L’écologie urbaine à Marseille (suite)
QU’EST-CE QU’UNE VILLE PROPRE ?
Il y a quelque temps, nous avions engagé, pour « Marsactu », une réflexion sur ce que pourrait être une écologie urbaine à Marseille. Des événements récents nous poussent à reprendre ce questionnement.
Depuis quelque temps, Marseille a un sale air : en effet, cette ville a tendance à être occupée par les déchets et les ordures qu’elle produit, parce qu’un conflit social se manifeste sous la forme d’une grève des agents chargés du nettoyage de ses rues. Mais, parce qu’il faut toujours aller plus loin que l’immédiateté de l’événement, nous avons choisi de nous saisir de la question de ce conflit pour nous interroger sur ce qu’est une ville propre, au fond.
Que sont les déchets d’une ville ?
Une ville produit des déchets comme tout être vivant. En effet, c’est le propre de la vie de se manifester sous la forme de déchets. Produire des déchets fait partie de l’existence. Les ordures et les déchets font partie de cette économie qui est celle de la ville comme celle de notre corps. Questionnons-nous donc, pour commencer, sur ce que sont les déchets d’une ville, ce que sont ce que nous pourrions appeler les preuves de l’existence vivante de la ville ? Sans doute, pour tenter d’y voir un peu clair, peut-on commencer par faire le tri, par mieux comprendre ce que sont les différents types de déchets produits par une ville. Le tri, ce que l’on appelle, par une drôle de redondance, le « tri sélectif », avait commencé de nous pousser à une première mise en ordre de nos déchets : il y a, ainsi, les papiers et les emballages divers, les verres et tout le reste. Ce « tout le reste » est peut-être ce qui est le plus intéressant, parce que c’est la part des déchets qui manifeste le mieux la vie de la ville, qui manifeste le plus clairement la façon dont nous habitons la ville. Or, justement, c’est cette part des déchets que l’on ne voit pas, c’est cette part des déchets qui échappe à la vue car c’est elle qui est enfermée dans des sacs.
Mais les déchets d’une ville ne sauraient se limiter aux déchets qui sont dans les poubelles des maisons particulières : les déchets de la ville, c’est aussi les déchets que l’on peut voir dans les sacs ou les corbeilles qui sont offerts aux passants dans les rues – encore que l’on puisse trouver qu’il y en a de moins en moins. Sans compter que les délires sécuritaires de notre société contemporaine ont fini par réduire ces réceptacles publics, quand ils existent, à des sacs en plastique, parce que les villes ont pris peur des bombes et des attentats et qu’elles ont voulu, Marseille comme les autres, dissuader les terroristes en puissance de placer des bombes dans des sacs en pastique. Enfin, les déchets de la ville, c’est tout ce que l’on désigne sous le vocable général de pollution. C’est cela, la pollution : c’est l’ensemble des déchets produits par le simple fait d’habiter la ville. Polluer fait, en quelque sorte, partie de la vie. C’est, en quelque sorte, en polluant l’espace dans lequel nous nous trouvons que nous manifestons notre vie. C’est pourquoi, plutôt que de la prévention de la pollution, sans doute vaudrait-il mieux engager une politique active visant à restreindre la pollution, à la réduire autant que faire se peut à sa part incompressible. Sans doute serait-ce là l’objet d’une véritable réflexion politique forte et utile que l’écologie urbaine pourrait engager que de tenter de penser les déchets et la pollution, d’élaborer c que l’on pourrait appeler une critique de l’écologie urbaine, fondée, en partie, sur l’analyse de la signification des déchets urbains.
Qu’est-ce qu’une ville propre ?
C’est alors qu’il convient de s’interroger sur ce qu’est une ville propre, pour mieux comprendre quelle politique de l’environnement une ville devrait engager. On retiendra quatre traits qui permettent de définir, selon nous, ce qu’est une ville propre.
