Pas très jeune friendly tout ça…

Billet de blog
par Lagachon
le 2 Nov 2011
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« Ma ville accélère », on le lit partout. Marseille avance à pas de géant pour être à l’heure en 2013 : musées, hôtels, FRAC, Friche, sans compter Euroméditerranée, et en attendant le début des travaux sur le Vieux-Port ! Au-delà des bâtiments, c’est tout un lieu de vie qu’on reconstruit.

Mal à la jeunesse

Tout le monde n’est pas toujours bienvenu dans le New-Marseille, et lorsque ça se voit trop, des associations se créent pour défendre les plus faibles, comme « Un centre-ville pour tous » qui travaille dur pour sauver la mixité sociale du centre-ville. Mais qui s’occupe des jeunes ? Alors que le candidat PS à l’élection parle de contrat de génération, qu’on se rend compte que la France a mal à sa jeunesse, on ne peut que constater qu’en plus de partager les problèmes nationaux, Marseille y ajoute une ambiance pas toujours très jeune-friendly.

Officiellement, on veut des jeunes dans le centre-ville, plutôt étudiants en droit ou sciences de gestion, idéalement dans des studios hors de prix au 5e étage d’un immeuble haussmannien Rue de la République. Mais dans les faits, je pense qu’il y a une profonde incompréhension (consciente ou non) entre les dirigeants et la jeunesse marseillaise, alors que comme souvent, Marseille aurait tout pour plaire aux ados et jeunes adultes : ville rebelle, anticonformiste, celle où les parents ne veulent pas que l’on aille, où l’on peut vivre pour moins cher, et en plus aller à la mer et trainer en terrasse, le pied ! Oui mais…

Couvre-feu

Comment peut-on prétendre vouloir attirer les jeunes et décréter un couvre-feu relatif à partir de 22h30 en centre-ville (21h dans les quartiers périphériques) en suspendant le service de transports en commun ? Sur ce point, comme sur celui des campus, j’ai l’impression que les parents projettent leur fantasme d’une jeunesse idéale très éloigné de la réalité… Luminy est effectivement dans un écrin incomparable, mais cette vision ne correspond à un désir de calme, de contact avec la nature…  de papa.

Ce que veut un étudiant, ou un jeune en général, c’est pouvoir sortir tous les soirs s’il le veut, rencontrer d’autres étudiants, vivre pour pas cher, et profiter de ne plus avoir ses parents sur le dos pour découvrir la vie, transgresser, tester ses limites. Et plus tard, trouver un travail en accord avec son niveau d’étude et son secteur.

Quels signaux lui envoi-t-on en fermant un par un les lieux de nuits ? Et nommant « service de nuit » des bus qui s’arrêtent à 0h45 ? Là encore, certains projettent leur vie bien rangée et soit n’imaginent même pas que l’on puisse vivre autrement, ou sont terrorisés par l’idée que des gens puissent « veiller » jusqu’au petit matin, et même un mardi soir !

Sans parler des opportunités de travail : lorsqu’on a une bonne idée, mieux vaut ne pas déranger quelqu’un de bien installé et de bien introduit. J’ai fait l’expérience, comme de nombreux autres, du “c’est une très bonne idée, mais… pas maintenant / il faudrait en parler à untel / tant que untel est là on ne pourra pas…” J’ai lu dans un livre sur Marseille le témoignage d’un architecte qui disait “Marseille est une très bonne ville pour avoir des idées, à condition d’aller les réaliser ailleurs”. (sic, sic et re-sic)

On entend souvent que l’on a les élus que l’on mérite, dans ce cas-là, le gros des marseillais seraient très conservateurs, un couple Boutin-Bayrou, qui vit une profonde dissonance en s’autorisant les pires incivilités (stationnement anarchique, non tri des déchets, arrangements fiscaux…) mais réclamant une vie sans aspérités pour les autres, surtout les jeunes.

Le paradis des trentenaires

Quoiqu’il en soit, couvre-feu, campus éloignés et isolés du centre-ville, fermetures administratives, répression du bruit tendent à créer une atmosphère étouffante pour les plus jeunes, dont de nombreux rêvent de s’échapper, pour aller vers des endroits plus « jeunes-friendly » : Lyon, Toulouse par exemple. Et avec eux, c’est autant de talents et de forces de création et de régénération qui va s’épanouir ailleurs.

Alors oui, la ville gagne des habitants, certains viennent combler le manque lorsque la fougue est passée et que la fatigue se fait sentir plus tôt, parfois à cause d’enfants dont il faut bien s’occuper. Et ce sont ces trentenaires qui font aujourd’hui vivre l’illusion d’une Marseille festive, où la nuit s’arrête à 1h du matin (il faudra bien assurer demain à 8h quand les enfants se réveilleront) et brille plus par ses apéros que par ses levers de soleil dans des boîtes en plein air. Car si Marseille attire aujourd’hui près de 5000 nouveaux habitants tous les ans, elle continue d’exporter massivement du bachelier et de l’étudiant. Hypothéquant l’image et l’avenir de la ville.

Tous ces marseillais qui fuient une fois leur bac en poche ne font pas spécialement la publicité de leur ville d’origine une fois à Lyon, Paris, Toulouse… Ils sont souvent tristes d’en être parti mais en veulent (à raison) à Marseille de ne pas avoir su leur donner les opportunités, ni l’envie pour rester. Et il y a fort à parier que les plus talentueux d’entre eux ne reviendront pas, ou en tous cas pas tout de suite, c’est ailleurs qu’ils créeront entreprises, galeries, théorèmes, œuvres d’art, ou tout simplement qu’ils fonderont leur famille. Dommage !

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