Lundi 2 août 2021
Spécialisation ou diversification ?
Certaines disciplines ne permettent pas d’accumuler les médailles, ce qui limite la médiatisation des champions. Certains essayent néanmoins d’élargir le champ des possibles.
Les épreuves de natation sont terminées, même si l’eau des bassins est encore agitée par les compétitions de plongeon, de water-polo, et de natation synchronisée. Il est encore temps de saluer les moissons aquatiques réalisées par l’Américain Caleb Dressel (5 titres) et l’Australienne Emma McKeon (7 médailles, dont 4 titres), qui les prolongeront peut-être dans trois ans à Paris.
Ces exploits multiples se sont banalisés en natation, depuis que l’Américain Mark Spitz a lancé la mode en 1968, et il n’est plus rare de voir un champion remporter deux épreuves dans la même journée, aidé souvent par ses partenaires d’un relais. Cela relativise un peu la portée de l’exploit, et la dépense physique exigée.
Les premiers records de médailles raflées dans la même édition des Jeux avaient été établis par les gymnastes, engagé(e)s dans un concours général individuel, une épreuve par équipes, puis dans les nombreuses finales par appareils. Cette époque semble révolue : à Tokyo, chaque appareil exigeait un gabarit, une technicité et une créativité particuliers et opposait des concurrent(e)s spécifiquement préparé(e)s.
C’est moins évident chez les jeunes femmes, puisque la star américaine Simone Biles était engagée sur plusieurs fronts. Mais ses soucis de santé l’ont conduite à renoncer, sans doute aussi parce qu’elle devait affronter à chaque fois une concurrence redoutable. Une méga-star ne saurait accepter facilement la perspective d’un échec.
L’épreuve des anneaux, où était engagé le porte-drapeau français Samir Aït-Saïd, réunissait huit concurrents, dont aucun ne s’était employé dans le concours général individuel.
Les finales par appareils se disputent désormais sur plusieurs journées, et permettent de mieux mettre en valeur chaque compétition et chaque gymnaste qui s’y engage. Les tenues sont soignées, les brushings sophistiqués et les mimiques répétées à l’avance. Les chances de se faire une place dans le marché aux images de la journée sont réduites quand on n’obtient pas de médaille.
Aït-Saïd a terminé 4e sur 8, pour sa seule prestation à Tokyo. Le passage aux anneaux dure un peu plus d’une minute d’un effort très intense, reproduit à deux reprises en qualifications et en finale, Le Français a pu largement s’épancher sur la blessure de dernière minute qui aurait diminué ses chances de succès. Elle n’était pourtant pas si grave qu’elle l’aurait empêché de montrer son enchaînement. Il a été devancé par deux Chinois très « nouvelle vague » et par le Grec champion olympique aux anneaux à Rio. Sans prétendre à aucune expertise, il nous a même semblé que le meilleur mouvement avait été présenté par un concurrent turc, passé le dernier et pénalisé par une réception catastrophique.
Le temps est donc aux spécialistes, et il sera exceptionnel de voir un gymnaste repartir avec une valise chargée de médailles. Pour y parvenir, il faut maintenant envisager de prolonger sa carrière et de cultiver sa spécialité avec succès.
Cette constatation est du reste valable aussi pour le cyclisme sur piste.
Un autre moyen d’obtenir de multiples médailles et une meilleure exposition médiatique pourrait être de chercher à élargir son éventail. Quelques athlètes s’y sont essayés les premiers, et ce ne sont pas les spécialistes du décathlon.
Ainsi l’Américain JuVaughn Harrison s’est engagé à la fois dans les concours du saut en hauteur et du saut en longueur, avec des records personnels respectables à 2m33 et 8m47. Il s’est classé 7e du saut en hauteur, et sa performance est passée relativement inaperçue compte tenu du résultat du concours, gagné par un duo inséparable. Puis a terminé 5e de la longueur, avec un saut de 8m15. Cette discipline, qui a installé Owens, Beamon et Powell au firmament olympique, est désormais délaissée (y compris par Jakobs, l’Italien récent champion du 100 m) et la concurrence y est assez misérable : avec son saut à 8m06 des JO de Berlin, Jesse Owens se serait classé 8e à Tokyo.
