Réflexions sur le musée Regards de Provence
La fondation Regards de Provence est installée depuis peu dans l’ancienne station sanitaire, face aux J4, ses chantiers et ses futurs musées. De nombreux musées sont construits ou réhabilités pour l’année Capitale, pourtant, Regards de Provence a quelque chose de particulier, il est privé ! Eh oui, à la différence du Mucem (Etat), de Cantini, Vieille Charité, Longchamp, Borély (Ville) ou encore le Frac (Région), Regards de Provence appartient à la fondation du même nom. Qu’est-ce que ça change ? Et qu’est ce que ça signifie ?
J’y suis allé vendredi dernier, profitant de la nocturne,comme tout le monde, j’avais lu plusieurs articles sur l’ouverture du lieu et la fondation en général. Le couple a fait fortune avec Sodexo (elle est la sœur de Pierre Bellon), et il adore l’art lié à la Provence qu’il collectionne. Pour en savoir plus, le site de la fondation est bien fait, les entreprises peuvent même donner, et déduire des impôts, et pour connaître la trajectoire du couple, voilà un article du Figaro.
Première impression en arrivant : “tiens une boutique l’Occitane” au rez-de-chaussée. L’entreprise est partenaire du projet (tout comme Christie’s), cette implantation a du sens, on peut penser que les amateurs de l’un sont consommateurs de l’autre, et vice versa. On ne voit pas ça dans un musée public, ou en tous cas, pas en France.
Deuxième impression, c’est beau ! Bon, ça n’a rien à voir avec le côté public / privé, mais c’est un fait, ça aurait pu être kitch ou figaro madame, c’est pas le cas. En plus, on aurait pu les soupçonner de vouloir gommer ou atténuer la mémoire du lieu (station sanitaire, maladies, squatt…), et bien pas du tout. Une salle est consacrée à cet effet, l’exposition dans le hall montre l’endroit tel qu’il était avant les travaux (avec la superbe intervention d’un artiste plasticien), et la personne de l’accueil nous a tout raconté (les soirées du squatt comprises).
Ensuite, visite de la collection, plutôt classique, mais ça on le savait. Les cadres dorés et le figuratif, c’est pas toujours évident dans un endroit aussi contemporain (le bâtiment Pouillon date de 1948) mais on s’y fait. Un échantillon des 850 oeuvres de la fondation est exposé, avec, surprise, une dernière salle très contemporaine autour de la création marseillaise et provençale actuelle.
Retour dans le hall, passage par la boutique, et direction le bar / restaurant. Dernier étage, belle vue le jour (nous a-t-on dit, et on les croit), moins évident la nuit, toujours un très bel endroit (d’ailleurs, bravo pour les luminaires dans l’ensemble du musée !). Le bar est ouvert tous les jours sauf le dimanche et reste ouvert le vendredi soir jusqu’à 23h pour le dîner (soit 2h après la fermeture du musée). C’est une très bonne idée de l’avoir fait, là encore, ce n’est pas le cas de tous les musées de Marseille, et pourtant, un café/restau peut être une source de profits importants.
Vous me direz qu’un musée public n’est pas là pour faire du profit, c’est vrai, mais je répondrais qu’il n’en a pas l’interdiction, et que l’argent issu de la restauration peut payer des médiateurs, des équipements et autres.
Bref, vu qu’ici, c’est privé, c’est comme pour l’Occitane, ils ne s’embarrassent pas de toutes ces questions. Du coup, ça m’a fait penser aux musées londoniens ou aux espaces culturels des “Cajas” espagnoles (Caixa Forum…), ce qui n’est pas peu dire en terme d’expérience. Reste des progrès à faire pour le marketeur que je suis, alors je vais donner un conseil gratuit aux gestionnaire du musée : vous avez un très beau restaurant un peu isolé des salles d’exposition, si vous voulez le faire tourner le vendredi soir (il était quasiment vide vendredi dernier), j’ai une idée toute simple. Indiquez lors de l’achat du billet d’entrée qu’un bar existe, et que vous êtes heureux de nous y offrir un verre après la visite (et il y a fort à parier qu’après le premier verre à 21h, certains restent pour manger). Ça ira pour le lancement, pour faire connaître le bar et donner envie d’y revenir, lorsqu’il sera bien connu, le verre offert pourra se transformer en café offert ou en réduction.
Et sinon, plus largement, sur le sens des musées privés, il me semble qu’ils jouent un rôle important. D’abord parce qu’ils viennent combler un manque dans le panorama : où se trouvent le Musée d’histoire de Provence, ou le Orsay Provençal ? Qui est responsable de cette mémoire ? Je vois l’œuvre de cette fondation comme un beau cadeau fait aux marseillais et aux provençaux. Alors oui, ça sert aussi peut-être à défiscaliser, mais puisque ça bénéficie à la société… et c’est toujours ça que le Grand Paris n’aura pas 🙂 Ensuite, on ne peut que souhaiter que d’autres entreprises les imitent et défiscalisent pour le bien commun : si la CMA-CGM veut offrir un aquarium, Eurocopter et Cadarache une cité des sciences ou Ricard une cinémathèque, je ne cracherais pas dessus…
Avec tout ce dont Marseille a besoin, on ne sera jamais trop de public et privé pour l’équiper.
Commentaires
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Merci pour cet article, qui montre les lacunes de Marseille dans ces connexions entre le privé et le public, un sujet que j’abordais dans “Demain, c’est aujourd’hui : de #BID10 à #MP2013” http://wp.me/pXs9E-9p , une synergie mise en place dans ce musée, c’est un début ! Pour avoir travaillé dans les Musées de Marseille, je sais que de ce côté ce n’est pas gagné, mais si une dynamique s’installe… Laure
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Vous avez raison de souligner que le privé peut être à l’origine d’origines remarquables, et en voici une. D’autant plus qu’elle se trouve à Marseille. Ce n’est certes pas le musée d’histoire de la Provence que vous réclamez, et votre idée est intéressante, mais on entrevoit tous les débats que la notion même de Provence peut soulever, les risques d’instrumentalisation… et si l’on se limite à Marseille, le musée d’histoire (rénové) n’est pas loin ! (et l’on attend avec impatience votre article)
Puis-je préciser, par ailleurs, que si les musées publics se préoccupent de “toutes ces questions”, c’est que les activités de restauration par exemple, gérées par délégation, sont loin d’être rentables à tous les coups… et qu’eux aussi doivent rendre des comptes !
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Merci de ces nuances.
Je comprends vos réserves sur la notion de Provence, elles sont tout à fait justes (cf le débat sur la cité de l’histoire de France). Mais pour peu qu’on confie à des historiens le soin d’en faire un lieu de confrontation d’idées plutôt qu’un outil politique, ça pourrait être un lieu intéressant, on ne peut pas oublier son passé par peur du débat. Enfin, je ne le pense pas.
Quant aux activités de restauration, j’imagine qu’elles ne sont pas rentables à tous les coups. Reste paut-être à se demander dans quelles conditions elles peuvent l’être, sans que ça devienne une priorité du musée, bien sûr !
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