Le premier est esthétique : une ville propre est une ville que l’on peut prendre plaisir à regarder, dans laquelle on peut aimer se déplacer, pour la parcourir en vue de son travail ou pour s’y promener pour le plaisir de c que l’on peut appeler le vagabondage urbain. Sans doute est-ce sur ce premier point que les déchets constituent un obstacle majeur. Une ville propre n’est pas une ville sans déchets (cela n’existerait que dans le cas d’une ville morte), mais une ville dans laquelle les déchets ne polluent pas les parcours ou les visites.
Le second critère d’une ville propre est comparable à ce qui peut définir un corps humain propre : une ville propre est une ville dont les déchets ne peuvent atteindre le corps, c’est-à-dire une ville que les déchets ne peuvent empêcher de vivre. Or, il pourrait arriver que l’accumulation des déchets finisse par entraver la vie de la ville, la mise en œuvre des différentes fonctions qui la font vivre.
Une ville propre, c’est sans doute, aussi une ville dont les déchets ne parviennent pas à perdre la signification, voire à cacher l’identité. À force d’être polluée par les déchets qui s’accumulent dans ses rues, la ville, comme un corps humain, pourrait finir par ne plus trouver de sens à sa propre existence : habiter la ville finirait par ne plus rien vouloir dire, et ce serait, alors, le début d’une sorte de désagrégation du tissu urbain.
Enfin, une ville propre n’est pas une ville sans déchets, ni une ville qui les cache, mais une ville qui les recycle, au sens propre : qui leur donne un rôle et une explication dans les dynamiques de l’économie urbaine. Il ne s’agit pas d’exclure les déchets de la ville : l’exclusion est toujours une faute politique. Il s’agit, plutôt, de leur donner sinon du sens – car c’est l’absence de sens qui définit, justement, ce qu’est un déchet, au moins un rôle qui nous permette de nous confronter à eux. La décharge d’Entressen a été longtemps une manière, pour Marseille, de se cacher à elle-même les déchets qu’elle produisait, une manière de dénier leur existence au lieu de leur faire face.
Une ville propre, finalement, est une ville que ses déchets n’empêchent pas de vivre.
Commentaires
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Bonjour,
J’avoue ne pas avoir lu en détail cet article; une lecture rapide m’interpelle sur deux points.
L’un est de considérer une ville comme un être vivant, ( et ses déchets comme ses excréments ?). Une ville n’est pas un être vivant, parce que la ville n’est pas une entité capable d’absorber des nutriments pour se transformer et se reproduire… (en gros). Si l’on affirme que la ville “produit” ses déchets, on oublie que ce n’est pas la ville mais les humains ( et tous les êtres vivants) qui fréquentent le territoire de la Ville qui produisent des déchets.
L’autre interrogation porte sur la conclusion : Si “une ville propre est une ville que ses déchets n’empêchent pas de vivre” alors, aucune ville où il existe une circulation automobile n’est propre parce que la pollution automobile ne tue certes pas la ville (qui pourrait mourir ?) mais au moins elle tue ses habitants (humains et animaux…).
Certains, considérant qu’il était difficile de parler de “propreté” pour une ville, ont préféré parler de “netteté” de l’espace public. Je les rejoins.
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Une ville propre est une ville où les services du nettoiement sont impliqués dans leur rôle de rendre l’espace urbain relativement agréable et sain aux habitants. Une ville propre est une ville où les habitants savent que l’on ne peut se comporter comme bon leur semble dans leurs gestes quotidiens touchant aux déchets. Une ville propre c’est une autorité qui induit le “climat” qui y règne en matière de propreté et d’implication collective. Bref, une ville propre c’est un peu l’antithèse de Marseille.
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Me voila rassuré. J’avais cru comprendre que c’était, d’abord et surtout, une ville sans forains
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Il existe bien des containers à emballages et bouteilles dont certains enterrés , mais ils débordent et ne sont pas assez régulièrement vidés ( début avenue Roger Salengro pour en citer un ).
Les politiques ne parlent jamais de recyclage mais tentent de se débarrasser des ordures en allant polluer un peu plus loin ( Fos , l’Estaque )
Recycler et transformer les déchets en énergie voilà que serait un choix politique intelligent !
Si avec nos déchets nous pouvions assurer, ne serait- ce que l’éclairage public, ce serait un grand pas vers la protection de l’environnement et de notre vie tout court .
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