Mohamed : un couteau-suisse au service de l’éloquence
Originaire de Mayotte, Mohamed Ousseni est arrivé en France à l’âge de sept ans. Ce touche-à-tout est déterminé à réaliser ses rêves, autant dans la musique que dans la politique.
Mohamed : un couteau-suisse au service de l’éloquence
C’est à Félix-Pyat, dans le 3ème arrondissement de Marseille, que l’on retrouve Mohamed, attablé au snack au moment du déjeuner, parmi ses camarades. L’ambiance est animée, et il fait assez chaud à l'extérieur. Ce qui n’empêche pas Mohamed, habillé d’un jean noir déchiré au genou et d’un t-shirt blanc, de porter une veste noire à capuche. Interpellé à ce sujet, il répond simplement en rigolant : « J'aime avoir chaud ».
A 23 ans, le jeune homme qui est en service civique, est passionné d’informatique et de codage. En public, il n’hésite pas à user d’humour pour mettre tout le monde à l’aise. Ses camarades le décrivent comme chaleureux et bienveillant. L'un d'eux, Ali, évoque son amitié récente mais forte, avec Mohamed. Il en a les larmes aux yeux : « C'est quelqu’un de bien, je peux vraiment compter sur lui ». Pourtant, il y a seulement 6 mois, Mohamed, était plutôt de nature timide et réservée : « Avant le service civique j’étais pas à l’aise ». Il est le premier intrigué par sa métamorphose.
Le déjeuner touche à sa fin. Mohamed propose alors de se diriger vers un endroit plus calme et intimiste, comme il les aime. « Pour mieux se retrouver », nous explique-t-il. Nous voilà alors au Théâtre Toursky, façades colorées et endroit totalement vide. Nous montons les escaliers qui nous séparent de la terrasse elle aussi déserte. C’est ici, entre quatre yeux, que l’on remonte le temps, jusqu’au moment où tout a basculé.
L’été dernier : entre doute et remise en question
Eté 2017. Marseille est plongée dans une chaleur accablante. Quelque part dans la cité de Félix-Pyat, affalé sur son canapé, en short et torse nu, le ventilateur allumé, Mohamed étouffe. C’est un jour ordinaire, pense-t-il.
Après avoir redoublé sa deuxième année en Mathématiques-Informatique, Mohamed est assailli par le doute. C’est à ce moment-là, qu’on vient toquer à sa porte. Des témoins de Jéhovah qui n’auraient pas pris de vacances ? Non. Des membres de l’association Le fil à initiative venus à la rencontre des jeunes du quartier, pour leur proposer un accompagnement personnel, dans la réalisation de leurs projets professionnels. Quelques jours plus tard il assiste à une réunion d’information. « Mon projet à la base, c’était de créer un studio d’enregistrement pour les jeunes du quartier ». Son projet ne sera pas retenu par manque de place.
Toutefois Le fil à initiative lui propose un service civique dans le cadre du programme Inter-généreux, qui vise à briser l’isolement des personnes âgées. Il l’accepte.
Quand le doute laisse place à l’action
Loin d’être déçu, Mohamed est touché par le programme et tient à s’investir : « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, il faut lutter contre l’isolement ». Attentif aux personnes qui l’entourent et ouvert aux autres, il aime défendre des causes: « À mon premier concours d’éloquence, j’ai choisi de défendre la cause des femmes battues ». Récemment il s’est inscrit au comité associatif du Fil à initiatives, comme une façon de consolider son attachement au quartier qu’il a vu grandir et évoluer.
Seul accroc dans sa relation avec le quartier, un évènement particulièrement marquant qu’il a vécu quand il était au collège. Il éclaircit sa voix et pose les mains sur la table, son visage s’assombrit : « Ça s’est produit un jour où il pleuvait. Je rentrais chez moi, capuche sur la tête pour me protéger de l’eau, quand on m’a arrêté brusquement. Ils m’ont trainé comme un sac de farine dans une fourgonnette. Arrivé au poste de police, ils m’ont interrogé plusieurs fois pour me relâcher au final ».
Rap et politique
Ses récentes prouesses à un concours d’éloquence, Eloquentia, auquel il est arrivé en quart de finale, le poussent vers une autre voie désormais. « Je vais faire de la politique bientôt ! » s’écrie-t-il d’un ton volontairement solennel. Le jeune homme est ambitieux.
Mohamed est également passionné de musique. Son regard s’illumine quand il parle de son projet dans ce domaine: « J’ai déjà écrit mes textes, mais mon but est de créer une musique de A à Z, faire l’instru’, l’enregistrer…» . Grâce à ses contacts, il devrait rencontrer des professionnels du milieu pour l’aider à construire sa carrière musicale. Il ajoute d’un ton calme doublé d’un regard malicieux: « Mais j’ai pas tout le matos’, et je suis perfectionniste donc je préfère prendre mon temps ». Comme le temps d’écouter Brassens, qu’il affectionne particulièrement et dont il s’inspire.
Quand on lui demande où il se voit à trente ans. Il sourit: « Sans te mentir, je me vois sur scène en train de chanter ». Sa carrière politique sera donc de courte durée.
Hafida Belaouinat & Oussama Belghazi
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