Un autre pari du même genre est bien amorcé. Sifan Hassan, Néerlandaise née en Ethiopie, tente un triplé incroyable sur 1 500 m, 5 000 m et 10 000 m. Elle s’est qualifiée de manière ahurissante en remportant sa série du 1 500 m alors qu’elle avait été victime d’une chute à 300 m de l’arrivée ! Puis, dans la soirée, elle s’est imposée sans coup férir sur le 5 000 m. Il faut remonter à l’aube de l’athlétisme et aux exploits du Finlandais Paavo Nurmi pour trouver un exemple comparable de polyvalence athlétique.
Sifan Hassan est âgée de 28 ans. Elle a donc échappé à la « malédiction des 27 ans », qui a emporté tant d’artistes, et semble en pleine possession de ses moyens. Au même âge, sa compatriote Dafne Schippers ne peut plus en dire autant : elle a été éliminée en demi-finale du 200 m, épreuve dont elle a été deux fois championne du monde, et médaille d’argent à Rio.
Le cœur serré, on a assisté au même naufrage d’un champion du même âge : le Sud-Africain Wayde Van Niekerk, qui avait réalisé à Rio un des plus grands exploits de l’histoire de l’athlétisme en s’imposant sur 400 m et en abaissant en 43 s 03 le mythique record du monde de Michael Johnson. Van Niekerk, au temps de sa splendeur, descendait sous les 10 s au 100 m, les 20 s au 200 m et pouvait prétendre à être le premier à faire moins de 43 s au 400 m.
On serait heureux de revoir ces grands talents dans trois ans à Paris.
Un compétiteur peut à lui seul ramener cinq médailles à la maison, alors qu’il en faut une bonne vingtaine de joueurs pour une seule breloque dans les sports collectifs. Après les filles du rugby à VII, la France peut en espérer plusieurs puisque sont parvenues à se qualifier pour les quarts de finale les quatre équipes de hand et de basket, et même le Team Yavbou du volley masculin. C’est une performance inédite, et rassurante dans la perspective de 2024. L’absence du football n’en est que plus choquante. C’était pourtant le bon moment pour les joueuses, puisque la sélection américaine, leur bourreau habituel, semble en perte de vitesse. La finale opposera le Canada à la Suède.
On sera curieux d’examiner la constitution d’équipes féminines de hockey et de water-polo, sans qu’il soit besoin, on l’espère, de faire appel à un cabinet de recrutement.
L’équitation a apporté son écot rituel à la récolte française de médailles (et ce n’est peut-être pas fini), avec le bronze dans le concours complet par équipes.
On a plus envie de s’en réjouir que de la médaille d’or obtenue au tir, on s’en excuse auprès de Jean Quicampoix. Il s’entraîne à Allauch aux portes de Marseille, et semble parti pour un long règne après l’argent de Rio et l’or de Tokyo, à seulement 25 ans. La pétanque a manqué son entrée aux Jeux. On y tire aussi mais c’est généralement plus pacifique.
VIGNETTES
¤ Le Marocain Soufiane El Bakkali a réalisé l’exploit de priver le Kénya d’un énième titre olympique sur 3 000 m steeple. La gagnante au lancer du disque, l’Américaine Valafre Allman, garde la grâce de la danseuse qu’elle fut naguère. Les lanceuses sont désormais rapides et plutôt longilignes, qui deviennent peu à peu les atouts principaux dans les lancers.
¤ L’Inde est en train de s’apercevoir que les femmes ont un rôle positif : son équipe féminine est en demi-finales du tournoi de hockey, un des rares sports d’élection du deuxième pays le plus peuplé de la Terre. Autre sensation : un Danois, Viktor Axelsen, est champion olympique de badminton. C’était déjà arrivé une fois, en 1996. Tous les autres titres sont revenus à des Asiatiques.
¤ Le Japon a battu les Etats-Unis dans le tournoi de baseball et est désormais certain que ses Jeux sont réussis.
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