Un Banksy dans le 7e
Faut-il y voir un signe que l'artiste-phare du XXIe siècle se serait embourgeoisé ou saisir l'occasion, en tant que marseillais, d'appréhender notre ville à travers les yeux d'un "estranger" et de nous approprier le titre de l'oeuvre : I WANT TO BE WHAT YOU SAW IN ME ?
Au-delà de la magnifique devise qu’il nous propose (se montrer à la hauteur de ce que l’autre a vu en nous), l’habitant du quartier peut être tenté de se demander ce que l’artiste a bien pu trouver chez nous pour nous gratifier de sa dernière œuvre.
Car à l’évidence, celle-ci n’est pas posée là par hasard et tire parti son environnement immédiat pour se révéler à nous dans toute sa richesse.
En effet, on remarquera tout d’abord que c’est un élément omniprésent du paysage marseillais (le potelet !) qui donne son sens à l’image – le phare se présentant comme l’ombre de l’élément urbain.
Dans cette logique de trompe l’œil, sans doute les deux peintures murales assez convenues sont-elles à prendre en considération dans l’examen de l’œuvre, avec laquelle elles forment une sorte de triptyque.
Là où les fausses fenêtres ouvrent des perspectives lointaines sur une mer bleue fantasmée, l’œuvre contraint le regard à faire le mouvement inverse, s’arrêter sur le mur et revenir à l’environnement immédiat, que nos yeux cherchent désespérément à fuir. Car au-delà du potelet, l’œuvre est située dans une sorte de tunnel urbain dont l’ouverture en arrière, sur la falaise de Samatan entourée de grillages pour parer à d’éventuelles chutes de pierres ne fait qu’accentuer encore le sentiment d’enfermement.
Et bien sûr, à l’entrée de la rue, les murs d’enceinte surmontés de barbelés, délimitant l’emprise des terrains militaires, si familiers que le riverain ne les remarque plus, n’ont pas manqué d’éveiller la vigilance de l’artiste.
Littéralement à deux pas de la plage surpeuplée des Catalans, espace tout entier accaparé par le loisir, il nous révèle les marges de l’espace urbain, ces lieux indéfinis qui ne semblent exister que pour être traversés (par des voitures ou par de fausses fenêtres en trompe-l’œil)
Si le propre d’une œuvre universelle est de s’adresser non pas à tous mais à chacun, ce graffiti au message universel et pourtant intégré dans son environnement immédiat, n’offrirait-il pas aux marseillais la chance de faire un retour sur eux-mêmes et sur leur ville pour se demander ce qu’un artiste de l’envergure de Banksy a bien pu leur trouver ?
Nichés dans un quartier qui peut parfois sembler un peu confit dans son jus (ou plutôt dans l’imaginaire provençal ringard promu par nos institutions), Banksy révèle des espaces urbains et des enjeux universels, invitant peut-être les marseillais, qui aiment à se représenter “la cité phocéenne” comme un village gaulois réfractaire face à “la capitale”, à abandonner ce tropisme et à prendre pleinement part à la mondialisation et aux sujets de notre temps. Ce qui ne signifie pas perdre son identité, bien au contraire.
On peut fort bien, sans renier Pagnol, préférer Marius à Escartefigue.
Commentaires
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Ah, je vais vous décevoir… L’ombre est peinte sur le trottoir. Mais ça vaut le coup quand même 🙂
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Vous avez bien fait d’auto-commenter car ce billet était en effet passé inaperçu pour moi.
Merci pour cette analyse intéressante. Je suis bluffée par l’utilisation de l’ombre du potelet. A quelle heure celle-ci se confond avec le phare ?
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Ah,je vais vous décevoir… L’ombre est peinte sur le trottoir, mais ça vaut le coup quand même 🙂
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impressionnant, bansky a choisit notre ville, et le quartier des catalans.
c’est un vrai cadeau.
un potelet, un phare, incroyable ce que ça peut raconter.
le nombre de personnes passant devant sans voir l’oeuvre….et quelques unes s’arrêtent et s’interrogent.
(il y en aura de plus en plus, ça commence à se savoir)
ps : pagnol m’indiffère je préfère giono !
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Une œuvre couillue https://www.laprovence.com/article/societe/11725655091537/banksy-naura-pas-survecu-a-marseille-loeuvre-du-street-artiste-pres-de-la-plage-des-catalans-detournee
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Subtile évocation des barbelés militaires dont je parlais ?
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Ouah je viens de voir : des imbéciles décérébrés ont tagué l oeuvre de banski.
La bêtise humaine est incommensurable.
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Assez désolant en effet: quand l’artiste donne une visibilité aux migrants, le gros con les oblitère avec ses cou*lles…
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https://www.laprovence.com/article/societe/1805154992310914/le-banksy-a-marseille-degrade-loeuvre-de-mysterieux-street-artiste-remise-en-etat
Il Braghetthone ?
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vive campana.
on parlait de barbelés.
pour reprendre le texte, il donne une appréciation toute particulière à cette dégradation : de gros c..s réduits à une paire de c..lles.
(ce ne sont pas les seuls, je crois me souvenir, qu’il y a un certain temps, 2020 je crois, Invader avait collé une de ses oeuvres à l’intérieur de la cité radieuse – sans autorisation !-…et des propriétaires tous aussi radieux s’en étaient bruyamment plaints !!)
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Merci Assedix pour cette analyse, quant au vandalisme : c’est Marseille BB, comme dirait avec admiration Tanguy Cohen rédac en chef de la Provence.
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Rédacteur en chef adjoint à la région, soyons précis. 🙂
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