PRÉFET, C’EST FINI !
Préfet, c’est fini, c’est la casquette de mon dernier amour ! Le 16 juillet dernier, l’exécutif a supprimé l’emploi de préfet de police des Bouches-du-Rhône. Au-delà de sa dimension fonctionnelle, cette mesure doit bien tout de même avoir un sens…
Un préfet de police
Commençons par dissiper les éventuelles erreurs d’appréciation de mon point de vue. Je ne suis ni un des admirateurs de la police marseillaise ni un de ses militants. Je pense même que sa présence dans l’espace public est trop visible pour des progrès assez minces en matière de sécurité. La question qui se pose est une question d’institutions, celle de l’organisation des acteurs de la sécurité publique. En effet, c’est avant tout cela, un préfet de police : il est là pour coordonner pour diriger l’action de l’État dans le domaine de la sécurité. Jusqu’à la réforme introduite par M. Valls en 2012, il n’y avait qu’un préfet, à Marseille, le préfet de la région, qui, comme tous les préfets de région, est, en même temps, préfet du département où se trouve son chef-lieu. C’est lui qui était chargé de la police et de la sécurité. En 2012, Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, qui, à l’époque, était plus ou moins nettement membre du P.S. (mais les vents ont tourné depuis), avait eu l’idée d’instituer un préfet de police à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône. Cela pouvait signifier deux choses : reconnaître la gravité des questions de sécurité et d’urgence, propre à la métropole marseillaise, et manifester des particularités d’organisation de l’État propres à Marseille. Nous avons donc eu un préfet de police, qui, selon G. Rof dans Le Monde du 25 juillet, avait mené une action plutôt efficace dans le domaine de la lutte contre le trafic des stupéfiants et dans la prévention des autres formes de délinquance.
Le préfet à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône et dans la région
Peut-être est-ce là l’un des premiers défauts reconnus à cette organisation de la police : il existait, dès lors, deux casquettes. Cela signifiait que le pouvoir préfectoral était partagé entre deux personnes. Allons même plus loin : l’un des préfets marseillais représentait une forme de contre-pouvoir à l’autre, comme c’est le cas de tous les pouvoirs qui se partagent. Ce clivage entre deux préfets, présentait cette particularité : à la différence des autres régions et des autres départements (sauf Paris et la proche région parisienne), ces deux préfets voyaient leur pouvoir limité l’un par l’autre. Il arrive toujours un moment où l’existence d’un contre-pouvoir ou une division des pouvoirs devient insupportable à l’un des acteurs qui en disposent. Sans doute nous trouvions-nous, à Marseille, devant une situation de ce genre. Un clivage de l’autorité entre deux décideurs dans lequel l’existence d’un contre-pouvoir avait fini par ne plus pouvoir être accepté. Une autre particularité se manifestait dans cette organisation de la police dans la métropole marseillaise : la complexité des questions de sécurité. En faisant échapper, au moins en partie, la politique de sécurité à la tutelle du préfet de région, le préfet de police se voyait reconnaître la légitimité d’en concevoir une. On peut trouver curieux que, dans mon blog de Marsactu, j’en vienne presque à soutenir une organisation de la sécurité, mais j’estime que, justement, en soumettant la sécurité et l’organisation de la police à une autorité propre, l’existence marseillaise d’un préfet de police pouvait permettre une réflexion sur ce que peut imposer la conception d’une politique métropolitaine de la sécurité. On aurait même pu espérer – mais, hélas, ce ne fut pas vraiment le cas – l’élaboration d’une véritable politique de la police à Marseille trouvant sa place dans la conception d’une politique de la ville dans la métropole. Mais, désormais, Marseille revient dans le droit chemin de l’administration des départements et des régions : il n’y a qu’un seul responsable exécutif de la politique de l’État, il n’y a qu’un seul préfet.
Le sens de cette nouvelle réforme de l’organisation de la police dans la métropole de Marseille
Une première signification de cette décision est peut-être d’en finir avec les initiatives des exécutifs précédents. L’exécutif dirigé par E. Macron et par le gouvernement qu’il a désigné doit se distinguer des exécutifs qui l’ont précédé. Il est vrai que la politique menée par le gouvernement de F. Bayrou est tellement illisible, voire invisible, qu’il lui faut bien manifester son existence même par des mesures de ce genre. Au moins pourra-t-il dire qu’il a changé l’organisation de la police à Marseille, il aura au moins fait ça. Toutefois, il semble bien que, dans l’exécutif, cette idée de Bruno Retailleau le renforce, lui, plutôt qu’elle ne renforce le premier ministre. En ce sens, il s’agit encore d’une mesure qui accentue la dérive droitière de l’exécutif. Par ailleurs, en supprimant le préfet de police, la réforme place sous une seule casquette la lutte contre la délinquance et la politique de l’immigration, et cela vient dire clairement quelle est la dimension idéologique de la réforme. Cette signification peut se lire dans les mots du préfet Leclerc, cités par dans Le Monde, du 13 mars dernier : « Aujourd’hui, on ne peut pas disjoindre la politique de lutte contre la délinquance de la politique migratoire. Elles sont liées ». Le migrant, c’est le délinquant, a priori. Quant à la lutte contre la délinquance et contre la criminalité, elle s’inscrit dans la globalité de la politique de l’État, au lieu de faire l’objet d’une politique particulière. Enfin, et c’est le plus immédiatement manifeste, cette réforme va donner plus de pouvoir au préfet de la région. Celui-ci avait dit au Monde, au mois de mars dernier, à l’approche de la réforme en question : « Il n’y a plus qu’un responsable, c’est moi ». Comme l’avait dit Louis XIV, en commentant sa propre réforme de l’exécutif de 1661 : « L’État, c’est moi ». Ce genre de propos vient nous rappeler ce que nous savons tous, mais que les psychanalystes nous ont dit : pour exercer un pouvoir exécutif, dans quelque fonction que ce soit, il est nécessaire de s’inscrire au moins à quelque degré que ce soit, dans une sorte de psychose. En supprimant le préfet de police de Marseille, l’État répond au désir de puissance du préfet de région actuellement en fonction, G.-F. Leclerc, à une sorte de désir de toute-puissance dont il est porteur. Et c’est là que, sans entrer dans un autre discours, celui, plus proprement politique, qui dénonce les abus de la police marseillaise, je voudrais questionner la signification complexe des logiques du pouvoir (ou de son absence de logique), comme l’avait fait S. Freud en relisant les mémoires d’un haut magistrat allemand, le président Schreber, président de chambre à la Cour d’appel de Dresde ; Freud estimait ces propos comme ceux d’un sujet porteur d’une forme de psychose. À un moment ou à un autre, et, en particulier, en recherchant un accroissement de ses compétences, un exécutif est toujours obsédé par l’extension de ses pouvoirs jusqu’à les confondre avec son identité : « Il n’y a plus qu’un responsable, c’est moi ».
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