de l’environnement et la politique urbaine à Marseille, en particulier en raison de l’approche du débat public qui va être engagé à l’occasion des élections législatives qui suivront l’élection présidentielle. Nous souhaitons aborder aujourd’hui une question plus large : celle de l’espace urbain, de ses usages et de ses aménagements, au-delà même de la seule question de l’écologie urbaine ou de celle des pouvoirs urbains et métropolitains.
Une politique de l’espace urbain, c’est, d’abord, une politique de l’architecture et de l’espace qui se donne à voir. Les aménagements qui font de la ville un espace dans lequel on vit, dans lequel on se promène, dans lequel on travaille sont ce que l’on peut appeler la face esthétique de l’espace urbain, ils sont ce qui fait de la ville un décor – non au sens d’un décor de fiction comme au théâtre ou dans les spectacles, mais au sens d’un espace qui donne une dimension esthétique à ce qui le peuple, à ce qui l’habite, à ce qui s’y trouve.
Une telle politique de l’architecture et de l’espace devrait avoir quatre dimensions. La première est celle de l’entretien du patrimoine architectural. Les constructions de Marseille sont polluées, elles sont sales, elles ne sont pas entretenues comme elles devraient l’être. Dans les années soixante, André Malraux, devenu ministre de la culture, avait entrepris de nettoyer Paris, de rajeunir la capitale, de procéder au ravalement des façades de la ville et de faire, ainsi, d’elle un espace dans lequel on pouvait regarder la ville en l’habitant et en y circulant, un espace qui se donnait à voir autant qu’à habiter. Il est temps qu’à Marseille, soit engagée une politique comparable de ravalement des façades, de nettoiement des espaces urbains, de remise en valeur de l’architecture.
La deuxième dimension de la politique de l’architecture et de l’espace urbain devrait être l’harmonisation des constructions, des espaces aménagés et des voies de circulation. Sans doute faudra-t-il un jour finir par évaluer le dommage que la circulation automobile cause aux immeubles et aux constructions de la ville en les polluant, en les salissant, mais aussi en empêchant ceux qui circulent de les voir et de les apprécier. En attendant que le jour vienne d’une véritable politique architecturale et patrimoniale des transports et des circulations, sans doute est-il temps de réfléchir à la façon dont les voies de circulation peuvent être mieux associées aux façades et aux paysages urbains. Pour ne prendre qu’un exemple, la rue de Rome est dégradée par l’accumulation des voitures qui surchargent la circulation, alors qu’elle devrait être limitée au tramway, mais aussi par l’accumulation sans la moindre réflexion des vitrines et des boutiques qui font de cette rue un espace sans harmonie visuelle. Sans doute est-il temps que les pouvoirs urbains s’emparent de cette question de l’aménagement des paysages de la ville.
Une troisième dimension de la politique urbaine de l’architecture et du paysage est la régulation des constructions nouvelles. Quand on marche dans cette ville, ce qui est une façon de lire le paysage, de pleinement le regarder, on a le sentiment que les maisons ont été construites sans souci du paysage qu’elles forment ensemble, sans que les constructions aient fait l’objet d’une étude esthétique et paysagère allant au-delà de l’étude économique et fonctionnelle qui les a engagées. Comme si l’espace urbain se limitait à un espace économique et à un espace fonctionnel, comme si vivre en ville ne supposait qu’y travailler et y remplir les fonctions que l’économie urbaine assigne, comme si vivre en ville ne comportait pas de dimension réellement esthétique.
Enfin, la politique urbaine de l’espace et du paysage est une politique des espaces culturels. L’esthétique de l’espace urbain s’inscrit aussi dans la mise en œuvre de politiques destinées à imaginer des usages esthétiques et culturels des lieux de la ville, de ses constructions et de ses aménagements. Lire la ville en la parcourant, ce n’est pas seulement y découvrir et y relire les constructions et les aménagements de l’espace urbain, c’est aussi mettre en œuvre des usages culturels des lieux et des sites de la ville. Lire les significations culturelles de sites comme la Corniche ou les parcs de cette ville, c’est aussi être en mesure d’en lire les formes sans être empêché de le faire par les nuisances de toutes sortes qui dégradent ces espaces, qu’il s’agisse de l’excès de la circulation des voitures, de l’excès des pollutions sonores de touts sortes, ou encore de la saleté des rues de la ville, mal entretenues et remplies de détritus de toutes sortes. Or c’est en se rendant compte que la ville ne cherche pas à se nettoyer ni à s’entretenir elle-même que ceux qui l’habitent ou y circulent ne prennent pas les précautions qu’ils auraient à cœur de prendre s’il s’agissait d’un espace qu’ils reconnaissaient pleinement comme le leur.
Sans doute une politique de l’espace urbain consiste-t-elle à faire en sorte que ceux qui vivent dans cette ville se l’approprient pleinement, et, pour cela, prennent plaisir à la regarder et à la lire.
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