La ville change-t-elle d’échelle ?
UNE NOUVELLE IDENTITÉ URBAINE : LA MÉTROPOLE
Mercredi dernier, le 6 février, « Réinventer la gauche » organisait un débat avec P. Magro, conseiller de territoire, sur la question de la métropole. C’est l’occasion de réfléchir à ce qu’est une métropole, à cette nouvelle dimension institutionnelle de la ville et de l’urbanité
UNE NOUVELLE IDENTITÉ URBAINE : LA MÉTROPOLE
Ville et métropole
C’est une vieille histoire, la métropole. D’abord, c’est un vieux mot, c’est un mot grec, en fait, qui signifie, étymologiquement, « la ville-mère ». C’est que la métropole est un peu la mère pour toutes les villes, plus petites, qui l’entourent, qui dépendent d’elle, qui sont liées à elle dans une sorte de réseau. Les métropoles ont sans doute toujours existé, depuis qu’il existe des villes, car il y a toujours eu des villes qui étaient plus grandes que d’autres, qui étaient des centres pour des espaces urbains s’étendant au-delà d’elles. C’est dans la ville-centre, dans la métropole, que se trouvent les lieux où l’on travaille, les lieux où se tiennent des marchés dont dépendant ceux, plus petits, qui s’y fournissent, les lieux culturels, aussi, où l’on vient se former, trouver des bibliothèques et des lieux de documentation plus importants, où se trouvent des lieux de spectacles un peu importants. C’est ainsi que Marseille est une métropole depuis longtemps, sans doute depuis sa naissance, parce qu’elle a toujours été un port, c’est-à-dire un débouché sur la Méditerranée, parce qu’elle a toujours été un espace urbain économique et politique plus grand que les petites villes qui l’entourent.
L’urbanisation a engagé, en France, la naissance de métropoles qui se sont formées dans tous les espaces du pays, en particulier à Paris, à Marseille, à Lyon, à Toulouse, à Bordeaux, à Lille, pour e retenir que les plus importantes. C’est ainsi qu’en 1966, la métropolisation a donné naissance à une institution nouvelles, les communautés urbaines, et qu’ensuite, la métropolisation a connu de multiples organismes qui ont scandé l’institutionnalisation du fait métropolitain, avec les divers établissements intercommunaux, avec ce que l’on a appelé les S.C.O.T. (Schémas de coopération intercommunale en vue du développement territorial), puis avec les E.P.C.I. (Établissements publics de coopération intercommunale). Sans doute peut-on expliquer le retard que la métropole marseillaise a mis à s’institutionnaliser et l’absence de communauté urbaine quand d’autres se sont constituées, en 1966, comme Bordeaux, Lille, Lyon ou Toulouse, par le fait que G. Defferre ne voulait pas voir le pouvoir sur l’aire marseillaise lui échapper, en raison de la présence de maires communistes dans la périphérie, mais aussi par le fait que, contrairement à d’autres grandes villes, des sites et des quartiers constitutifs des banlieues se trouvent dans la commune marseillaise.
Marseille et la métropolisation
Comme souvent, à Marseille, les choses ne se sont pas faites comme dans les autres villes de France. La métropolisation ne pouvait pas y revêtir la même signification. En effet, deux faits constituent ce que l’on peut appeler la spécificité marseillaise de la métropolisation. Le premier tient à sa situation et à son histoire. Si Marseille ne pouvait pas être une métropole comme les autres métropoles françaises, c’est que son histoire est née de la mer et des échanges avec l’étranger, avec les pays de la Méditerranée. Ce ne peut être un hasard si le mythe qui raconte la naissance de Marseille est l’histoire de l’arrivée d’un grec et de sa rencontre avec la fille de celui qui régnait sur la ville. Ensuite les échanges avec les pays méditerranéens, puis la colonisation et la décolonisation ont fondé le développement de la ville, faisant d’elle une métropole dont le développement a toujours été lié aux échanges avec l’étranger. Le deuxième fait qui donne une signification particulière à la métropolisation marseillaise est la relation complexe de la ville avec le pouvoir central, à Paris et avec les villes qui entourent Marseille. Avec Paris, à la fois parce que Marseille est loin et parce qu’elle est ouverte sur la mer, les relations ont toujours été tendues : la preuve de cette tension est, en quelque sorte, donnée par les deux forts qui entourent l’entrée du port, comme pour le surveiller. Avec les autres villes de l’are marseillaise, qu’il s’agisse d’Aix ou de villes plus petites, les relations ont toujours été compliquées, à la fois parce qu’Aix, qui fut capitale de la Provence, s’est vue, en quelque sorte, perdre son rôle de ville-centre avec le développement de Marseille et parce que les villes plus petites qui entourent Marseille ne voulaient pas perdre leur identité propre en se fondant dans l’espace marseillais.
L’identité politique contemporaine de la métropole marseillaise
Et aujourd’hui, où en sommes-nous ? Trois constats, soulignés, d’ailleurs, par P. Magro, amènent à repenser la métropolisation marseillaise, aujourd’hui. Le premier est une nécessité institutionnelle et financière : tant que la métropole ne pourra pas lever l’impôt, elle n’aura pas d’identité politique. Pour que la métropole soit une collectivité locale de plein exercice, il faut qu’elle puisse lever l’impôt et ne pas dépendre des contributions des communes qui en font partie. C’est vrai pour Marseille comme pour toutes les métropoles de notre pays, mais il importe de le redire. Le second fait qui donne à la métropolisation marseillaise une signification particulière est la gravité des inégalités à Marseille : Marseille est la grande ville française où les inégalités de revenus entre les quartiers sont les plus élevées et une ville où l’on trouve cohabiter des foyers très riches et des foyers très pauvres dans tous les quartiers. Dans ces conditions, la métropolisation peut être ou une occasion d’accroître les inégalités et de les pérenniser, ou, au contraire, un outil institutionnel permettant de les réduire. C’est ainsi que l’on peut formuler le troisième constat sur la métropolisation ici : c’est bien d’un processus pleinement politique que nous parlons. La signification de la métropolisation marseillaise est pleinement politique, car elle s’inscrit dans un projet de développement fondé sur une vision politique du futur. Sans doute la métropolisation aura-t-elle une place majeure dans le débat engagé en vue des élections municipales de 2020.
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