[Mes châteaux d’if| Fourre tout
Le château d'If (Crédit : Milena/Flickr)
Boites à livres et clapiers humains
Après un week-end dans le 17e arrondissement de Marseille, je veux dire, Forcalquier, deux amies facétieuses m’ont ramené un livre trouvé dans ces merveilleuses boites à livres, qui ont poussé un peu partout. Moi-même, j’ai mes petites habitudes avec celles de Barjols et de Brue-Auriac, dans le Var. Eh oui, on trouve quand même des boites à livres ouvertes et gratuites dans ces villages siglés, Voisins Vigilants. Et on ne trouve aucun livre sur Eric Zemmour ou Edouard Drumont, malgré le rapprochement fait par Gérard Noiriel dans Le Venin dans la plume. Excellent livre dont je reparlerais. Ces boites sont un vrai bonheur quand on voyage à vélo et qu’on découvre dans une ancienne cabine téléphonique à pièces, un exemplaire de la romancière maoïste Han Suiyn ou un vieux Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera. C’est fou ce que la Chine a pu passionner les agricultrices ! Ou bien ce sont des maoïstes en vélo qui déposent ces exemplaires ? Imaginez Philippe Sollers sur son vélo électrique. Avec ses traductions de Mao Zedong :
« Séparation effacée — malédiction du cours d’eau
ancien jardin il y a trente-deux ans
drapeaux rouges tourbillonnants — soulèvement des lances esclaves
mains noires accrochant haut le fouet des accapareurs »
Souvent, on tombe sur la collection complète d’Angélique marquise des anges, l’encyclopédie des vins suisses, un Marie Cardinal ou des Daphné du Maurier. Tant qu’on ne tombe pas sur un Marc Levy, du genre : « Et si tu m’aimais encore de vrai la première nuit ? »
Ce coup-là, les deux coquines ont déniché Révolution ! d’Olivier Besancenot, en poche, bien sûr.
Déclinaison en 251 pages de termes comme “Antifascisme”, “Gauche-droite”, “Travail”, l’ancien porte-parole de la LCR qui avait rajeuni le mouvement, a connu un sacré succès avec son bouquin. De plus, son franc-parler et sa jeunesse lui ont valu des sympathies dans toute la gauche. En 2002, si on additionnait son score avec celui d’Arlette Laguillier, on frôlait les 10% ce qui faisait penser aux américains que la France était un pays trotskiste avec un gros problème de guérilla, à savoir le FLNC. On a changé d’époque après le souffle que fut le NPA mais qui retomba aussi vite qu’une quiche aux lardons trop chargée. En lisant quelques chapitres à la volée, je constate qu’en 20 ans, le discours n’a presque pas changé. Le bilan non plus. Libertés bafouées ? Là on n’ose plus l’évoquer ; inégalités sociales en hausse, l’explosion a eu lieu depuis la présidence d’Emmanuel Macron. Olivier Besancenot finit son livre avec ce qu’il appelle une chanson : « Tout est à nous, rien est à eux, tout ce qu’ils ont, ils l’ont volé… »
Cette chanson a continué à être un succès jusqu’aux Gilets Jaunes avec cette menace qui fit trembler les puissants « Ou alors…ça va péter » Ça a pété, mais plutôt dans notre gueule.
Mais aussi…
De mon côté, j’ai encore sur la table de nuit, Le mas Théotime d’Henri Bosco, grand roman d’une lenteur exquise. On se demande comment ce temps-là a pu exister. À coté La Dame aux Camelias me tend ses bras malades pour me retenir au lit. Michael Ennis avec son 1502, dégotté à la boite à livres du théâtre Silvain m’est tombé des mains alors que son Byzance avait été une vraie découverte de la descente des vikings par le Danube vers Constantinople. Pourtant, réécrire l’histoire des Borgia et de Léonard de Vinci pouvait s’avérer payant. Tout comme les autoroutes du même nom.
Je vois qu’on joue à Marseille Le Discours de Fabrice Caro. J’adore l’humour de ce type, que ce soit dans Broadway, son dernier roman, ou dans ses éditos de Spirou mais là, allez savoir pourquoi, je n’ai pas quasiment pas souri. Allons voir quand même le spectacle aux Bernardines. Je vous recommande à coup sur pour ce week-end, Homo ça coince au Théâtre de l’Oeuvre. (voir mon papier dans Diplo de juin 2019). Et si samedi, il vous reste quelques pièces, allez écouter le groupe Meditéroni à Mon café sur la Plaine à 20 h. L’accordéoniste vaut le détour.
Enfin, voilà une sortie tant attendue avec le troisième tome de Mehdi Charef et une fort belle couverture.
“La hantise que je trimballe dans mon corps, de l’aube au coucher, depuis toi, ma sœur, c’est de revivre le même drame que celui de ta mort”. Le cauchemar de Mehdi Charef, celui a changé toute sa vie jusqu’à l’émigration de sa famille en France tient à cette petite sœur morte trop tôt, dans un bled trop pauvre, et trop occupé par une puissance étrangère. “Quand j’entends quelqu’un me dire d’être positif, j’ai envie d’envoyer des coups de latte dans ses couilles”. Pourtant, Mehdi Charef est aujourd’hui un vieux monsieur, mais toujours pas guéri de cette blessure. Dans ce troisième opuscule, la famille Charef obtient un appartement dans un HLM. Elle quitte le bidonville pour l’eau chaude, le chauffage central et des chambres pour les enfants. Au début, quelques familles françaises déménagent avec eux. C’est un espoir que de fréquenter ces petits blonds, mais rapidement ils repartent. “Seules trois familles sont restées dans tout l’immeuble à huit étages. On les a surnommés les Communistes… ” Et les filles, ses sœurs, qu’attendent elles des études ? “Étudier longtemps, c’est le souhait de nos sœurs pour ne pas subir un mariage forcé, ne pas se retrouver comme leurs mères avec trois enfants à vingt ans”. Et lui dans tout ça ne veut pas être intégré, il ne veut pas devenir un jeune Giscardien, non il veut connaître les mêmes émotions que la jeunesse française, écouter de la musique, Hendrix, Joplin et faire l’amour.
La cité de mon père, Mehdi Charef, Hors d’atteinte, 2021, 16 euros.
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