MARSEILLE SANS POLITIQUE CULTURELLE
Différents événements se rencontrent aujourd’hui pour faire apparaître l’absence de politique culturelle de la Ville de Marseille. Qu’il s’agisse de l’abandon par la municipalité du site de la Corderie, de l’absence de moyens destinés aux musées de la ville, ou de la grève du personnel des bibliothèques contre les nouveaux horaires de travail qui leur sont imposées, tous ces événements sont les symptômes de l’absence de projet culturel de la municipalité. Sans doute faut-il s’interroger sur le sens de cette absence de politique.
L’abandon de la culture par la municipalité
C’est, d’abord, cela qui apparaît clairement : l’absence de la municipalité du champ de la culture. Tout se passe, finalement, comme si la Ville avait voulu n’être présente dans le domaine de la culture que pour obtenir le label de « ville européenne de la culture », mais qu’une fois passée l’année au cours de laquelle ce label lui avait été attribué – on se demande, d’ailleurs, encore sur quels critères et par quels pouvoirs, la culture ne faisait plus partie des préoccupations de la municipalité. On peut comprendre de trois façons cet abandon de la culture. D’abord, il s’agit, sans doute, d’un des éléments qui permettent de distinguer les municipalités de gauche et les municipalités de droite : les politiques culturelles ont toujours constitué un impératif majeur des politiques de gauche alors qu’elles ont toujours été délaissées par les politiques de droite – qu’il s’agisse des politiques municipales, des politiques régionales ou des politiques nationales, et ce, sans doute dans tous les pays. Par ailleurs, cet abandon de la culture par la municipalité renvoie à une certaine conception de la culture qui est, finalement, limitée à un ensemble d’activités de loisirs ; la culture, c’est un peu comme le tourisme : cela fait partie des activités destinées à alimenter les loisirs sans aller au-delà. Enfin, que les politiques culturelles ne soient pas considérées comme un objet majeur des politiques publiques, cela signifie que la municipalité se désengage des politiques destinées à l’expression, aux représentations, aux discours, aux pratiques artistiques : les politiques de droite ont toujours donné la plus grande place à ce qui peur servir à faire du profit ou à permettre aux entreprises de faire du profit, et non à ce qui peut construire des significations.
Une logique commune au libéralisme
Sans doute s’agit-il là d’un des éléments qui permettent de définir le libéralisme, de mieux comprendre en quoi consiste cette orientation de l’économie et des politiques publiques. Le libéralisme ne se limite pas au retrait des pouvoirs publics hors de l’économie, laissée aux entreprises et aux acteurs privés : il s’agit, plus profondément, d’une conception de la politique qui vise à permettre les profits, et, au-delà, à accentuer les différences entre les classes sociales aisées, celles des propriétaires, et les classes sociales des travailleurs : finalement, on se rend compte que les classes sociales n’ont pas changé depuis que Marx a proposé de réfléchir sur leur définition et sur la confrontation qui les oppose. Le libéralisme continue à se définir comme ce qui permet aux profits de s’accroître au détriment des services publics, des pouvoirs politiques, bref : de ce qui fait l’objet de choix démocratiques. Finalement, la diminution de l’emprise des choix populaires et de la démocratie est ce qui définit le libéralisme dans le champ des identités politiques.
L’absence d’expression de l’identité urbaine
Mais il faut sans doute aller encore un peu plus loin : l’absence de politique culturelle revient à l’absence d’expression politique de l’identité. En effet, c’est cela, la culture : c’est l’ensemble des expressions de l’identité. La politique culturelle d’une ville est l’ensemble des modes d’expression de son identité par cette ville, par les pouvoirs qui la régulent et qui font des choix qui l’engagent. En ce sens, la politique culturelle d’une municipalité vient s’articuler à ses choix d’urbanisme et d’aménagement de l’espace en leur donnant une signification, en rendant possible la reconnaissance de la signification de ces politiques d’urbanisme et d’aménagement de l’espace. Et, dans ces conditions, ce dont on s’aperçoit au sujet de Marseille, c’est de la rencontre entre l’absence d’une politique culturelle et l’absence d’une politique d’aménagement de l’espace urbain. Laisser s’engager des choix et des pratiques d’aménagement et des pratiques culturelles sans intervenir revient pour les pouvoirs d’une municipalité à abandonner l’expression de son identité. C’est bien pourquoi il y a une véritable urgence à faire retrouver à Marseille une politique culturelle : c’est cela ou Marseille risque de perdre son identité, et ses habitants de perdre la leur.
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