À l’approche du second tour de l’élection présidentielle
UN CHOIX QUI N’EN EST PAS UN
Nous sommes samedi. D'habitude, c'est le dimanche que j'écris mon texte hebdomadaire dans "Marsactu", mais, aujourd'hui, c'est un samedi un peu particulier, parce que, demain, nous allons, tous ensemble (« Tous ensemble, tous ensemble », clamait une manifestation, un jour), choisir pour cinq ans le président de la République, parmi deux candidats. Même s’il ne s’agit pas de politique marseillaise, ce choix aura trop d’incidences sur la vie urbaine dans notre ville pour que mon intervention hebdomadaire dans « Marsactu » l’ignore. Nous allons donc parler de cela.
C’est le premier constat qui vient à l’esprit quand nous regardons cette élection. Un véritable choix est un choix entre un candidat de gauche et un candidat de droite. Or, ce dimanche, il n’y a que deux candidats de droite. Marine Le Pen est la candidate de la droite dure, de la droite du Front national, de cette droite qui fonde son discours sur une conception de l’identité reposant sur une logique d’exclusion de la différence. Emmanuel Macron est le candidat d’une droite plus libérale, mieux inscrite dans les logiques du discours politique contemporain dominant – au point qu’il a même pu se faire passer pour un candidat de gauche, puisque beaucoup d’acteurs politiques se réclamant de la gauche le soutiennent – à commencer par le président de la République, F. Hollande. Mais, si E. Macron a pu se faire passer pour un candidat de gauche, il n’en est pas, pour deux raisons au moins. La première est qu’il défend le système libéral d’organisation de la vie économique et de la vie sociale. « Je veux que nous soyons libres d’entreprendre, d’innover, de réussir » », écrit le candidat dans le discours électoral que nous avons trouvé dans nos boîtes aux lettre, « quel que soit », ajoute-t-il, « notre milieu d’origine ». Ce n’est pas une véritable liberté. D’abord, parce que cette liberté d’entreprendre n’en est pas une, puisque, pour l’exercer pleinement, il faut en avoir les moyens. Ensuite, parce que la liberté d’entreprendre n’est pas une liberté politique, car elle suppose tout de même que celui qui entreprend se situe dans les codes et les normes du libéralisme. Dans le projet politique d’E. Macron, il n’y a pas de place pour d’autres conceptions de la vie sociale. La deuxième raison pour laquelle E. Macron n’est pas un candidat de gauche est l’espèce d’unanimisme béat que sa candidature a suscité dans l’espace public, en principe pour faire barrage à Marine Le Pen, alors qu’en fait, cet unanimisme date du premier tour. En effet, on a pu se rendre compte que le candidat en principe présenté par le P.S. ne recueillait pas l’adhésion des socialistes du gouvernement qui soutenaient la candidature d’E. Macron, et parce que le candidat de gauche recueillant le plus de suffrages, lors du premier tour, était J.-L. Mélenchon. En 2002, quand, au second tour de la présidentielle, J. Chirac était opposé à J.-M. Le Pen, sa candidature avait suscité un engagement sans hésitation de la part de ceux qui étaient ses adversaires politiques, car l’urgence était de faire barrage au Front national. Aujourd’hui, le soutien que rencontre E. Macron n’est pas seulement une union contre le Front national : il s’agit d’un soutien politique, idéologique, issu de courants politiques différents qui ont, en quelque sorte, abandonné leur opposition. L’opposition était exprimée par la candidature de J.-L. Mélenchon qui s’était engagé à réformer la Constitution, à changer le régime politique dans lequel nous vivons. La candidature d’E. Macron est une façon d’atténuer les oppositions et les confrontations, de les méconnaître, de faire comme si la vie politique n’était pas fondée sur des confrontations vivantes mais sur des unanimités molles. C’est pourquoi il ne s’agit pas d’un choix, puisqu’à la candidature que nous rejetons tous, celle du Front national, s’oppose une candidature sans engagement fort, sans identité claire. D’ailleurs, quand on regarde les documents électoraux des deux candidats, l’un écrivant : « Ensemble, la France ! » et l’autre : « Choisir la France », on lit cette similitude, cette absence de confrontation, cette opposition lisse, sans aspérités – sans véritable différence, au fond.
Finalement, à ce choix qui n’en est pas une, sans doute n’y a-t-il qu’une réponse possible : une réponse qui n’en soit pas une, car répondre serait accepter les termes du choix qui nous est proposé. Cette réponse sera le vote blanc. Il y a quinze ans, on nous a fait une sorte de chantage, et nous semblons, aujourd’hui, soumis à un chantage du même ordre, avec, de plus, un candidat, opposé au Front national, qui essaie de se faire passer pour un candidat recueillant l’adhésion d’acteurs de gauche. Mais, cette fois, à l’absence d’opposition claire, de confrontation distincte entre des candidats porteurs d’identités politiques exprimées, ne peut répondre que le refus, par le vote blanc, d’une élection ainsi contrainte. Il est temps que, dans notre pays, le vote blanc soit considéré comme un véritable suffrage exprimé. Il est même urgent que s’engage une dynamique politique pleinement de gauche.
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